Þorrablót

111Un repas où les mets sont tous plus laids les uns que les autres

Le mois de Þorri commence avec le Jour des Maris, le Bóndadagur, autrefois le Jour des agriculteurs, fin Janvier et se termine par le Jour des Femmes, le Konudagur. Le moment fort de ce mois est marqué par un évènement spécial appelé le Þorrablót. Les Islandais se rassemblent à cette occasion et se régalent d´aliments peu ragoutants. « Blot » signifie « festival », ainsi Þorrablót est un festival en l’honneur de Þor, un des principaux dieux nordiques.
Les mets servis sont appelés Þorramatur (matur = nourriture). Ils se composent de plusieurs plats comprenant de la tête de mouton bouillie, des testicules de bélier marinées, du boudin, du boudin de foie, de l´agneau fumé et le « pire » de tous, le requin faisandé. (les petits cubes pâles sur la photo ci-dessus). Si vous êtes invité au festival Þorrablót, il y aura certainement d’autres plats, disons, … plus normaux offerts aux personnes sensibles, comme par exemple, du saumon fumé servi sur du pain de seigne (Rúgbrauð) et des « flatkökur », version islandaise du pain sans levain qui remonte à la colonisation de l´Islande vers 874AD.

Le premier Þorrablót a été organisé par l’association des étudiants islandais à Copenhague en 1873, mais a connu une recrudescence à partir des années 60, après qu´un restaurant de Reykjavik décida de mettre au menu ces mets traditionnels alors principalement consommés dans les villages. Coïncidant parfaitement avec le regain de sentiment nationaliste du milieu du 20ème siècle, la tradition du Þorrablót s´est renforcée et est aujourd’hui un événement important du milieu de l’hiver.

Bien sûr, si vous avez grandi avec cette tradition, vous êtes et resterez attachée au Þorrablót. Mais pour le reste d’entre nous ….

Essayez-donc, à vos risques et périls!

L’Islande accueille ses premiers réfugiés syriens

Les six familles, représentant 35 personnes en tout, étaient attendues à l’aéroport par le Premier ministre.
L’Islande a reçu mardi ses premiers réfugiés syriens, six familles arrivées d’un camp de la Croix-Rouge au Liban, et qui ont été accueillies à l’aéroport par le Premier ministre en personne. Le chef du gouvernement leur a dit «espérer qu’elles se plairaient en Islande», ont déclaré ses services dans un communiqué.

Ces 35 personnes ont bénéficié de la volonté de trois municipalités, Akureyri (nord), et Kópavogur et Hafnarfjörður près de la capitale Reykjavik, d’accueillir des familles ayant dû fuir le conflit qui a dévasté leur pays. «Merci l’Islande, voilà un grand pays», a déclaré un père de famille syrien cité par le quotidien Morgunblaðið. Des logements et des programmes d’insertion sociale spécifiques les attendent.

«Tous les efforts seront faits pour aider les réfugiés à bâtir une vie nouvelle en Islande et à s’adapter aux conditions de vie ici, afin de participer activement à la société islandaise», a expliqué le gouvernement. Quatre autres familles doivent arriver ultérieurement. Certaines autres auxquelles il a été proposé de se rendre sur cette île ont décliné l’offre, d’après le ministère des Affaires sociales. Selon les statistiques nationales, 21 Syriens ont immigré en Islande entre 2011, l’année où a commencé le conflit, et 2014.

http://www.liberation.fr/planete/2016/01/19/l-islande-accueille-ses-premiers-refugies-syriens_1427606

Euro 2016

1016Dans le cadre de la préparation pour l’EURO 2016, l’ambassadeur s’est entretenu hier avec le maire d’Annecy, Monsieur Jean-Luc Rigaut, Monsieur Bernard Accoyer, Député Maire d’Annecy le vieux et Monsieur Lionel Tardy, Député de la Haute-Savoie et Président du Groupe d’amitié France-Islande à l’Assemblée nationale. Qualifiée pour la première fois à l’Euro, l’équipe nationale d’Islande établira son camp de base à Annecy-le-Vieux.

Actualités (décembre 2015)

