
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DU 12 MAI 2007
Rappelons quelques traits essentiels du système islandais :
- À la différence de la France, le Chef de l'État ("un roi sans couronne"), tout comme les souverains nordiques, ne joue aucun rôle dans la vie politique. Le fait qu'on l'élise au suffrage universel (au scrutin majoritaire à un tour, ce qui peut en faire l'élu d'une minorité si il y a de nombreux candidats) n'y change rien.
- Il n'intervient en rien dans la formation des gouvernements, même si - formellement - il "désigne" le Premier Ministre. Si, au lendemain des élections législatives, un parti obtient la majorité absolue des sièges au Parlement (ce qui pratiquement n'arrive jamais), son chef est alors "désigné" comme chef du gouvernement. Dans le cas contraire, les dirigeants des partis concurrents discutent entre eux des contours et du programme d'une "coalition majoritaire"; et le chef de l'État entérine le résultat des négociations entre états-majors.
- À la différence de nombreux États où une "droite" et une "gauche" s'affrontent depuis longtemps et où les alliances se font souvent "bloc contre bloc", en Islande le pragmatisme règne et pratiquement toutes sortes de coalitions sont possibles, qui ailleurs paraîtraient incongrues ou franchement impensables. Cette dépolitisation tend d'ailleurs à s'accroître. Même s'il existe théoriquement un centre-droit (le Parti de l'Indépendance, PI), un centre (le Parti du progrès, PP), un centre-gauche (l'Alliance, vaguement sociale-démocrate), une extrême-gauche (la "Gauche Verte"), et un "groupuscule de libéraux", ex-dissidents du PI.
- Depuis 1991 (et sauf entre l'automne 2004 et juin 2006), le chef du Parti de l'indépendance (le plus important groupe à l'Althing) est Premier ministre, à la tête d'une coalition avec les Sociaux-Démocrates (ancêtres de l'Alliance) de 1991 à 1995 ; et, depuis 1995, avec le Parti du progrès (ex-parti agrarien).
- Ambitions et querelles personnelles au sein des partis peuvent influer sur les contours d'une coalition ; l'ambition suprême visant le poste de Premier ministre (et non, comme en France, celui de Chef de l'État).
- Les élections proprement dites des 63 députés composant le Parlement -l'Althing - (il n'y a qu'une seule Chambre depuis 1991) - ont lieu tous les quatre ans au scrutin de liste proportionnel. L'île est divisée en six grandes "circonscriptions" (Reykjavik-nord ; Reykjavik-sud, le Sud-Ouest, le Sud, le Nord-Est, le Nord-Ouest qui élisent de 10 à 11 sièges, selon le chiffre de leur population ; des mécanismes complexes faisant en sorte qu'au plan national le nombre de sièges d'un parti soit exactement proportionnel au chiffre de voix obtenues.
On notera que, le 12 mai, dans la circonscription de Reykjavik-sud, se présentaient le "Premier" sortant, Geir Haarde suivi du Ministre de la Justice Björn Bjarnason (Parti de l'Indépendance, PI), la Ministre (PP) de l'Environnement Jonina Bjarmartz (affaiblie par des "rumeurs" relatives à un "passe-droit") et la présidente de l'"Alliance" Ingibjörg Solrun Gisladottir (de tendance sociale-démocrate) qui convoite les fonctions de Premier ministre, ainsi que le président du groupe parlementaire de la "Gauche Verte".
Dans celle de Reykjavik-nord, le Président du Parti du progrès, Jon Sigurdsson, ministre de l'Industrie et du Commerce, non parlementaire, affrontait un important dirigeant Conservateur, et l'ancien Président de l'"Alliance" Össur Skarphédinsson.
- La campagne a été acharnée. Dans le camp de la majorité sortante, le Parti de l'Indépendance, qui, au cours de la législature, avait vu, à sa tête, Geir Haarde succéder au charismatique David Oddsson, a maintenu et amélioré sa forte position, atteignant à la veille du scrutin entre 36 et 38 % des intentions de vote. En revanche, le Parti du progrès (aux environs de 10 % contre 18 % en 2003) s'est mal remis du "choc" enregistré au printemps 2006 lorsque son chef d'alors Halldor Asgrimsson, désavoué aux élections locales, a du abandonner sa charge de chef du gouvernement (prélude à un retrait total de la vie politique) et, usé par le pouvoir, a servi de "bouc émissaire" pour les prétendus effets négatifs de la politique d'industrialisation rapide.
À gauche, une compétition permanente et acharnée a opposé l"Alliance" et la Gauche Verte pour la première place, la première jouant sur l'ambiguité de ses positions quant à ses futures alliances ; la seconde se voulant le symbole d'une opposition sans concessions et "surfant" jusqu'à avril 2007 sur la vague "environnementale et verte" qui séduisait l'opinion et semble refluer.
