Les effets négatifs du tourisme de masse
Publié : 29 févr. 2016, 10:23
Réflexions du volcanolgue Claude Grampey au sujet du tourisme de masse en Islande :
Les effets négatifs du tourisme de masse en Islande
Ceux qui ont visité l?Islande récemment savent que le tourisme a connu un plein essor en 2015. Quelque 1,3 millions de touristes sont arrivés dans le pays l?année dernière, soit près de 30% de plus qu?en 2014, et ce chiffre ne comprend pas les 100 000 passagers descendus brièvement de 108 navires de croisière qui ont fait étape en Islande. Les Britanniques et les Américains ont été les touristes les plus nombreux. Ils sont suivis par les Allemands (8,2%), les Français (5,2%) et les Norvégiens (4,1%). Les plus fortes augmentations par rapport à 2014 concernent les visiteurs en provenance des États-Unis, du Royaume-Uni, de Chine et d?Allemagne.
Cependant, on peut se demander si ce tourisme de masse est une aubaine pour l?Islande, pays où la Nature est très fragile. Certains conducteurs étrangers ont été surpris en train de faire du hors-piste au volant de leurs 4 X 4, au milieu d?un environnement qui demande à être protégé.
Avec autant de visiteurs, la sécurité est de plus en plus difficile à assurer. Le nombre de touristes imprudents est en hausse lui aussi. Ces derniers jours, les équipes de secours ont été appelées quand un groupe de onze étrangers a ignoré les panneaux de fermeture d?une route et leur minibus s?est retrouvé prisonnier des congères. Les autorités avaient fermé cette route de la Langadalur à cause du mauvais temps, et les secouristes furent surpris de recevoir un appel de détresse en provenance de cette région.
Un autre exemple de désobéissance est apparu à la chute d?eau de Gullfoss où le sentier inférieur est fermé pendant l?hiver. En effet, les embruns en provenance de la chute se transforment en une glace dangereusement glissante qui pourrait provoquer des accidents graves. Malgré cette précaution des autorités, les traces sur la neige révèlent que de nombreux touristes ignorent l?interdiction et veulent s?approcher de la chute d?eau pour faire de meilleures photos. L?un d?eux a déclaré froidement qu?il avait voyagé depuis l?autre côté de la planète pour voir la chute d?eau. Selon lui, « vous voulez aller au plus près, c?est normal, c?est humain ».
Il y a quelques jours, j?ai écrit une note à propos d?un groupe de 40-50 touristes qui est resté coincé sur un iceberg qui s?était éloigné de la rive à Jökulsárlón. Quelques jours avant cette mésaventure, on avait vu d?autres touristes sauter d?un iceberg à l?autre, avec le risque évident de tomber dans l?eau glacée!
La police a arrêté la surveillance de la plage de Reynisfjara et neuf panneaux de mise en garde en plusieurs langues ont été installés sur le site. Malgré cela, la semaine dernière, six personnes d?origine asiatique se sont retrouvées en grave danger lorsqu?une vague les a jetées au sol. Le groupe avait décidé de faire des photos de mode sur la plage avec le modèle debout à côté des orgues de basalte de la falaise, tandis que les autres se tenaient plus loin sur la plage. Une vague a happé six personnes qui furent en danger de mort avec une eau à zéro degré. Elles ont eu la chance d?être secourues par un guide local qui les a tirées de l?eau glacée.
Il convient de noter que ces gens étaient encore plus près du bord de l?eau qu?un touriste chinois qui s?est noyé il y a deux semaines.
La zone des geysers et sources chaudes de Geysir est actuellement recouverte d?une couche de glace très glissante qui a causé plusieurs chutes. Les guides locaux ont peur que leurs clients se blessent grièvement. Ils ont proposé à l?Agence Islandaise de l?Environnement de sabler la zone pour la sécuriser, mais cette idée a été rejetée car le secteur est protégé et le sable est interdit.
J?aime la Nature, mais pas avec des foules de gens bruyants, indisciplinés, voire stupides, autour de moi. J?adorais l?Islande, mais ce n?est plus un endroit pour moi. Un de mes amis qui a visité le pays cet hiver a confirmé tout ce qui est écrit ci-dessus. Cet été, je vais faire escale à l?aéroport de Keflavik pendant mon voyage vers l?Alaska, mais je n?en profiterai pas pour passer quelques jours en Islande comme je l?ai fait il y a une vingtaine d?années en allant à New York!
