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emilie a écrit : En revenant de Latrabjarg par la route qui longe la cote dans le sud des fjords, aux alentours d'un endroit qui s'appelle Flokalundur, mais je n'en suis plus très sure, ...

Flokalundur, le lieu dont tu parles, Emilie, est proche du débarcadère de Brjánslækur, où arrive le ferry venant de Stykkishólmur. L'endroit est ainsi nommé à la mémoire de Flóki Vilgerðarson, un des pionniers découvreurs de l?Islande au 9ème siècle.
En Islande, ce personnage historique est connu sous le surnom de "Hrafna-Flóki" (Floki aux corbeaux). En effet, venant de Norvège à la recherche d'une terre nouvelle et pris dans une brume épaisse, il avait à bord de son navire trois corbeaux qu'il lâchait deux fois par jour. Les corbeaux étant des oiseaux terrestres ne s'aventurent jamais bien loin en mer. Alors, tant que les corbeaux revenaient à bord, Flóki savait que la terre n'était pas proche ... A un moment, les corbeaux ne sont plus revenus, et Flóki a dirigé son navire dans la direction où ils étaient partis. C'est ainsi qu'il a découvert cette côte où il s'est installé avec ses gens pour y créer une colonie.
Expérience désatreuse puisque, après un été prometteur, le premier hiver fut terrible et tout son bétail périt ... Au début de l'été suivant, le fjord était encore pris par les glaces, et Flóki désespéré repartit vers la Norvège en maudissant cette terre qu'il appela "Ís land", la "terre des glaces", une terrible contre-publicité qui a eu la vie dûre, puisqu'elle a donné au pays le nom qu'il porte encore aujourd'hui ...
Non loin de là, on peut encore voir les ruines de sa ferme "Flókatóftir", seuls vestiges de son échec.
Toute cette portion de côte appelée Barðaströnd est quasi-déserte. Elle est réputée pour être inhospitalière, froide même en été, et surtout hantée !

Chris.

bruno a écrit :Flóki avait semble-t-il trouvé de grandes quantités de poisson dans le fjord, ce qui lui avait fait délaisser les travaux des champs... d'où le manque de foin dramatique pour son bétail l'hiver suivant !

Oui, Bruno, c'est vrai ... C'est ce qu'on peut lire dans le Landnámabók ("le livre de la colonisation" (de l'Islande).

De nos jours encore, Flóki est présenté aux enfants des écoles en Islande comme un exemple d'imprévoyance ...
En quelque sorte "La cigale et la foumi" (version cigale) à l'islandaise !

Chris.

C'est intéressant de voir comment ces histoires qui remontent à l'époque de la colonisation de l'Islande sont remplies de symboles porteurs des valeurs fondamentales de la société islandaise depuis mille ans ...

Valeurs basées sur la prévoyance et le travail, avec ce Flóki Vilgerðarson, impécunieux, insouciant, grisé par la facilité d'un été agréable sur la rive d'un fjord où le poisson abonde, au point qu'il néglige de faire ses réserves de foin et que tout son bétail périt au premier hiver ...

Mais aussi les vertus de la mesure et de la modération dans les jugements et les appréciations ... Jugez plutôt :

Dans son voyage de découverte, Flóki était accompagné par un fermier nommé Þórólfur, et deux hommes nommés Herjólfur et Faxi.
Quand Flóki et ses compagnons revinrent en Norvège après l'échec de leur installation en Islande, tout le monde les questionnait à propos de cette nouvelle terre ...
Flóki maudissait "l'île de glace" (comme il l'avait appelée), disant que cette terre ne valait décidément rien.
Herjólfur était plus mesuré, disant que l'Islande avait ses bons et ses mauvais côtés, ses avantages et ses défauts ...
Quant à Þórólfur, il ne tarissait pas d'enthousiasme et vantait leur découverte en disant que les prairies y étaient si belles et si grasses qu'au bout de chaque brin d'herbe perlait une goutte de beurre !!!
Pendant des siècles, on a raconté cette histoire aux braves gens pour leur enseigner les vertus de la mesure dans les appréciations.
Flóki est l'excessif, le sans-nuances qui maudit tout après un premier échec, au lieu de se remettre en question.
Herjólfur est le sage, celui qui sait voir les bons comme les mauvais côtés, et en tirer les conséquences en termes d'adaptation ...
Quant à Þórólfur, c'est l'exagérateur, le vantard, le manipulateur, même, dont les propos sont si excessifs qu'ils ne suscitent que des moqueries. Encore aujourd'hui, on le surnomme de manière ironique "Þórólfur smjör" (Þórólfur le beurre !).

Chris.

Merci Chris pour toutes ces précisions.
Tu sais rendre légers les vieux textes parfois un peu arides !
De la vulgarisation dans le bon sens du terme.