Séra Valdimar Briem l’a écrit dès 1886 et les Islandais le chantent à l’église à minuit le 31 décembre sur une musique de Andreas Peter Berggreen : « nú árið er liðið í aldanna skaut / og aldrei það kemur til baka » (le lectorat de ces chroniques comprend des traducteurs de qualité ; j’ose néanmoins : « l’année a maintenant rejoint l’étreinte des siècles, / et jamais ne reviendra »). Le texte ne craint pas l’emphase, mais la musique est agréable, que vous pouvez écouter dans sa version classique (https://www.youtube.com/watch?v=DGd…) et une très jolie version moderne (https://www.youtube.com/watch?v=Rog…). Toutes deux nous invitent à la sérénité après une année 2015 de bruits et de fureurs, notamment en France.
En Islande, 2015 a été marquée par des conflits sociaux nombreux et durs ; il a fallu d’importantes concessions des employeurs publics et privés pour les éteindre ( ?), mais pouvait on à la fois se féliciter d’une exceptionnelle conjoncture économique et refuser à ses acteurs la part qu’ils jugeaient légitime ? Ces mêmes acteurs ont à leur tour su se montrer généreux en contraignant leur gouvernement à recevoir beaucoup plus d’immigrants que ce qu’il prévoyait.
Décembre n’a pas dérogé à la règle : mois de lumières et de fêtes. Pour confirmer cette tradition je citerai ici ma chronique de décembre 2010, la première à propos de Noël :
Car le mois de décembre est en Islande celui de la nuit, qu’il faut éclairer de toutes les manières possibles. Les aurores boréales peuvent apporter le plus bel éclairage qui soit, mais elles exigent bien des conditions pour se laisser voir et sont le plus souvent discrètes. La lune ? Parfois, bien sur, mais voici que décembre 2010 a été marqué par une éclipse totale de notre satellite !
Restent les maisons, et c’est pourquoi Noël commence début décembre et ne finira qu’en janvier ! Un seul Père Noël ne saurait suffire… il y en aura donc 13 (treize !), dont tout ami de l’Islande doit connaître la liste par cœur, et qui font leur visite à raison d’un par jour jusqu’au 24 décembre. Heureux les petits Islandais ? Pas sûr : ces Pères Noël ne sont pas toujours sympathiques tant ils adorent faire des farces. Stekkjarstaur arrive le premier, droit comme un piquet, et se précipite dans la bergerie pour boire le lait des brebis. Le second est Giljagaur friand de la mousse du lait de vache… Et ainsi jusqu’à Ketkrókur, le douzième, qui essaie d’attraper par la cheminée la viande fumée bouillant dans une marmite. Quant à Kertasníkir, le dernier, il vole aux enfants ces bougies qui dans le passé étaient leurs seuls cadeaux !
Grýla leur mère, Leppalúði, son troisième mari, et Jólakötturinn (le chat de Noël) ne valent pas mieux. Car Grýla est une ogresse qui entend les enfants peu sages où qu’ils soient, les attrape, les met dans sa hotte, pour, au motif qu’elle est toujours affamée, les consommer une fois revenue dans son repère ! Et Jólakötturinn emporte les enfants qui n’ont pas reçu de cadeaux…
En dépit de ces menaces les faibles humains préparent la fête, nettoient leur maison de la cave au grenier, composent toutes sortes de gâteaux, et évidemment (98% selon une étude récente !) achètent des cadeaux. A la table du réveillon, il y aura du porc fumé ou du renne ou peut être des perdrix blanches. Le lendemain sera servi le « hangikjöt » (gigot d’agneau fumé) qui est à lui seul une raison de prendre l’avion pour l’île…
La continuité est aussi dans le menu des repas. Comme les années passées, la moitié des Islandais ont mangé du « hamborgarhryggur » (carré de porc fumé) au réveillon et 75% du « hangikjöt » au repas de Noël (sondage MMR).
Malgré les chapardages de 13 Pères Noël, il reste aux enfants islandais et à leurs parents de nombreux cadeaux, à base de Star Wars pour les garçons et de Reine des Neiges pour les filles, et de smartphones pour tous.
Le choix de Ólafur Ragnar Grímsson
Pour faire place à Noël et ses festivités, l’actualité politique est mise en sourdine après le vote du budget. Au lieu des intentions de vote, MMR sonde les projets gastronomiques des électeurs. Même les vœux du Premier Ministre passent inaperçus. Il est vrai qu’il ne surprend personne en redisant combien les Islandais doivent être fiers de si bien vivre sur leur île. Ce que confirme le Bureau des Statistiques.
Mais la trêve est terminée dès le 1er janvier lorsque, à l’occasion de son allocution de vœux le Président Ólafur Ragnar Grímsson lève le suspense sur ses intentions : il ne se présentera pas pour un sixième mandat.
Pourquoi ? (voir http://english.forseti.is/media/PDF…) : « Oui, beaucoup d’années sont passées, à une vitesse étonnante : temps de défis difficiles, de joies et aussi de chagrins ; beaucoup de choses ont pris un autre aspect depuis que Guðrún Katrín (Guðrún Katrín Þorbergsdóttir, décédée le 12 octobre 1998) et moi sommes arrivés ici. [… ] Les nombreuses incertitudes (ORG cite Icesave, les débats autour de l’adhésion à l’UE, la levée du contrôle des changes, les projets de développement du référendum…) qui, voici quatre ans, avaient provoqué des appels à prolonger mon mandat, ont aujourd’hui heureusement disparu. […] A la lumière de cette description, et en référence à cette démocratie qui est le fondement de notre vie nationale, je crois le moment venu de transférer les responsabilités de président sur d’autres épaules, et ai donc décidé de ne pas me représenter. »
Faut-il croire ORG ? Il a tenu le même discours voici quatre ans, pour ensuite revenir sur sa décision après avoir été sollicité par une pétition opportune. Celui-ci est scrupuleusement examiné par des exégètes ; la plupart penchent vers le « oui »…
Qui va s’y risquer ? Des candidats se sont déjà manifestés, peu crédibles. D’autres ? Par la durée (20 ans !), ses décisions concernant Icesave, ses transgressions par rapport au rôle traditionnel des présidents islandais, et aussi la stature internationale qu’il a su acquérir, Ólafur Ragnar a profondément transformé la réalité de la fonction, et volontairement ou non, montré combien elle est déséquilibrée. Malheureusement les projets de réforme constitutionnelle semblent l’ignorer, peut-être parce qu’il faudrait alors revoir complètement l’équilibre des pouvoirs. J’y reviendrai.
Actualité économique
Comme prévu le PNB a progressé de 4.5% au cours des 9 premiers mois de 2015. Ce résultat est d’autant plus intéressant qu’il repose à la fois sur la progression de la consommation (4.4%), de l’investissement (15.8), et celle du commerce extérieur.
J’ai déjà relevé que l’importation de produits augmente plus vite que l’exportation ; on voit sur le graphique ci-contre que ce déséquilibre est largement compensé par le solde positif de la balance des services.
Le chômage est stabilisé autour de 3,5% et les prix restent étonnamment sages, en partie à cause de la bonne tenue de la couronne : il faut 141.7 Ikr pour 1 euro contre 154.7 voici un an.
Alors, bien sur, le Français jaloux cherche des ombres :
  • les généreuses augmentations de salaire consenties au début de l’été n’ont pas encore produit tous leurs effets sur la consommation interne et le niveau des prix,
  • la chute des cours de l’aluminium conduit à s’interroger sur la pertinence de certains projets industriels, et les producteurs à exercer une intense pression sur leurs fournisseurs d’énergie, qui ont pourtant consenti des conditions très avantageuses,
  • le succès des négociations avec les « anciennes » banques, préalables à la levée du contrôle des changes, n’est pas encore assuré.
Et, aux confins de l’économique et du politique, reste bien sur le problème de la monnaie.
Relations internationales : l’Islande et l’UE
Le coût de la couronne
Publiée début décembre, une étude réalisée par le périodique économique « Vísbending » estime que l’utilisation de la couronne coûte 1 million Ikr (7000€) par an à chaque foyer. Ce calcul repose sur une évaluation du montant des intérêts payés pour les emprunts publics et privés contractés en monnaie locale, comparés à ce qu’ils seraient pour des emprunts en devises. Une telle évaluation peut certainement être discutée, mais il est clair que la monnaie est le talon d’Achille de l’économie islandaise, tant celle-ci repose sur le commerce.
Le boycott russe
C’est précisément cette caractéristique qui conduit les exportateurs de poisson à critiquer à nouveau (voir chronique de août 2015) la décision islandaise de soutenir la boycott européen des produits russes. Curieusement (ou non ?) ni Sigmundur Davíð ni Bjarni, présidents des deux partis au gouvernement, ne viennent soutenir Gunnar Bragi Sveinsson, Ministre des Affaires Etrangères, pour une décision qu’il n’a certainement pas prise seul !
Actualité sociale
Les grèves
2015 a été marqué par un nombre exceptionnel de grèves ou menaces de grève. Au printemps/été 2015 54 syndicats avaient menacé de lancer une grève. Le Médiateur national est intervenu dans 57 cas et a pu ainsi limiter le nombre de grèves ou en raccourcir la durée. Il est vrai que les concessions ont été importantes, de l’ordre de 30 à 40% en 3 ans selon les niveaux de rémunération.
Accueil des réfugiés
J’ai dit ici comment l’accueil de réfugiés avait été considéré comme un devoir national par la plupart des Islandais, contraignant ainsi le gouvernement à se montrer beaucoup plus généreux que ce qu’il avait prévu (voir chronique d’août 2015). De nombreuses familles à travers toute l’île ont proposé de leur ouvrir leurs portes, et aussi :
  • 12000 Islandais suivent la page Facebook « Sýrland kallar ! » (la Syrie nous appelle !) ouverte par Bryndis Björgvinsdóttir,
  • des concerts sont organisés pour leur venir en aide,
  • les salariés du laboratoire Actavis viennent à leur rencontre lors d’une fête de Noël organisée à leur intention en liaison avec la Croix-Rouge,
  • IKEA annonce qu’il fera un don de 100000 Ikr à chaque réfugié, quelque soit son âge, pour l’équipement de son logement, et contribuera au maximum à leur insertion professionnelle.
Tout n’est pas si simple : deux familles albanaises, installées en Islande depuis deux ans se voient refuser un permis de séjour par le Bureau de l’Immigration au motif qu’il s’agit d’immigrés « économiques », et sont immédiatement expulsées avec d’autres alors qu’elles ont chacune un enfant atteint d’une très grave maladie. La fin est un conte de Noël : à l’initiative de l’employeur de l’un d’eux, une pétition est lancée qui recueille 6000 signatures en quelques heures, et l’Alþingi ajoute immédiatement les familles à la loi qu’il vote en fin d’année pour accorder la nationalité islandaise. Les voici de retour en Islande.
Actualité Culturelle
Où les Islandais se tournent à la fois vers leur passé et vers la mode :
La mode est celle des séries télévisées, dans lesquelles les cousins scandinaves ont acquis un savoir-faire reconnu. L’Islande de se joint au mouvement avec « Ófærð », première série islandaise à vocation internationale, produite par Baltasar Kormákur, et qui devrait atteindre la France dans le courant 2016. Le 27 décembre 128000 Islandais (50% de la population de l’île, alors que la série est interdite aux moins de 16 ans !) étaient devant leur récepteur TV pour assister à la découverte d’un cadavre dans un village côtier !
Le passé est revisité par Mickaël Torfason et þorleifur Arnar Arnarsson pour produire un spectacle sur le thème de la Saga de Njáll le Brûlé présenté en première le 30 décembre au Borgarleikhús. La chorégraphie est de Erna Ómarsdóttir. Pour elle la musique et la dance peuvent mieux encore que l’écrit mettre en évidence certains passages de la saga ; elle cite notamment le célèbre passage où Hallgerður refuse de donner un cheveu à Gunnar, son mari, pour qu’il bande son arc, précipitant ainsi sa mort !
Et la vie continue…
… presque chaque jour…
… le 28 décembre, à Eskifjörður (est) après le passage d’une tempête…

Actualités du mois de novembre

Actualités islandaises – Novembre 2015 (par Michel Sallé)


En Islande comme partout dans le monde les réactions sont très nombreuses aux horribles assassinats perpétrés le 13 novembre à Paris, et multiples les manifestations de solidarité officielles. Mais aussi personnelles : beaucoup d’Islandais sont venus à Paris pour étudier ou y célébrer un moment heureux de leur vie, certains y sont restés ; tous s’identifient à ces Parisiens de toutes origines aveuglements tués ou blessés alors qu’ils écoutaient de la musique ou étaient assis à une terrasse de café.

L’actualité politique

Très vite, à Reykjavík comme ailleurs, le discours opportuniste réapparaît car ces attentats donnent raison à tous, ceux qui croient à la coopération internationale malgré ses bugs, ceux qui préfèrent fermer portes et fenêtres… celui enfin qui y voit une opportunité pour préparer sa candidature à un sixième mandat de Président !

Dans le gouvernement, tant Ólöf Nordal, Ministre de l’Intérieur et Vice Présidente et du Parti de l’Indépendance que Gunnar Bragi Sveinsson , Ministre des Affaires Étrangères et Vice-Président du Parti du Progrès, croient qu’il n’y a pas lieu de modifier la politique suivie depuis le début de la législature : coopération dans le cadre de la Convention de Schengen, dont l’Islande est signataire, et accueil généreux des migrants. Pour ce dernier « nous ne pouvons prétendre que cela n’arrivera pas ici […]. Mais nous ne devons pas tomber dans le piège de qualifier tous les réfugiés de terroristes. » De son coté Ólöf rappelle que « l’Islande fait partie du monde et nous devons prendre nos décisions en conséquence ; nous Islandais avons toujours voulu agir en coopération étroite avec d’autres pays, et ceci est spécialement important quand une menace est imminente ». Ce qui n’empêche pas de prendre un certains nombre de précautions. Les partis de l’opposition sont eux aussi sur cette ligne.