Les effets négatifs du tourisme de masse en Islande (suite)
Ma note à propos des effets négatifs du tourisme de masse en Islande a déclenché bon nombre de réactions dans le même sens que mes propos. J?ai choisi de vous faire partager le point de vue de Patrick Marcel ? responsable du secteur pédagogique de de L.A.V.E. ? paru dans le bulletin de la Société de Volcanologie Genève (SVG) au retour de l?été 2013 passé en Islande.
L?Islande se mérite, disait-on. On l?imaginait réservée à quelques courageux baroudeurs prêts à sacrifier des journées de soleil et beaucoup de confort dans leurs vacances estivales pour accéder à des paysages extrêmes uniques au monde. On avait tort? C?était compter sans l?avidité d?une civilisation prête à sacrifier son âme pour faire de l?argent. Et c?est ainsi que le tourisme devint une industrie, et les beautés islandaises des marchandises. Certes la crise est passée par là, mais est-ce une excuse ? Les islandais eux-mêmes sont partagés sur ce qui arrive à leur pays, et les affrontements idéologiques au sein de cette communauté de 300 000 âmes répercutent des préoccupations qui nous concernent tous, entre préservation de l?environnement et exploitation des ressources. Constat amer de celui qui a connu l?Islande autrement ? Sans aucun doute. C?est vrai «qu?avant», on n?était pas obligé de faire la queue pour essayer d?apercevoir le Strokkur ni d?attendre une heure pour pouvoir photographier les glaçons du Jökulsárlón sans la pollution visuelle des grosses embarcations amphibies jaunes? Alors quitter la N1 pour s?enfoncer dans les montagnes du centre peut sembler une bonne chose pour retrouver un peu de calme? sauf que beaucoup ont la même idée ! Et quand on est très nombreux au même endroit à chercher la solitude? Le trek Landmannalaugar ? Þorsmork ? Skogar est devenu une véritable autoroute. Et quand on s?écarte un peu des sentiers battus, c?est pour être survolé pendant plusieurs minutes par un hélicoptère vrombissant et sa cargaison de touristes volants. Alors, pourquoi retourner en Islande, me demanderez-vous avez raison ? Parce que la première goulée d?air islandais a un goût de paradis. Parce que la lumière y est plus belle qu?ailleurs. Parce que quand j?y pose les pieds, j?ai comme l?impression d?être en symbiose avec cette terre. Parce que j?ai autant d?attirance pour ses paysages que les nuées de mouches du lac Mývatn en ont pour mes trous de nez?
http://claudegrandpeyvolcansetglaciers. ... nde-suite/
Les effets négatifs du tourisme de masse en Islande
Ceux qui ont visité l?Islande récemment savent que le tourisme a connu un plein essor en 2015. Quelque 1,3 millions de touristes sont arrivés dans le pays l?année dernière, soit près de 30% de plus qu?en 2014, et ce chiffre ne comprend pas les 100 000 passagers descendus brièvement de 108 navires de croisière qui ont fait étape en Islande. Les Britanniques et les Américains ont été les touristes les plus nombreux. Ils sont suivis par les Allemands (8,2%), les Français (5,2%) et les Norvégiens (4,1%). Les plus fortes augmentations par rapport à 2014 concernent les visiteurs en provenance des États-Unis, du Royaume-Uni, de Chine et d?Allemagne.
Cependant, on peut se demander si ce tourisme de masse est une aubaine pour l?Islande, pays où la Nature est très fragile. Certains conducteurs étrangers ont été surpris en train de faire du hors-piste au volant de leurs 4 X 4, au milieu d?un environnement qui demande à être protégé.
Avec autant de visiteurs, la sécurité est de plus en plus difficile à assurer. Le nombre de touristes imprudents est en hausse lui aussi. Ces derniers jours, les équipes de secours ont été appelées quand un groupe de onze étrangers a ignoré les panneaux de fermeture d?une route et leur minibus s?est retrouvé prisonnier des congères. Les autorités avaient fermé cette route de la Langadalur à cause du mauvais temps, et les secouristes furent surpris de recevoir un appel de détresse en provenance de cette région.
Un autre exemple de désobéissance est apparu à la chute d?eau de Gullfoss où le sentier inférieur est fermé pendant l?hiver. En effet, les embruns en provenance de la chute se transforment en une glace dangereusement glissante qui pourrait provoquer des accidents graves. Malgré cette précaution des autorités, les traces sur la neige révèlent que de nombreux touristes ignorent l?interdiction et veulent s?approcher de la chute d?eau pour faire de meilleures photos. L?un d?eux a déclaré froidement qu?il avait voyagé depuis l?autre côté de la planète pour voir la chute d?eau. Selon lui, « vous voulez aller au plus près, c?est normal, c?est humain ».