La présidente de l'"Alliance", Ingibjörg Solrun, qui recevait moult critiques il y a quelques mois, paraît avoir effectué un rétablissement spectaculaire (environ 26 % des "sondés, contre 16% à Gauche Verte, les 10 et 11 mai).
Les Libéraux ont privilégié la recherche d' une position d'arbitrage et de "groupe charnière" indispensable.
Enfin, une nouvelle formation verte "Le mouvement islandais Terre vivante" est apparue en février 2007, sur l'initiative du "Nicolas Hulot" islandais, le journaliste animateur Omar Ragnarsson. Se voulant "écologiste à 100 %", et ouverte aux gens de gauche comme à ceux de droite, elle n'a pas réussi à dépasser les 2 à 3 % dans les sondages et n'aura pas d'élus.
PREMIÈRES REMARQUES : Un scrutin "DISPUTÉ"
Des observateurs sérieux ont considéré le scrutin du 12 mai 2007 comme l'un des plus "disputés" de l'histoire politique récente du pays. Ses résultats sont plus complexes cependant qu'un rapide coup d'oeil aurait pu le faire croire.
1) Rappelons d'abord les chiffres bruts :
- Important taux de participation : 83,6% (en baisse, toutefois, par rapport à 2003
- Parti de l'Indépendance (Geir Haarde ; centre-droit) : 36,6 % des voix ; 24 sièges sur 63 (+2 par rapport à 2003)
- Parti du progrès (centre-gauche ; ancien parti agrarien). Son président :est Jon Sigurdsson , le Ministre de l'Industrie "sortant" ; le parti est associé au PI depuis 1995 au sein d'une coalition bipartite. 11,7 % des voix et 8 sièges (-4). Par rapport à 2003, c'est le grand perdant et, d'extrême justesse, son président ne réussit pas à entrer au Parlement
- "Alliance" (opposition de gauche modérée, d'allure "sociale-démocrate") : 27,3 % et 18 sièges (-2). Un peu en dessous de son résultat de 2003.
- Extrême-gauche "Gauche-Verte" (regroupement quelque peu hétéroclite d'anciens communistes, de féministes, de Verts, et de socialistes de gauche). Anti OTAN et anti UE. : 14,3 % et 9 sièges (+4). Comparativement à 2003, le parti a nettement progressé, même si, à la fin, il a dû s'incliner, à gauche, devant une remontée de l'"Alliance"
- Libéraux (dissidents "Conservateurs" ; manifestant des tendances "populistes") : 7 % et 4 sièges. Se maintiennent sur leur position de 2003.
- Mouvement islandais-Terre vivante"(parti écologiste, fondé en février par le journaliste Omar Ragnarsson) : 3,3 % des voix. Pas d'élu.
Le nouveau Parlement comptera 20 femmes sur 63 membres (leur nombre, qui était de 23, régresse). La proportion de femmes (31,8 %) y est plus faible que dans les autres pays nordiques.
2) En fait, la coalition sortante PI-PP a la majorité (24+8) d'extrême justesse ; et arithmétiquement le gouvernement sortant n'a pas été désavoué par la nation.
Mais la marge est trop étroite pour asseoir un gouvernement solide ; le PP est peut-être désireux de mettre fin à son long tête à tête -dont il sort affaibli- avec le PI ; ce dernier envisage sans doute d'autres partenaires plus forts, et -pourquoi pas- une "grande coalition" avec l'"Alliance"- ; enfin il n'est pas exclu que le "tout sauf le PI" unisse les autres formations dans une coalition l'excluant.
3) Les politologues ont remarqué que la fidélité des électeurs par rapport aux partis a encore diminué, ce phénomène étant à rapprocher du faible contenu doctrinal et idéologique des débats (même si schématiquement la majorité sortante symbolisait plus l'Islande "aisée" et l'opposition l'Islande "modeste") et du fait que le citoyen sait qu'au lendemain du scrutin, le jeu reste très ouvert, aucune alliance ou coalition n'étant a priori inconcevable entre les divers partis concurrents, qui font la loi en politique intérieure (ce que le Général de Gaulle, en son temps, qualifiait de "régime des partis").
Les chiffres essentiels :
Participation : 83,6%
Formations politiques Nombre de suffrages recueillis Pourcentage des voix obtenues Nombre de sièges
Parti de l?indépendance (PI) 66 749 voix 36,6 % 25 sièges
"Alliance" social-démocrate 48 742 voix 26,8 % 18 sièges
Gauche-Verte (VG) 26 136 voix 14,3 % 9 sièges
Parti du progrès (PP) 21 349 voix 11,7 % 7 sièges
Parti libéral 13 233 voix 7,3 % 4 sièges
Mouvement islandais-terre vivante 5 953 voix 3,3 % 0 sièges
Source : site internet, http://www.electionresources.org/is/