Mais le Président Ólafur Ragnar Grímsson s’inquiète : « la menace a des racines nouvelles, et elle emploie des méthodes que nous n’appréhendons pas toutes. Si l’on croit qu’il suffira d’être positifs à l’égard des sociétés multiculturelles et des immigrants, et que la menace disparaitra toute seule, il s’agit d’une très grave erreur » ; il ne verrait pas d‘un mauvais oeil une remise de question de l’adhésion de son pays à l’Espace Schengen. Posture présidentielle qui laisse présager une candidature à l’élection de juin 2016. Quelques jours plus tard il fait savoir qu’il est opposé à la proposition de l’Arabie Saoudite, portée par son ambassadeur, de participer au financement d’une mosquée à Reykjavík… mais doit convenir qu’il n’a aucun pouvoir sur ces sujets.

Le Premier Ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson lui emboite le pas, pour qui les attentats de Paris ont montré l’inefficacité du dispositif Schengen. Retour du sommet de La Valette sur les migrants, il rapporte à la presse que les dirigeants européens sont en privé inquiets de l’arrivée de terroristes dans le flot des réfugiés mais n’osent pas en parler publiquement. Comme toujours l’exemple à suivre est pour lui celui du Royaume Uni de David Cameron, mais il n’est pas sur qu’il puisse vaincre les réticences des ministres cités plus haut.

Les migrants islandais

Les événements de Paris viennent occulter une autre information tout à la fois politique, économique et sociale. Même s’il est redevenu positif depuis 2013, le solde migratoire masque une situation qui pose question : le solde migratoire des citoyens islandais reste négatif alors que le pays semble sorti de la crise. Ainsi en 2014 3400 sont partis, surtout des jeunes, alors que 2640 sont revenus. Si le solde migratoire total reste positif, c’est que 4348 étrangers se sont installés en Islande, quand 2475 l’ont quittée.

Le phénomène n’est pas nouveau, comme le montre le graphique ci-contre du Bureau des Statistiques. Il suit les mêmes cycles que la conjoncture économique, mais n’est jamais positif même lorsque celle-ci redevient favorable comme en 2004 ou aujourd’hui.

Posons une loupe sur les dernières années :

En 2009 et 2010, ce ne sont pas seulement les Islandais qui migrent. Les activités qui emploient beaucoup d’étrangers, telles le bâtiment, sont durement touchées par la crise. 2013, et peut-être la fin de 2012, marquent un fort retournement, au point que le solde islandais est proche de 0. Celui de 2014 est il un accident ? On sait que le départ des médecins a contraint le gouvernement à un réajustement des salaires de l’ordre de 25%, qui a lui même entraîné un incendie social qui n’est pas complètement éteint !

Katrín Jakobsdóttir, Présidente de la Gauche Verte est la première (Visír – tribune du 22 novembre) à tirer la sonnette d’alarme. Certes étudier et travailler à l’étranger fait traditionnellement partie de la vie des Islandais, qui ainsi acquièrent ailleurs des compétences dont devrait profiter l’ensemble de leur communauté ; et il était normal que beaucoup, notamment des jeunes, ne reviennent pas au pays pendant la crise. Mais les mesures que le gouvernement de gauche (dont était Katrín…) avaient décidé pour faciliter leur réinstallation ont pour l’essentiel été annulées par son successeur. Or l’Islande a besoin des ces jeunes pour construire une société de connaissance, de liberté et de justice !

Le débat est lancé : pourquoi leurs études terminées un grand nombre de ces jeunes ne reviennent ils pas au pays alors qu’ils reconnaissent que la vie y est plus facile ? Les salaires peut-être, les conditions de vie (les deux derniers hivers ont été particulièrement durs et longs) aussi, mais surtout l’impossibilité de trouver sur place un emploi correspondant aux compétences et aux ambitions des intéressés. La spectaculaire résorption du chômage depuis la crise a surtout reposé sur la création d’emplois dans le tourisme, soit des emplois peu qualifiés, et les orientations économiques actuelles auront pour effet d’y joindre des emplois industriels.

A l’Alþingi Ásta Guðrún Helgadóttir, députée Pirate, se joint à Katrín pour souhaiter une réflexion à ce propos. Mais le Premier Ministre Sigmundur Davíð ne voit pas où est le problème : on ne peut pas empêcher les jeunes de vouloir parcourir le monde (le 27 novembre le Bureau des Statistiques (service rattaché au Premier Ministre) publie comme un démenti : « il n’y a pas de changement dans le solde migratoire pour 2015 », sans la moindre statistique ! La voici : pour les 9 premiers mois de 2015, 3120 Islandais ont quitté l’île ; 1990 y sont revenus…). Ce que lisant, certains membres de la diaspora se déchainent sur Facebook. La question est évidemment ailleurs ; comment ne pas la rapprocher des intentions de vote en faveur des Pirates (près de 50% chez les jeunes) et des conflits sociaux du printemps ?

La situation économique

A voir le graphique ci-contre, qui montre un pouvoir d’achat en progression de 7.9 % en un an, on comprend l’incompréhension de Sigmundur Davíð : pourquoi vouloir quitter ce pays pour des voisins européens dont les résultats économiques sont si mauvais comparés à ceux obtenus grâce à la politique suivie par son gouvernement ? Car, contrairement à toute attente après les concessions salariales faites depuis le printemps, la Banque Centrale parvient à contenir l’inflation en dessous de son objectif de 2.5%, …tout en laissant entendre que cela ne va pas durer, ce qui la conduit à majorer encore son taux de base à 5.75%.

Le chômage paraît stabilisé entre 3 et 4%. Pour ce qui concerne le commerce extérieur la balance des échanges de produits pour les 9 premiers mois de 2015 (voir http://www.statice.is/publications/news-archive/external-trade/external-trade-in-goods-january-september-2015/) connaît le même léger déficit qu’en 2014 pour la même période soit 14725 millions d’Ikr (1€ = 141.4 Ikr ou 100 Ikr = 7.07 €) (1.8% des exportations) et ce déficit est le produit d’une très forte progression tant des exportations (11.8% à 480121 millions d’Ikr) que des importations (11.3% à 494846 millions d’Ikr), ce qui montre à la fois le fort niveau d’activité et le bon maintien des exportations malgré une progression de 10% de l’Ikr par rapport à l’Euro au cours des 12 derniers mois. Les produits industriels représentent 53% des exportations, malgré la chute des cours de l’aluminium, et les produits de la pêche 42%. Grâce au tourisme, il est certain que la balance des services viendra plus que compenser le déficit cité plus haut. A noter toutefois qu’une étude de spécialistes hollandais montre que l’impact économique réel de cette activité est sensiblement surestimé (40% ?). Il est en effet très difficile d’évaluer la durée et les dépenses des touristes étrangers.

Actualité sociale

La chute des cours mondiaux de l’aluminium offre une transition vers le social. Alors que l’accord signé en octobre (voir chronique d’octobre) pour les employés du secteur public, notamment les infirmières, qui avaient rejeté les accords signés par leurs syndicats au printemps, est cette fois approuvé, voici que les salariés de l’usine de Straumsvík menacent de faire grève à leur tour. L’enjeu est d’importance : Straumsvík, à Hafnarfjörður près de Reykjavík, est la première fonderie d’aluminium construite en Islande. Filiale de Rio Tinto, elle produit aujourd’hui environ 190000 tonnes d’aluminium et emploie 450 salariés. Sa directrice générale, Rannveig Rist, est inflexible. Compte tenu de la chute des cours de l’aluminium (la tonne d’aluminium est tombée cette année de 2100 à 1480$), l’entreprise produit à perte ; si la fonderie est arrêtée, il n’est pas sur que Rio Tinto, qui vient de fermer quatre usines dans le monde, accepte son redémarrage ! Ce serait évidemment catastrophique pour l’économie islandaise et particulièrement Hafnarfjörður et ses environs. La grève est prévue pour le 2 décembre, les négociations paraissent très difficiles : qui cèdera ?

COP 21 : l’Islande et son environnement

Le Président Ólafur Ragnar, le Premier Ministre Sigmundur Davíð et plusieurs membres de son gouvernement seront présents à Paris à l’occasion de la COP 21. Ils ne viendront pas les mains vides. Le gouvernement islandais s’est en effet engagé à s’associer à l’objectif de 40% de réduction des gaz à effet de serre (rappelons qu’il s’agit d’un objectif à horizon 2030 sur la base du niveau constaté en 1990) de l’Union Européenne. Seize axes d’action sont identifiés groupés en cinq catégories :
– développement de la sylviculture et retour à la nature des terres non cultivées,
– développement de la voiture électrique,
– aides à l’agriculture et à la pêche pour réduire la pollution générée par ces activités,
– développement et valorisation de l’expertise islandaise sur la géothermie,
– adaptation aux changements climatiques.

