L'Islande dans la tourmente financière et boursière
Publié : 06 oct. 2008, 22:25
L'Islande, déjà sujette depuis plusieurs mois à de sérieuses difficultés monétaires, est dans la tourmente de la crise financière et boursière mondiale, mais présente une situation particulièrement critique en raison des paramètres propres à son économie.
A l'état brut, deux articles publiés aujourd'hui lundi 6 octobre. A lire :
Dans Les Echos : Confusion autour d'un plan de sauvetage du système islandais.
Par Omar Valdimarsson - REYKJAVIK (Reuters) -
Le gouvernement islandais, soucieux de parer à un effondrement du marché financier local, projetait de nouvelles discussions lundi après avoir planché durant le week-end sur un ensemble de mesures de stabilisation financière.
Le Premier ministre Geir Haarde a déclaré à la télévision publique dimanche soir que les autorités n'avaient pas pour le moment convenu de mesures particulières. Il a précisé que des banques vendraient des actifs à l'étranger et que le gouvernement rencontrerait des fonds de pension lundi.
Le ministre du Commerce et de la Banque Bjorgvin Sigurdsson a cependant dit à la radio publique lundi que l'élaboration d'un plan d'aide au système financier suivait son cours et qu'il était impossible d'en dire plus pour l'instant.
Thordur Fridjonsson, président de la Bourse islandaise, a dit que celle-ci serait ouverte lundi et aussi qu'une réunion devait déterminer si les actions des valeurs bancaires seraient traitées, selon la radio islandaise.
Un peu plus tard, la Bourse islandaise a fait savoir qu'à la demande de l'autorité de tutelle locale les transactions sur les valeurs financières étaient suspendues. Les valeurs en question sont Exista, Glitnir, Kaupthing, Landsbanki, Straumur-Burdaras et SPRON.
"Cette décision est prise afin de préserver l'égalité des investisseurs dans l'attente d'un communiqué", explique la Bourse.
L'Islande, qui a un besoin urgent de devises, a demandé aux fonds de pension de rapatrier du cash et c'est ainsi que la fédération des fonds de pension a accepté de transférer 200 milliards de couronnes (1,3 milliard d'euros) à l'Etat, selon la radio publique. Le transfert doit être approuvé par les membres des fonds et l'argent doit être garanti par l'Etat.
Une autre possibilité pour l'Islande de dégager du cash est d'activer une facilité de swap nordique créée cette année. Un porte-parole de la Riksbank, la banque centrale de Suède, a dit que l'Islande n'avait pas contacté celle-ci sur l'éventualité d'user de cette facilité. La banque centrale de Norvège n'a fait aucun commentaire.
Le marché de la couronne islandaise s'est asséché et les banques en dehors de l'Islande cotent la couronne 7 à 8 % en dessous des taux locaux.
Quant à la couronne locale, elle a perdu autour de 7% contre l'euro à un plus bas record de 174, et a encore accentué son recul à 180, contre 162,20 vendredi.
"La confusion est totale; différentes personnes disent des choses différentes au gouvernement. Difficile d'être élogieux pour cette façon de gérer la crise", commente Beat Siegenthaler, chef stratège de TD Securities.
KAUPTHING PEUT SE PASSER DE L'ÉTAT
Le système financier islandais n'a pas été épargné par la crise mondiale du crédit; l'Etat a dû intervenir pour renflouer Glitnir. Du coup, les agences de notation ont réduit leurs notes sur les banques islandaises et sur la dette souveraine de l'Islande.
Les établissements financiers islandais ont du mal à accéder au marché du crédit car elles passent pour avoir sensiblement accru leur endettement pour financer une rapide expansion à l'étranger ces dernières années.
Le Premier ministre a dit que les banques allaient réduire leurs engagements à l'étranger. "Les banques ont accepté de ralentir leurs activités à l'étranger et de vendre des actifs", a-t-il déclaré.
Landsbanki, la deuxième banque du pays, a déjà vendu des actifs. Elle avait fait savoir la semaine dernière qu'elle cèderait l'essentiel de ses plateformes de corporate finance et de courtage à l'étranger à Straumur-Burdaras.
Elle vendra des actifs en Grande-Bretagne, en Europe continentale et en Irlande.
Kaupthing, la première banque d'Islande, a pour sa part annoncé dimanche qu'elle n'avait pas besoin de l'intervention de l'Etat dans la mesure où elle participait à l'élaboration d'un plan de stabilité financière avec la banque centrale. Le directeur général de Kaupthing, Hreidar Mar Sigurdsson, s'exprimant sur la chaîne publique Channel 2, a dit qu'il avait eu des discussions avec le Premier ministre pour déterminer dans quelle mesure la banque pouvait participer au plan de renflouement.
Sigurdsson a précisé qu'il était envisagé pour la banque de vendre éventuellement des actifs à l'étranger pour renforcer les réserves de change du pays. Il a ajouté qu'il n'avait jamais été envisagé que l'Etat vienne au secours de Kaupthing et qu'une telle aide ne s'imposait pas.