Il y a quelques jours, j?ai écrit une note à propos d?un groupe de 40-50 touristes qui est resté coincé sur un iceberg qui s?était éloigné de la rive à Jökulsárlón. Quelques jours avant cette mésaventure, on avait vu d?autres touristes sauter d?un iceberg à l?autre, avec le risque évident de tomber dans l?eau glacée!
La police a arrêté la surveillance de la plage de Reynisfjara et neuf panneaux de mise en garde en plusieurs langues ont été installés sur le site. Malgré cela, la semaine dernière, six personnes d?origine asiatique se sont retrouvées en grave danger lorsqu?une vague les a jetées au sol. Le groupe avait décidé de faire des photos de mode sur la plage avec le modèle debout à côté des orgues de basalte de la falaise, tandis que les autres se tenaient plus loin sur la plage. Une vague a happé six personnes qui furent en danger de mort avec une eau à zéro degré. Elles ont eu la chance d?être secourues par un guide local qui les a tirées de l?eau glacée.
Il convient de noter que ces gens étaient encore plus près du bord de l?eau qu?un touriste chinois qui s?est noyé il y a deux semaines.
La zone des geysers et sources chaudes de Geysir est actuellement recouverte d?une couche de glace très glissante qui a causé plusieurs chutes. Les guides locaux ont peur que leurs clients se blessent grièvement. Ils ont proposé à l?Agence Islandaise de l?Environnement de sabler la zone pour la sécuriser, mais cette idée a été rejetée car le secteur est protégé et le sable est interdit.
J?aime la Nature, mais pas avec des foules de gens bruyants, indisciplinés, voire stupides, autour de moi. J?adorais l?Islande, mais ce n?est plus un endroit pour moi. Un de mes amis qui a visité le pays cet hiver a confirmé tout ce qui est écrit ci-dessus. Cet été, je vais faire escale à l?aéroport de Keflavik pendant mon voyage vers l?Alaska, mais je n?en profiterai pas pour passer quelques jours en Islande comme je l?ai fait il y a une vingtaine d?années en allant à New York!
Les effets négatifs du tourisme de masse en Islande (suite)
Ma note à propos des effets négatifs du tourisme de masse en Islande a déclenché bon nombre de réactions dans le même sens que mes propos. J?ai choisi de vous faire partager le point de vue de Patrick Marcel ? responsable du secteur pédagogique de de L.A.V.E. ? paru dans le bulletin de la Société de Volcanologie Genève (SVG) au retour de l?été 2013 passé en Islande.
L?Islande se mérite, disait-on. On l?imaginait réservée à quelques courageux baroudeurs prêts à sacrifier des journées de soleil et beaucoup de confort dans leurs vacances estivales pour accéder à des paysages extrêmes uniques au monde. On avait tort? C?était compter sans l?avidité d?une civilisation prête à sacrifier son âme pour faire de l?argent. Et c?est ainsi que le tourisme devint une industrie, et les beautés islandaises des marchandises. Certes la crise est passée par là, mais est-ce une excuse ? Les islandais eux-mêmes sont partagés sur ce qui arrive à leur pays, et les affrontements idéologiques au sein de cette communauté de 300 000 âmes répercutent des préoccupations qui nous concernent tous, entre préservation de l?environnement et exploitation des ressources. Constat amer de celui qui a connu l?Islande autrement ? Sans aucun doute. C?est vrai «qu?avant», on n?était pas obligé de faire la queue pour essayer d?apercevoir le Strokkur ni d?attendre une heure pour pouvoir photographier les glaçons du Jökulsárlón sans la pollution visuelle des grosses embarcations amphibies jaunes? Alors quitter la N1 pour s?enfoncer dans les montagnes du centre peut sembler une bonne chose pour retrouver un peu de calme? sauf que beaucoup ont la même idée ! Et quand on est très nombreux au même endroit à chercher la solitude? Le trek Landmannalaugar ? Þorsmork ? Skogar est devenu une véritable autoroute. Et quand on s?écarte un peu des sentiers battus, c?est pour être survolé pendant plusieurs minutes par un hélicoptère vrombissant et sa cargaison de touristes volants. Alors, pourquoi retourner en Islande, me demanderez-vous avez raison ? Parce que la première goulée d?air islandais a un goût de paradis. Parce que la lumière y est plus belle qu?ailleurs. Parce que quand j?y pose les pieds, j?ai comme l?impression d?être en symbiose avec cette terre. Parce que j?ai autant d?attirance pour ses paysages que les nuées de mouches du lac Mývatn en ont pour mes trous de nez?
http://claudegrandpeyvolcansetglaciers. ... nde-suite/