Ce plan est présenté le 27 novembre lors d’une grande conférence de presse (malheureusement, pas de communiqué en anglais).

Peut il contrer l’impact de l’intervention de Björk (voir http://grapevine.is/news/2015/11/06/state-of-emergency-for-the-highlands-iceland-has-a-deadline-says-bjork/), associée à Andri Snær Magnússon, auteur du brûlot « Dreamland » et animateur de Protect the Park (voir http://heartoficeland.org/) ?. Tous deux dénoncent les projets du gouvernement de construire plusieurs barrages dans le centre de l’Islande et border la fameuse piste Sprengisandur d’un réseau à haute tension. Ils proposent que toute cette région devienne un parc national et en appellent au monde entier !

Actualité culturelle

Du 2 au 6 novembre a eu lieu la 16ème édition du Festival Airwaves, toujours plus grand, plus international et plus fou.

Le film « Hrútar » de Grímur Hákonarson continue sa moisson de prix, à Minsk, Thessalonique et en Hollande. Il porte ainsi à 18 le nombre de distinctions reçues depuis le Prix « Un certain Regard » du dernier Festival de Cannes ; quand donc sera-t-il diffusé en France ?

Autre prix, obtenu cette fois en France, celui du meilleur roman étranger pour « D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds » (Fiskarnir hafa enga fætur (2013)), de Jón Kalman Stefánsson, traduit par Eric Boury, (Gallimard). Pas une surprise tant Jón Kalman est maintenant un écrivain mondialement reconnu…

Mais pendant ce temps la vie continue

– 09-11 – l’inondation de Skaftá coûtera plusieurs centaines de millions d’Ikr selon Sandra Brá Jóhannsdòttir, maire de ce territoire. Les terres d’une dizaine de fermes ont été endommagées, et la route qui longeait la vallée a complètement disparu,

– 12-11 – 15662 voitures ont été immatriculées depuis le 1er janvier dont 40% destinées à la location,

– 18-11 – voici à quoi pourrait ressembler la mosquée de Reykjavík dessinée par Gunnlaugur Stefán Pálsson og Pia Bickmann,

– 21-11 – Björk encore, qualifiée par ma source (Ásgeir Tómasson – RÚV 21 novembre) de un des Islandais les plus célèbres de tous les temps : elle a eu 50 ans,

– 28-11 – les « Anonymes » prennent le contrôle des sites web d’information du gouvernement pour protester contre la chasse à la baleine (voir vidéo en bas cette page web : http://www.mbl.is/frettir/innlent/2015/11/28/sidur_stjornarradsins_enn_nidri/). Le chroniqueur a heureusement d’autres sources !

– 29-11 – au concours de l’homme le plus fort d’Europe, en Suède, Hafþór Júlíus Björnsson (Games of Thrones) expédie un tonneau de bière de 15 kg au dessus de 7 mètres ; entraînement pour le concours mondial dit-il !

Actualités islandaises – Octobre 2015 (par Michel Sallé)

Ma chronique de l’été 2015 était grâce aux Russes consacrée à la politiqué étrangère de l’Islande et ses difficultés de positionnement, et celle de septembre à l’économie et ses excellents résultats, appuyée sur un rapport de l’OCDE diffusé à point nommé. Il faut maintenant revenir à la vie politique …pour constater qu’il y a peu à en dire, et se demander pourquoi ; pourquoi notamment les deux partis au pouvoir ne parviennent pas à tirer parti des résultats économiques annoncés mois après mois et confirmés par une très bonne étude de la banque Íslandsbanki.

La confirmation des bonnes prévisions économiques

En septembre, je citai largement l’OCDE ; voici que Íslansbanki (Þjóðhagsspá 2015-2017. Íslandsbanki publie régulièrement un point de conjoncture (Morgunkorn Íslandsbanka), que je reprends souvent dans ces chroniques, notamment les graphiques. Il n’y a malheureusement pas de traduction) publie des prévisions très fouillées, qui viennent conforter les précédentes :

– progression du PNB de 4.3% cette année et en 2016, puis ralentissement à 2.5% en 2017,

– cette progression reposera plus sur la demande intérieure, alors que l’exportation de biens et surtout de services, était jusqu’à présent son principal moteur,

– cette expansion aura un impact positif sur l’emploi : chômage ramené à 3.5%…

– … et sur la consommation des ménages : +4.8% cette année, 5.2% en 2016 et 2.8% en 2017,

– l’investissement devrait progresser de 23.9% cette année et 18.8% en 2016, mais connaître un ralentissement sensible en 2017 : 1.9%,

– malgré ce qui précède, les auteurs de l’étude considèrent que grâce à la bonne tenue de la couronne, l’inflation devrait rester au niveau de 2,5% ; il est néanmoins possible que la Banque Centrale garde un taux de base élevé, voire l’augmente,

– comme l’OCDE, Íslandsbanki soumet ces prévisions à la bonne réalisation de la levée du contrôle des changes (Íslandsbanki est le successeur de Glítnir, l’une des trois banques ayant fait faillite en septembre 2008).

L’histoire économique de l’Islande est familière de pics mal contrôlés suivis de creux profonds. Et les menaces sont réelles. Outre des difficultés dans la levée du contrôle des changes, les risques sont sociaux (voir plus loin) et politiques : le Premier Ministre et le Ministre des Finances, tous deux présidents de partis en difficultés, pourraient, surtout le premier, être tentés d’acheter au prix fort un retour en grâce électoral !

L’actualité politique

Car les électeurs restent impavides face à ces bonnes perspectives économiques.

Les sondages

Le dernier sondage MMR (16 octobre) fait état de cette relative stabilité :

Où l’on peut relever que :

– Le Parti du Progrès ne parvient pas à enrayer sa glissade,

– le Parti de l’Indépendance ne retrouve pas son niveau de la dernière élection, qui pourtant n’était qu’une victoire en trompe l’oeil,

– les deux partis au pouvoir avant avril 2013 ne profitent pas de leur opposition,

– Avenir Radieux semble ressortir de l’abîme après sa révolution interne, sans que ses progrès soient vraiment spectaculaires,

– spectaculaire est par contre la constance des Pirates autour de 33% (46.3% chez les 18-29 ans !), soit plus que le gouvernement.

Ce ne sont évidemment que des sondages, et les dirigeants Pirates eux-mêmes, que l’on a peu entendus ces dernières semaines, ne s’attendent pas à de tels résultats lors d’élections. Mais tout se passe comme si les personnes sondées ne faisaient pas le lien entre ces très bonnes nouvelles sur le plan économique et l’action gouvernementale.

Il ne suffit pas d’enrichir les électeurs pour obtenir leurs voix : le gouvernement paie cher l’arrogance de certains ministres, l’amateurisme des mêmes ou d’autres, son incompréhension du dialogue social, dont les grèves du printemps, non encore terminées, sont la conséquence directe.

De plus les opinions, islandaise ou autres, sont versatiles, comme en témoigne ce sondage Capacent Gallup, qui porte Jóhanna Sigurðardóttir au pinacle des derniers Premiers Ministres, après que son parti ait subi une véritable débâcle électorale à la fin de sa mandature :

SD = Alliance Social-démocrate ; PI = Parti de l’Indépendance ; PP = Parti du Progrès

En octobre, deux des « anciens » partis réunissent leur congrès, le Parti de l’Indépendance et la Gauche Verte. La coïncidence n’échappe pas à Katrín Jakobsdóttir, Présidente du dernier : « Pour tout dire je trouve bien que les deux congrès aient lieu le même week-end. Nos partis représentent les deux pôles de la vie politique islandaise ».

Réuni tous les 3 ans le congrès de Parti de l’Indépendance est un rassemblement de plus de 1500 personnes venues de toute l’Islande, cette année du 23 au 25 octobre. Même s’il peine à retrouver son audience du siècle dernier (jusque 40%) ce parti, presque toujours au pouvoir depuis les années 30, a façonné le pays, et reste une référence pour tous les Islandais. Élu en 2009 à sa présidence, Bjarni Benediktsson a eu du mal à imposer son autorité tant Davíð Oddsson est resté présent par ses éditoriaux et ses réseaux « vieil Islandais ». Mais celle-ci ne semble plus contestée : il est reconduit avec 96% des suffrages, qui consacrent à la fois sa prudence et sa position de véritable numéro 1 du gouvernement. Il parvient aussi à imposer Ólöf Nordal, Ministre de l’Intérieur, comme Vice-présidente à la place de Hanna Birna Kristjánsdóttir.

Áslaug Arna Sigurbjörnsdóttir, étudiante, représentera la jeunesse au poste de Secrétaire. Ce n’est pas fortuit : la Fédération des Jeunes Indépendants a préparé le congrès avec soin et est venue avec de nombreuses propositions de type « poil à gratter » pour le parti, lui imposant notamment une réflexion sur l’avenir de la couronne islandaise, dont Bjarni se serait volontiers passé. Le programme voté met l’accent sur le libéralisme en prévoyant la privatisation d’institutions comme RÚV, la radio-TV d’État, , Ísavía, gestionnaire des aéroports, Landsbanki avec la distribution d’actions gratuites à chaque Islandais.