En dehors de l'Islande, Kaupthing est bien implanté en Grande-Bretagne, au Danemark, en Finlande, en Norvège, en Suède et au Luxembourg.
Ses plus récentes acquisitions sont celles du spécialiste du crédit aux entreprises danois FIH Erhvervsbank en 2004 et du banquier et gérant de fonds britannique Singer & Friedlander en 2005.
Pour Glitnir, les investissements à l'étranger sont essentiellement en Suède et en Norvège.
Version française Wilfrid Exbrayat
Et dans Le Monde : Le sang se glace dans les veines de l'Islande.
L'Islande est au bord du naufrage. Sur l'île, les trois principales banques ont laissé leurs encours gonfler démesurément, et l'Etat a déjà volé au secours de Glitnir, la plus petite. Les deux autres, Kaupthing et Landsbanki, semblent plus résistantes, mais il est essentiel que la confiance soit restaurée.
Si les deux établissements appartenaient à un grand pays développé, le marché ne réagirait pas. Ce n'est pas le cas. La taille des trois banques est telle que l'Etat islandais a du mal à cautionner les dépôts à la même hauteur que l'Irlande. Les ressources bancaires garanties représentent 8,6 fois le PNB du pays, contre 2,6 en Irlande.
Si les clients retiraient brutalement leurs dépôts, la banque centrale islandaise aurait toutes les peines du monde à mobiliser les fonds nécessaires au sauvetage. Elle a déjà dépensé 10 % de ses réserves en devises, rien que pour aider Glitnir. Elle détient encore 6 milliards de dollars, qui se volatiliseraient à la première intervention : rappelons que 70 % des activités de Kaupthing sont localisées à l'étranger. Certains pays, comme les pays nordiques, pourraient apporter leur concours, mais rien n'est acquis.
En fait, toute opération de secours mettrait en péril une économie nationale qui ralentit suite à une phase d'expansion spectaculaire. Aujourd'hui, l'inflation s'élève à 14 %, les taux d'intérêt à 15 % et le déficit courant pourrait atteindre 20 % du PNB à la fin de l'année, selon l'agence de notation Fitch.
Au cours de la dernière semaine, la couronne islandaise a perdu 14 % contre l'euro. Un plan d'aide ne ferait qu'aggraver ces chiffres. Kaupthing, Landsbanki, la banque centrale et les 330 000 Islandais n'ont plus qu'à croiser les doigts pour que clients et investisseurs gardent leur sang-froid.
(Traduction de Christine Lahuec)
A l'état brut, deux articles publiés aujourd'hui lundi 6 octobre. A lire :
Dans Les Echos : Confusion autour d'un plan de sauvetage du système islandais.
Par Omar Valdimarsson - REYKJAVIK (Reuters) -
Le gouvernement islandais, soucieux de parer à un effondrement du marché financier local, projetait de nouvelles discussions lundi après avoir planché durant le week-end sur un ensemble de mesures de stabilisation financière.
Le Premier ministre Geir Haarde a déclaré à la télévision publique dimanche soir que les autorités n'avaient pas pour le moment convenu de mesures particulières. Il a précisé que des banques vendraient des actifs à l'étranger et que le gouvernement rencontrerait des fonds de pension lundi.
Le ministre du Commerce et de la Banque Bjorgvin Sigurdsson a cependant dit à la radio publique lundi que l'élaboration d'un plan d'aide au système financier suivait son cours et qu'il était impossible d'en dire plus pour l'instant.
Thordur Fridjonsson, président de la Bourse islandaise, a dit que celle-ci serait ouverte lundi et aussi qu'une réunion devait déterminer si les actions des valeurs bancaires seraient traitées, selon la radio islandaise.
Un peu plus tard, la Bourse islandaise a fait savoir qu'à la demande de l'autorité de tutelle locale les transactions sur les valeurs financières étaient suspendues. Les valeurs en question sont Exista, Glitnir, Kaupthing, Landsbanki, Straumur-Burdaras et SPRON.
"Cette décision est prise afin de préserver l'égalité des investisseurs dans l'attente d'un communiqué", explique la Bourse.
L'Islande, qui a un besoin urgent de devises, a demandé aux fonds de pension de rapatrier du cash et c'est ainsi que la fédération des fonds de pension a accepté de transférer 200 milliards de couronnes (1,3 milliard d'euros) à l'Etat, selon la radio publique. Le transfert doit être approuvé par les membres des fonds et l'argent doit être garanti par l'Etat.
Une autre possibilité pour l'Islande de dégager du cash est d'activer une facilité de swap nordique créée cette année. Un porte-parole de la Riksbank, la banque centrale de Suède, a dit que l'Islande n'avait pas contacté celle-ci sur l'éventualité d'user de cette facilité. La banque centrale de Norvège n'a fait aucun commentaire.