A Selfoss, c’est aussi sous la pression des jeunes que la Gauche Verte veut vraiment être perçue comme une alternative claire. Elle rejette évidemment toute idée de privatisation et veut au contraire la création d’une banque populaire (Samfélagsbanki). Au chapitre « Vert » elle s’oppose à la chasse à la baleine et à l’exploitation pétrolière en Mer du Nord, et veut faire des l’Islande un pays décarboné à l’horizon 2050. Katrín Jakobsdóttir reste présidente ; Una Hildardóttir, 24 ans, est élue Trésorière du parti.

L’écoute des jeunes et la place qui leur est faite dans ces deux partis sont bien sûr destinées à contrer les Pirates, pour qui près de la moitié des jeunes se déclare prête à voter. Pourtant aucun des thèmes chers aux Pirate, telle la clarté de l’information, ne semble avoir été abordé.

En parallèle à ces deux congrès, un remaniement ministériel se dessine. De quelle ampleur ? Le Premier Ministre Sigmundur Davíð le voit léger ; Bjarni est il de cet avis ?

Actualité sociale

On se souvient que le deuxième trimestre 2015 a été socialement très agité et que les employeurs privés et publics ont du accorder d’importantes augmentations de salaire pour éviter une grève générale. Le calme était revenu, sauf pour certaines catégories d’employés du secteur public, notamment les infirmières, qui avaient rejeté les accords signés par leurs syndicats. En octobre ces personnels votent à nouveau le principe d’une grève à partir du 16 novembre si les négociations n’aboutissent pas. Les policiers se joignent à eux. S’ils n’ont pas le droit de grève, ils savent manifester leur mécontentement, par exemple en refusant de relever les excès de vitesse ou en se trouvant tous malades le même jour, générant ainsi d’importants retards dans le trafic aérien. Un accord est signé le 28 octobre conjuguant augmentations de salaire et réduction du temps de travail. Sera-t-il approuvé ?

Simultanément un autre accord est signé entre les employeurs et les principales fédérations de salariés, représentant 70% d’entre eux, sur les modalités de négociation collective. Il s’agit à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays nordiques, Norvège en particulier, d’orienter les négociations (place des femmes, équité privé/public, etc…) en prenant en compte les perspectives économiques (progression de la productivité, prix, cours de la monnaie, etc…). A cette fin une commission est créée associant les signataires, la Banque Centrale et les pouvoirs publics. L’horizon est 2018 lorsque les accords signés cette année viendront à échéance.

Relations internationales

Deux visites marquent l’actualité internationale, qui toutes deux sont des « premières » depuis de longues années et montrent que l’Islande intéresse :

– Visite de François Hollande (voir communiqué de l’Ambassade de France http://www.ambafrað nce-is.org/Visite-Presidentielle-a-l-occasion-de-l-Arctic-Circle), huit heures le 15 octobre, accompagné de Michel Rocard, Ségolène Royal et Nicolas Hulot pour constater au pied du glacier Sólheimajökull les conséquences du réchauffement climatique. Il était invité par le Président Ólafur Ragnar à l’occasion de la conférence « Arctic Circle » (voir https://en.wikipedia.org/wiki/Arctic_Circle_%28organization%29)

Visite de David Cameron, les 29 et 30 octobre, convié (voir http://eng.forsaetisraduneyti.is/news-and-articles/northern-future-forum-focuses-on-creative-industries-and-public-sector-innovations) par Sigmundur Davíð à participer avec les

Premiers ministres des Pays Nordiques et Baltes aux travaux du « Northern Future Forum ». Il s’agissait aussi d’entendre le Premier Ministre britannique, d’une part exprimer des regrets sur l’attitude de son pays lors de la crise de 2008 (on se souvient que l’Islande avait été classée parmi les pays ou groupes terroristes, aux cotés d’Al Qaida, par le gouvernement de Gordon Brown…), d’autre part conforter l’euroscepticisme de son hôte : missions accomplies du bout des lèvres.

Vie culturelle

« Parfois on a envie d’ajouter un peu de théâtre dans la vie et vice versa »… L’ ambition qu’exprime ainsi Ragnar Kjartansson est certainement la sienne dans les oeuvres qu’il propose au Palais de Tokyo (Paris) depuis le 21 octobre et jusqu’au 10 janvier 2016 « à la croisée de la performance et du cinéma, de la sculpture et de l’art lyrique, de la peinture de plein air et de la musique » selon le programme de l’exposition (voir http://www.palaisdetokyo.com/fr/exposition/exposition-monographique/ragnar-kjartansson).

A Reykjavík cette fois, le cinéaste Dagur Kári reçoit le 28 octobre le Prix de Cinéma décerné par le Conseil Nordique pour son film « Fúsi » (en France « Histoire d’un géant timide »). Selon le jury un conte simple et inventif sur le plan visuel qui évoque la nécessité de préserver sa bonté et son innocence dans un monde apparemment impénétrable. Simple peut-être, mais très ambitieux ! Dagur est aussi l’auteur de « Nói Albinoí ». Le prix lui est remis par Benedikt Erlingsson, primé l’an passé pour « Hross í oss » (en France « des chevaux et des hommes ».

Le 2 décembre à Aix en Provence, le Festival « Tous Courts » proposera douze courts métrages islandais (voir http://festivaltouscourts.com/visa-pour-lislande/) dans le cadre d’un programme « Visa pour l’Islande » organisé par Patrick Dorflein et le Centre Islandais du Film.

Pendant ce temps la vie continue…

07/10 – Célébrant l’anniversaire de l’arrivée en Amérique de Leifur Eiríksson, Barack Obama s’est félicité de l’excellence de notre passé commun avec le peuple norvégien ; émoi en Islande (pour beaucoup fréquenter le Borgarfjörður (Islande), le chroniqueur confirme que Leifur y est né et y a été élevé !!!) !!!

25/10 – le politologue Hannes Hólmsteinn Gissurarsson rappelle que les Danois ont voulu vendre l’Islande 4 fois, les Britanniques ont envisagé 3 fois de l’envahir, et les Américains 1 fois de l’acheter et la vider de ses habitants. Peut être a-t-on dit à B. Obama que c’était fait ?

25/10 – 8 espèces d’oiseaux, dont les macareux et les grèbes (variété de canards surtout présents sur le lac Mývatn), ont été portées sur la liste des oiseaux en danger tant leur nombre a diminué,

29/10 – au 1er janvier 2015, 8.9% des habitants de l’île étaient des immigrés, soit 29192 personnes, contre 27445 un an auparavant. 37.5% venaient de Pologne, 5.1% de Lituanie et 5.0% des Philippines,

30/10 – A 36 ans, Sigrún Arnardóttir est la mère de 10 enfants (de 19 ans à 9 mois). Pour faire bonne mesure Albert son mari leur a joint 3 enfants d’un premier mariage.

Chroniques islandaises – septembre 2015

Cette chronique de septembre sera surtout économique, domaine négligé dans mes précédents écrits, et un peu politique. (Michel Sallé)

Mais il est impossible d’évoquer un PNB progressant à un rythme supérieur à 4% et des Pirates qui s’obstinent à rassembler les intentions de vote d’un tiers des électeurs sans d’abord faire une place à cette « une » du quotidien Fréttablaðið (4 septembre) : par leur victoire obtenue à Amsterdam contre l’équipe des Pays Bas, les « strákar » (garçons) se qualifient pour la phase finale de l’Euro de football qui se déroulera en France fin juin !

foot

Il y avait 4000 supporters à Amsterdam. Combien seront-ils à Paris ? 350000 quand l’Islande disputera la finale ?

Il n‘y a pas que le football masculin, les filles ont montré la voie ! Et les basketteurs ont fait une prestation plus qu’honorable au championnat d’Europe !!!

Au point qu’un journaliste m’interpelle : y-a-t il un lien entre ces résultats, la crise et la sortie de crise ? Selon ses informations, certains chômeurs se seraient reconvertis en entraîneurs !

Les bons résultats des équipes islandaises ne datent pas de 2010, en handball féminin et masculin, par exemple ; et la célèbre équipe de France championne du monde de football n’a-t-elle pas fait match nul à Reykjavík pour son premier match d’après coupe ? Il est vrai que le terrain n’avait pas la longueur réglementaire… Je suggère à ce journaliste d’aller chercher du coté de l’importance du sport à l’école, comme celle des disciplines artistiques, du goût de la compétition, en même temps que l’esprit d’équipe et la solidarité, et le soutien de tous dans l’adversité. Le lien entre sport et sortie de crise est ici : ce sont évidemment ces qualités qui ont permis aux Islandais de revenir à un niveau économique enviable dans de bonnes conditions, beaucoup plus que l’application de telle ou telle politique économique, de droite ou de gauche…

Actualité économique

Et voici la transition : l’Islande est-elle totalement sortie de la crise ? Les résultats sont là, les nuages aussi.

Deux documents permettent de faire le point : un rapport de l’OCDE et le projet de budget :

Le rapport de l’OCDE

Ce rapport (voir une synthèse en français du rapport : http://www.oecd.org/fr/eco/etudes/Islande-synthese-2015.pdf

l’intégralité du rapport est accessible sur http://www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/economics/oecd-economic-surveys-iceland-2015_eco_surveys-isl-2015-en#page9 , il contient notamment en sa page 9 un excellent tableau statistique de la situation de l’île) est présenté à Reykjavík par Angel Gurría Secrétaire général de l’OCDE. Le premier tableau, ci-contre, est éloquent : selon les prévisions de l’OCDE, la croissance du PIB devrait s’établir à 4.3 % en 2015 et 2.7 % en 2016, – soit bien plus que la moyenne prévue pour les pays de l’OCDE – et poursuivre sur cette lancée jusqu’en 2020.

Principaux indicateurs macroéconomiques

Voici des résultats qui satisferaient plus d’un ! Et pour faire bonne mesure, l’OCDE note un budget à l’équilibre et une réduction sensible de la dette publique et de celle des ménages.

Mais toujours selon l’OCDE des menaces existent :

– la levée du contrôle des changes, projet ambitieux dont la réussite, encore incertaine, conditionne la consolidation des progrès constatés,

– les augmentations de salaire accordées au printemps, potentiellement génératrices d’inflation, et qui montrent combien l’économie est vulnérable,

– l’émigration de personnels qualifiés, concomitante avec l’immigration de personnels peu qualifiés employés notamment dans le tourisme.

A plus long terme, l’OCDE souligne la nécessité d’améliorer la productivité, dont elle explique la faiblesse – très relative, puisque selon ses critères la productivité islandaise est certes inférieure à celle des autres pays nordiques, mais légèrement supérieure à l’OCDE dans son ensemble ! -, par le peu de concurrence interne et le taux élevé d’abandon des études pendant le deuxième cycle de l’enseignement secondaire.

Voici les dangers de raisonnements uniquement normatifs : les Islandais quittent l’école tôt, mais y reviennent plus tard, pour avoir, toujours selon l’OCDE, le plus grand nombre d’années d’étude au cours de leur vie. Et qui a travaillé en Islande a pu constater que la plupart des employeurs y sont bien plus ouverts et souples que dans tel pays plus proche de nous, ce qui explique notamment que l’âge de la retraite n’y est pas un enjeu.

L’OCDE n’apporte pas d’explication au graphique ci-contre qu’elle publie, et qui montre que le « bien-être » est plus élevé en Islande que dans l’ensemble de l’OCDE. N’est-ce pas l’essentiel ?

D’autres menaces existent, plus conjoncturelles :

– l’instabilité des cours mondiaux du poisson, et la décroissance des prises,

– la fermeture brutale de certains marchés, russes et nigérians pour prendre des exemples récents,

– l’instabilité des cours mondiaux de l’aluminium et une tendance probable à la réduction de la demande.

Le projet de budget 2016 (voir http://www.ministryoffinance.is/news/nr/19961)

Comme le souligne Bjarni Benediktsson, Ministre des Finances, le budget 2016 est dans la continuité de ceux présentés par l’actuel gouvernement :

– budget équilibré, avant paiement de la dette, et réduction de celle-ci,

– réduction de certains droits de douane sur des produits courants, notamment vêtements,

– réduction de la pression fiscale sur les foyers,

– accent mis sur les dépenses de santé, de formation, et de recherches.

Derrière ce budget de bon « père de famille », il sera intéressant de connaître le détail et les réactions des intéressés, tant en ce qui concerne les ressources que les dépenses. Les premiers débats semblent montrer qu’il n’est pas si social qu’il paraît. A voir lors du débat à l’Alþingi.

Autres informations économiques

 

– le gouvernement confirme son projet de réduire la participation de l’État dans le capital de Landsbanki, dernière des trois grandes banques à n’être pas totalement privatisée. Actuellement actionnaire à 70%, l’État ne garderait que 40% du capital,

– à l’issue d’une négociation de deux ans, le ministère de l’Agriculture et de la Pêche, a signé avec l’UE un accord de réduction des droits de douane sur un nombre important de produits agricoles, dans les deux sens. Le Ministre Sigurður Ingi Jóhannsson, habitué aux critiques, dit son espoir d’y échapper cette fois car l’accord est avantageux pour les consommateurs islandais. Mais déjà les associations du secteur de l’agriculture montent aux créneaux !

Actualité politique

Après Gunnar Bragi Sveinsson, Ministre des Affaires Etrangères, inflexible sur le soutien à l’UE dans sa politique à propos de l’Ukraine, c’est donc au tour de Sigurður Ingi de se démarquer des orientations essentielles du Parti du Progrès, volontiers protectionniste pour défendre les fermiers islandais. Il est vrai que ces orientations sont de mois en moins lisibles. Cause ou conséquence d’une désaffection qui parait inexorable : pendant que le gouvernement progresse de 33.2% à 34.4% (sondage MMR du 3 septembre, comparé à la situation au 30 juillet), le parti du Premier Ministre passe de 12.2% à 11.4%, alors que son allié retrouve doucement des couleurs, de 23.1% à 25.3%. Dans l’opposition Avenir Radieux repasse la barre fatidique des 5% (niveau nécessaire pour avoir des représentants à l’Alþingi), de 4.4% à 5.8%, ce qui entraîne une diminution des intentions de vote pour les Pirates, de 35 à 33%. L’Alliance Social démocrate progresse légèrement, de 9.6 à 10.6%, et la Gauche Verte décline de 10.2 à 9.6%.

Pour ce qui concerne Avenir Radieux il faut se souvenir que ce parti a été fondé en 2012 par Guðmundur Steingrímsson alors député du Parti du Progrès. Avant les élections locales de 2014, les amis de Jón Gnarr, Maire de Reykjavík mais ne voulant pas se représenter, ont rejoint Avenir Radieux pour présenter une liste dirigée par l’un d’entre eux, le comédien Björn Blöndal. Le succès n’a pas été au rendez-vous puisque Avenir Radieux n’a obtenu que deux sièges au lieu des six espérés, comme si la greffe entre politiciens chevronnés et artistes ne pouvait prendre. L’un de ceux-ci a pourtant décidé de relever le défit après l’éloignement de Guðmundur : Ottar Proppé, chanteur et acteur, élu député de Reykjavík en 2012 sur la liste de Avenir Radieux. Saura-t-il donner à Avenir Radieux cette image, essentielle aujourd’hui en Islande, de « nouveau parti » qu’il avait perdue au profit des Pirates ?

Relations internationales

Reykjavík et Israël

J’ai consacré ma précédente chronique aux relations extérieure de l’île. Rien d’essentiel ne justifie d’y revenir. Mais voici que la Ville de Reykjavík semble décidée à avoir sa propre politique étrangère : le 15 septembre le Conseil Municipal vote une résolution prévoyant le boycott par la ville des produits venus d’Israël tant que durera l’occupation de territoires palestiniens. L’occasion est trop belle pour le Premier Ministre et le Ministre des Affaires Etrangères de rappeler à l’ordre Dagur Eggertsson, Maire tout puissant de la capitale (voir http://www.mfa.is/news-and-publications/nr/8486). Celui-ci doit d’abord expliquer que le texte était mal rédigé, ne visant que les produits venus des « territoires occupés », puis décider son retrait pour être remplacé par un autre plus clair, mais qui pourrait bien ne jamais voir le jour. Premier faux pas d’un homme qui se prépare discrètement un destin national ?

Réfugiés : 9 Islandais sur 10 veulent que l’Islande reçoive des réfugiés (sondage MMR du 4 septembre)

…et en nombre ! 30.2% croient que l’Islande doit accueillir plus de 500 réfugiés, alors que pour moins de 20% ce nombre devrait être limité à 50. Le Premier Ministre qui avait annoncé fin juillet que son pays recevrait 50 réfugiés en deux ans se trouve déjugé et son gouvernement doit changer de cap (voir communiqué http://www.mfa.is/news-and-publications/nr/8487) : une commission spéciale est créée pour préparer l’accueil de réfugiés et la somme de 2 milliards d’Ikr (14 millions €) sur deux ans leur sera consacrée pour :

– apporter une contribution aux divers organismes internationaux en charge de ce problème,

– accueillir des réfugiés sur le territoire islandais,

– participer à des actions internationales permettant de limiter l’afflux de réfugiés.

Pendant ce temps la vie continue…

02.09 : conséquence du développement du tourisme : 143 étrangers ont été impliqués dans un accident de voiture au cours des 6 premiers mois de 2015, soit 43% des accidents, contre 85 en 2014. Il s’agit dans la plupart des cas de sorties de route après dérapage,

03.09 : autre conséquence : selon le journal Fréttablaðið 53 des 354 magasins du centre de Reykjavík sont dédiés aux touristes ; seulement ? Il y a aussi 112 restaurants et bars…

17.09 : les recettes de Gilhagi, la société de l’écrivain Arnaldur Indriðason, ont été de 120 millions d’Ikr (835000 €) après impôts en 2014, un peu moins que 2012 (139 millions d’Ikr),

 20.09 : 12% des Islandais vivent à l’étranger,

22.09 : Katla a bougé à 02h15,

24.09 : 73% des habitants de Reykjavík ont été satisfaits de la météo de cet été. On voit sur la carte ci-dessous que ne n’est pas le cas de tous leurs concitoyens !