Le marché de la couronne islandaise s'est asséché et les banques en dehors de l'Islande cotent la couronne 7 à 8 % en dessous des taux locaux.
Quant à la couronne locale, elle a perdu autour de 7% contre l'euro à un plus bas record de 174, et a encore accentué son recul à 180, contre 162,20 vendredi.
"La confusion est totale; différentes personnes disent des choses différentes au gouvernement. Difficile d'être élogieux pour cette façon de gérer la crise", commente Beat Siegenthaler, chef stratège de TD Securities.
KAUPTHING PEUT SE PASSER DE L'ÉTAT
Le système financier islandais n'a pas été épargné par la crise mondiale du crédit; l'Etat a dû intervenir pour renflouer Glitnir. Du coup, les agences de notation ont réduit leurs notes sur les banques islandaises et sur la dette souveraine de l'Islande.
Les établissements financiers islandais ont du mal à accéder au marché du crédit car elles passent pour avoir sensiblement accru leur endettement pour financer une rapide expansion à l'étranger ces dernières années.
Le Premier ministre a dit que les banques allaient réduire leurs engagements à l'étranger. "Les banques ont accepté de ralentir leurs activités à l'étranger et de vendre des actifs", a-t-il déclaré.
Landsbanki, la deuxième banque du pays, a déjà vendu des actifs. Elle avait fait savoir la semaine dernière qu'elle cèderait l'essentiel de ses plateformes de corporate finance et de courtage à l'étranger à Straumur-Burdaras.
Elle vendra des actifs en Grande-Bretagne, en Europe continentale et en Irlande.
Kaupthing, la première banque d'Islande, a pour sa part annoncé dimanche qu'elle n'avait pas besoin de l'intervention de l'Etat dans la mesure où elle participait à l'élaboration d'un plan de stabilité financière avec la banque centrale. Le directeur général de Kaupthing, Hreidar Mar Sigurdsson, s'exprimant sur la chaîne publique Channel 2, a dit qu'il avait eu des discussions avec le Premier ministre pour déterminer dans quelle mesure la banque pouvait participer au plan de renflouement.
Sigurdsson a précisé qu'il était envisagé pour la banque de vendre éventuellement des actifs à l'étranger pour renforcer les réserves de change du pays. Il a ajouté qu'il n'avait jamais été envisagé que l'Etat vienne au secours de Kaupthing et qu'une telle aide ne s'imposait pas.
En dehors de l'Islande, Kaupthing est bien implanté en Grande-Bretagne, au Danemark, en Finlande, en Norvège, en Suède et au Luxembourg.
Ses plus récentes acquisitions sont celles du spécialiste du crédit aux entreprises danois FIH Erhvervsbank en 2004 et du banquier et gérant de fonds britannique Singer & Friedlander en 2005.
Pour Glitnir, les investissements à l'étranger sont essentiellement en Suède et en Norvège.
Version française Wilfrid Exbrayat
Et dans Le Monde : Le sang se glace dans les veines de l'Islande.
L'Islande est au bord du naufrage. Sur l'île, les trois principales banques ont laissé leurs encours gonfler démesurément, et l'Etat a déjà volé au secours de Glitnir, la plus petite. Les deux autres, Kaupthing et Landsbanki, semblent plus résistantes, mais il est essentiel que la confiance soit restaurée.
Si les deux établissements appartenaient à un grand pays développé, le marché ne réagirait pas. Ce n'est pas le cas. La taille des trois banques est telle que l'Etat islandais a du mal à cautionner les dépôts à la même hauteur que l'Irlande. Les ressources bancaires garanties représentent 8,6 fois le PNB du pays, contre 2,6 en Irlande.
Si les clients retiraient brutalement leurs dépôts, la banque centrale islandaise aurait toutes les peines du monde à mobiliser les fonds nécessaires au sauvetage. Elle a déjà dépensé 10 % de ses réserves en devises, rien que pour aider Glitnir. Elle détient encore 6 milliards de dollars, qui se volatiliseraient à la première intervention : rappelons que 70 % des activités de Kaupthing sont localisées à l'étranger. Certains pays, comme les pays nordiques, pourraient apporter leur concours, mais rien n'est acquis.
En fait, toute opération de secours mettrait en péril une économie nationale qui ralentit suite à une phase d'expansion spectaculaire. Aujourd'hui, l'inflation s'élève à 14 %, les taux d'intérêt à 15 % et le déficit courant pourrait atteindre 20 % du PNB à la fin de l'année, selon l'agence de notation Fitch.
Au cours de la dernière semaine, la couronne islandaise a perdu 14 % contre l'euro. Un plan d'aide ne ferait qu'aggraver ces chiffres. Kaupthing, Landsbanki, la banque centrale et les 330 000 Islandais n'ont plus qu'à croiser les doigts pour que clients et investisseurs gardent leur sang-froid.
(Traduction de Christine Lahuec)