29.09 Aurore ! l’aigle islandais s’envole !!!, pour Paris et l’Euro ?

Actualités : juin -août 2015

Actualités : juin -août 2015

Les pages ci-dessous doivent beaucoup à d’autres que je remercie ici. Mais, évidemment, elles n’engagent que ma seule responsabilité. Ce texte a été terminé le 4 septembre 2015. Pour les événements intervenus depuis, certainement nombreux, je vous renvoie au site de notre association France-Islande et à celui de l’Ambassade d’Islande en France.

 Vous pouvez aussi sur simple demande (michel@sg-ms.net) vous abonner à mes « Chroniques » mensuelles). MS

Les mois passés ont été décrits ici comme des mois de bouillonnements : montée des Pirates, passage en force du gouvernement à propos de la négociation d’adhésion à l’UE, et, plus récemment, grèves pour des revendications apparemment irréalistes, hésitations autour de la levée du contrôle des changes… Et voici que le mois de juin paraît celui des solutions. Sur le « front social » : les nombreux accords dans le privé comme dans le public permettent d’écarter la menace d’une grève générale. Pour ce qui concerne la levée du contrôle des changes, le gouvernement annonce un plan qui est salué de toutes parts pour sa qualité. Mais pour calmer de justesse la fronde sociale, il doit accepter des concessions politiquement douloureuses, coûteuses et évidemment non inscrites au budget. Pourra-t-il les financer avec la taxe qu’il veut imposer pour lever le contrôle des capitaux ? Beaucoup de voix s’élèvent, notamment la Banque Centrale, pour crier au risque de relance de l’inflation… D’ailleurs, l’incendie est-il vraiment éteint ?

La levée du contrôle des changes :

Et d’abord pourquoi a-t-on instauré ce contrôle ? Dans les années précédant la crise de 2008, un certain nombre de fonds – fonds souverains notamment – spéculent sur la monnaie islandaise sans que les autorités islandaises s’en émeuvent, heureuses de voir la couronne objet de tant de sollicitude. Ce sont ainsi, au moment de la crise, environ 600 milliards d’Ikr (soit 4.2 milliards d’euros – 42% du PNB islandais d’alors) de Glacier bonds libellés en Ikr que détiennent des opérateurs étrangers et dont il faut à tout prix éviter la sortie sous peine de voir la couronne chuter plus encore. Un contrôle des changes drastique est décidé avec l’approbation du FMI. La situation devient plus difficile encore à mesure que les liquidateurs des trois banques en faillite parviennent avec un réel succès à réaliser leurs actifs. Ce sont 900 milliards d’Ikr, détenues tant par des résidents islandais que par des non-résidents, qui viennent s’ajouter aux avoirs évoqués précédemment mais réduits entre temps de moitié à l’occasion de négociations avec la Banque Centrale, soit au total 1200 milliards d’Ikr, plus de 8 milliards € au cours actuel.

L’essentiel du plan annoncé et voté le 7 juin consiste à encadrer très étroitement la sortie de ces sommes gigantesques par des accords avec les liquidateurs des anciennes banques, ou à défaut les soumettre à une « taxe de stabilité » fixée à 39% de leurs actifs.

La taxe de stabilité devrait apporter au Trésor islandais 640 milliards d’Ikr (4.3 milliards d’€). Quels que soient les choix des opérateurs, ces mesures devraient selon leurs promoteurs suffisamment alléger la charge sur les marchés pour que le cours de la monnaie soit maîtrisé.

Il y a bien sur débat autour de l’utilisation de ces milliards d’Ikr (1/3 du PNB !). Construction du nouvel hôpital, souhaitent les cigales ; résorption de la dette publique rétorquent les fourmis, dont évidemment le Président de la Banque Centrale, très inquiet pour le niveau des prix…

Et certains se distinguent en faisant remarquer que ce plan n’apporte aucune solution à la fragilité de la monnaie, qui reste exposée à un retour au contrôle des changes en cas de turbulences.

Actualité sociale

Ces derniers mois, pendant lesquels devaient être renégociés une majorité d’accords salariaux, étaient lourds de menaces sociales tant les organisations de salariés paraissaient prêtes à aller jusqu’au bout de revendications jugées irréalistes par leurs interlocuteurs. Toutes ces revendications devaient confluer en une grève générale en juin. Il était clair que l’objectif était de faire plier un gouvernement jugé sourd et aveugle. Celui-ci finit par céder et prend fin mai des mesures susceptibles de faciliter les négociations,  telles qu’une réforme de l’impôt sur le revenu pour alléger la charge sur les bas revenus, ou, pour ce qui concerne le logement, des actions pour réduire les coûts de construction, et des aides à la location pour les revenus les plus modestes.

Le signal permet un lent dégel de la situation. Le 29 mai, la fédération des salariés du commerce et d’autres fédérations qui se sont jointes à elle signent un accord qui concerne 70000 salariés et sera approuvé ultérieurement par environ 70% d’entre eux. Les augmentations sont significatives notamment pour les bas salaires puisque le minimum sera porté à 300000 Ikr (2000€) au 1er mai 2018 (aujourd’hui 230000 Ikr, soit +30%), alors que des salaires de 550000 Ikr n’augmenteront « que » de 90000 IKr (+16.4%).

Cet accord fait école… Les plus réticents sont dans le privé les techniciens et ouvriers de l’industrie électrique et les salariés de la restauration, dans le public les infirmières issues de l’Université. Les premiers signent après de longues négociations un accord proche des précédents. La situation est beaucoup plus dure du côté des infirmières de l’Hôpital National. Dans un secteur en sous-effectif à la suite des économies décidées par le gouvernement, la grève se fait immédiatement sentir. Mais les infirmières restent sourdes aux appels. S’agissant du secteur public le gouvernement peut faire voter une loi de réquisition, ce qu’il se décide à faire après beaucoup d’hésitations le 12 juin : la grève est interdite et les parties ont jusqu’au 1er juillet pour trouver un accord, sinon il appartiendra à un tribunal arbitral de trancher. Pendant que 250 infirmières, soit 1/4 d’entre elles, démissionnent, la négociation reprend et se conclut par un accord signé le 23 juin, jugé préférable par les négociateurs à l’arbitrage du tribunal. Les infirmières recevront une augmentation de 18.6% sur les quatre années à venir. Mais l’accord ne semble pas satisfaire les intéressées. Le contentieux est en cours de jugement.

Actualité politique

Malgré le gros effort de communication autour du projet de lever du contrôle des changes, qualifié par un Premier Ministre toujours prêt à l’autopromotion comme le plus ambitieux de toute l’histoire économique de l’île, les sondages vibrent peu. Le gouvernement progresse de 31.4% (mai 2015) à 33.2% (4 août 2015) au profit du Parti de l’Indépendance, 23.1% (21.2 en mai), comme du Parti du Progrès : 12.2% (11.3% en mai). Dans l’opposition le Parti Pirate se stabilise autour de 35% et continue de représenter à lui tout seul la même audience que le gouvernement. Les autres partis bougent peu : Alliance social démocrate : 12.2% (11.8 en mai), la Gauche Verte : 10.2% (11.1en mai). Seul Avenir Radieux poursuit sa descente aux enfers (4.4%) et n’aurait donc plus de député alors qu’il en a 6 aujourd’hui, ce qui devrait entraîner le départ de l’un de ses fondateurs Guðmundur Steingrímsson.

Le 17 juin, jour de fête nationale, Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, Premier Ministre, est conspué pendant son traditionnel discours prononcé au pied de la statue de Jón Sigurðsson, héros national dont le 17 juin est l’anniversaire de naissance. Personne n’entend que « nous célébrons aujourd’hui et nous réjouissons d’être membres d’une grande famille avec ses diversités. Ce jour nous appelle à l’unité, il nous rappelle que nous sommes une communauté avec une histoire et une culture communes, une communauté dont l’unité est source d’engagement et de réussite ».

Actualité internationale

L’été est marqué par trois événements :

Relations franco-islandaises : la visite de Ségolène Royal

Depuis quelques années les relations entre France et Islande, jusqu’ici distantes, s’intensifient et prennent un tour concret avec notamment l’organisation de colloques par la Chambre de Commerce Franco-islandaise. Le dernier a eu lieu à Paris le 16 avril 2015 en présence du Président Ólafur Ragnar Grímsson, de Laurent Fabius et de Ragnheiður Elín Árnadóttir, Ministre de l’Industrie. Le thème choisi – la géothermie – fournit l’occasion d’approfondir avec la signature d’accords entre les Universités d’Islande et de Strasbourg une coopération déjà engagée.

En venant en Islande les 29 et 30 juillet la ministre française répondait à une invitation de son homologue islandaise. Cette visite a été l’occasion de la signature sous l’égide de la Chambre de Commerce Franco-islandaise d’accords entre les clusters français et islandais de la géothermie, jetant les bases d’une véritable coopération industrielle.

ORG Royal Ségolène au Blue Lagoon crédit IceNews

Et ce n’est pas fini puisque le président Hollande se rendra en Islande en octobre à l’occasion de la conférence « Arctic Circle » dans le cadre de la préparation de la Cop 21.

Les Russes

Ils emplissent l’actualité du mois d’août quand on apprend que, mettant à exécution une menace brandie voici plusieurs mois, ils ont décidé de se passer de produits islandais, notamment le maquereau. Ils veulent ainsi punir l’Islande, avec l’Albanie, le Liechtenstein, le Montenegro et l’Ukraine, de leur participation au boycott décidé par l’Union européenne et l’OTAN. Les estimations des conséquences varient, allant du dramatique au rassurant mais il est certain que les grands armateurs ainsi que certaines villes vivant de la pêche seront affectés.

Au-delà des conséquences économiques, l’irruption intempestive des Russes est un énorme pavé dans la mare. Elle jette une lumière crue sur la politique extérieure de l’Islande, et ce à plusieurs niveaux :

* celui de la prise de décisions et de la place qu’y occupent certains lobbies,

* celui de l’absence d’une vision claire et partagée sur la place de l’Islande dans le monde,

*celui d’institutions dont la vie repose essentiellement sur le compromis, alors qu’une politique extérieure est faite de choix

Les migrants

Les migrants fournissent une autre illustration de l’attitude des Islandais vis-à-vis du monde extérieur. Après les Russes, ils font irruption dans la presse des derniers jours d’août. Le Premier Ministre Sigmundur Davíð (Parti du Progrès)

Sigmundur davið gunnlaugsson Sigmundur Davíð

avait décidé fin juillet que son pays recevrait 50 d’entre eux en deux années. Levers de boucliers : ce n’est pas assez ! Les diverses municipalités se disent prêtes à faire des propositions. Sur la page Facebook «Kæra Eygló Harðar – Sýrland kallar » (« Chère Eygló Harðar – Ministre des Affaires Sociales – la Syrie appelle ») ce sont 5000 Syriens que l’on se dit prêts à accueillir… La Croix-Rouge reçoit la candidature de 700 bénévoles prêts à favoriser cet accueil, et une multitude de fournitures ! Tous les « saumaklúbbar » (clubs de couture) sont engagés dans la confection de vêtements chauds ! Rappel : les Islandais sont 330000, soit 1 pour 200 Français et pour 1000 Européens…

Actualité économique

Qu‘il s’agisse de la levée du contrôle des changes, ou des augmentations de salaire, Már Guðmundsson, Président de la Banque Centrale (BCI), est inquiet. Il est le gardien du niveau des prix et a pour mission de les maintenir en dessous de 2.5%. Dès le 10 juin, le taux de base bancaire est porté à 5% (+ 0.5%) puis à 5.5%, et ce n’est pas la dernière augmentation.

Pourtant le 29 juin la banque centrale se félicite de la progression de la note de Moody’s, de Baa2 à Baa3 ; de la même manière qu’elle peut être satisfaite du commentaire positif du FMI.

Il est vrai que les prévisions confortent la satisfaction qu’expriment en toutes occasions les membres de la majorité, notamment les présidents des deux partis : progression du PNB de 4.1% en 2015, portée par l’investissement (+18.2%) et la demande intérieure (+6.1%), et malgré cela une balance commerciale à l’équilibre. Pourtant des nuages sont apparus pendant l’été, inattendus comme le boycott russe ou la fermeture du marché nigérian, attendus comme la reprise de l’inflation après les accords salariaux signés au printemps ; auxquels il faut ajouter des alertes comme la chute de certains cours mondiaux du poisson et ceux de l’aluminium. Certains projets industriels devraient être revus.

Autres :

Grande journaliste, francophile et francophone, Elín Pálmadóttir est connue pour ses travaux sur ces pêcheurs partis de côtes françaises pour pêcher autour de l’Islande, et dont 4000 ne seraient pas revenus. C’était une belle idée de l’Ambassade de France de la décorer de la Légion d’Honneur sur la goélette « l’Etoile », mais la météo en a décidé autrement. C’est donc le Musée Maritime de Reykjavík qui a été choisi.

Elin

Pendant ce temps la vie continue :

* 04/06 : la police de la région sud de l’Islande a en un an distribué 800 contraventions pour non respect du code de la route, dont environ la moitié à des conducteurs étrangers ; faudrait-il traduire les panneaux ?

* 12/06 : en football, l’Islande a raison de la Tchécoslovaquie 2-1. Sûr que la présence de Sigmundur Davíð et Bjarni alors qu’ils étaient attendus à l’Alþingi y a contribué !

* 25/06 : Páll Valur Björnsson, député d’ »Avenir Radieux » veut que chaque session de l’Alþingi débute par une chanson ; nul doute que son parti va ainsi enfin bousculer les sondages !

* 26/06 : Ragnhildur Jónsdóttir, seule Islandaise à croire aux Elfes, est mécontente du projet de construction de l’aéroport domestique sur le Hvassahraun, car on y dérangerait « ses » Elfes. Elle propose de le construire ailleurs ; mais ne dit-elle pas que les Elfes et leurs compagnons hantent toute l’île ?

* 25.08 le jour le plus chaud de l’été : 18° à Reykjavík, dont les piscines et la plage ont été prises d’assaut,

Températures crédit vedur.is

* 28.08pour la « Menningarnótt » (Nuit de la culture) 120000 personnes défilent sous la pluie…

Menningarnótt crédit Grapevine

 

Décès de la réalisatrice Sólveig Anspach

SolveigLa réalisatrice franco-islandaise Sólveig Anspach est décédée le 7 août à l’âge de 54 ans des suites d’un cancer dans sa maison dans la Drôme.

Née en Islande en décembre 1960, elle s’était fait connaître du grand public en 1999 grâce à «Haut les coeurs», un film bouleversant sur une femme enceinte, atteinte d’un cancer du sein, une fiction inspirée de sa propre expérience de la maladie.
Le succès du film avait été immédiat et l’actrice Karin Viard qui interprétait la femme enceinte avait obtenu le César de la meilleure actrice l’année suivante.
Mais Sólveig Anspach a également réalisé plusieurs autres films et documentaires, parlant notamment de la peine de mort dans «Made in the USA», de Louise Michel dans un documentaire qu’elle réalise pour la télévision en 2008 ou encore du deuil dans «Queen of Montreuil», un film qui raconte la banlieue autrement.
«J’en ai marre qu’on montre toujours la même chose de la banlieue comme si c’était un coupe-gorge atroce avec des voitures qui brûlent», expliquait-elle au moment de la sortie du film en 2013.

L’an dernier elle avait séduit plus de 500 000 spectacteurs avec «Lulu femme nue», un film tiré de la bande dessinée éponyme d’Etienne Davodeau.
Elle y racontait avec sensibilité et drôlerie la vie d’une quadragénaire devenue transparente dans sa vie, à nouveau interprétée par Karin Viard. Le film avait reçu le César de la meilleure adaptation.
Ces derniers mois, la réalisatrice franco-islandaise travaillait au montage de «l’Effet aquatique», le dernier film d’une trilogie de comédies décalées entamée avec «Back Soon» sorti en 2006 et suivi quelques années plus tard de «Queen of Montreuil».
Avec toujours au casting l’impressionnante actrice islandaise Didda Jónsdóottir, mais également Florence Loiret-Caille et Samir Guesmi, devenus des fidèles de la réalisatrice.
La sortie du film reste prévue en 2016, selon son agent.
«Je suis toujours pressée parce que j’ai l’impression que la vie peut s’arrêter demain» déclarait-elle dans une interview au magazine Télérama en 2013.

 

 

Hommage à Jacques Mer

Jacques Mer crédit bibliomondeJacques Mer, ancien président de notre association, est décédé le 17 juin, jour de la fête nationale islandaise, à l’âge de 87 ans.

Jacques Mer a été ambassadeur de France en Islande de 1988 et 1992 et son action est restée dans la mémoire de beaucoup d’Islandais, tant il a su montrer de l’intérêt pour ce pays et ses habitants ; l’intérêt qu’il a prolongé par son « Portrait de l’Islande » et de nombreux articles.

Il a ensuite présidé l’association France-Islande de 1994 à 2004.Victime d’un accident vasculaire cérébral et ne pouvant plus exercer dans des conditions convenables la présidence, il a décidé de remettre sa démission.

Il a été rédacteur en chef de notre revue Courrier d’Islande de 2004 à 2009 et en a rédigé l’article sur les actualités jusqu’en 2008. Il a continué à œuvrer dans l’ombre en relisant les « Fréttir » de Michel Sallé que vous trouvez dans notre revue.