Des milliers de tonnes de poissons morts pour rien ...

[Chris]

Une étude récente des pêcheries islandaises nous apprend que plus de 3000 tonnes de cabillaud et d'églefin ont été rejetées à la mer par les bateaux de pêche islandais cette année (1090 tonnes de cabillaud et 1935 tonnes d'églefin).
Pourquoi ? ... parce que ces poissons étaient inférieurs à la "taille économique standard".

Les poissons inférieurs à la taille standard, "undirmálsfiskur" en islandais, se vendent moins cher. Pour cette raison, les pêcheurs ne veulent pas imputer leur quota avec cette pêche, et la rejetent à la mer.
Bien entendu, au moment où ils sont rejetés, ces poissons sont morts. Cette pratique répond donc à une certaine logique économique, mais constitue une aberration sur le plan de la gestion de la ressource halieutique.

La capture des poissons sous-taille hypothèque en effet gravement la ressource. Il s'agit de poissons "en devenir", qui pour beaucoup n'ont pas atteint l'âge de la reproduction. Leur destruction hypothèque par ailleurs la chaîne alimentaire.

Au sein de l'Union Européenne, les choses sont différentes. La capture des "poissons sous-taille" (c'est ainsi qu'on les nomme dans la terminologie U.E.) est rigoureusement interdite, et les pêcheurs sont sévèrement sanctionnés lorsqu'ils sont pris en train de les débarquer au port. La traque, par les services compétents, se poursuit au niveau du transport routier (contrôle des camions frigorifiques) et jusque sur l'étal de nos poissonniers.

Conséquence : les pêcheurs de l'Union Européenne rejetent eux aussi à la mer les poissons sous-taille (morts), mais pour des raisons différentes de leurs homologues islandais. Il s'agit ici d'éviter de lourdes sanctions pénales et financières.
Mais observons au passage que le résultat est le même pour la gestion de la ressource halieutique !

En fait, dans les deux cas, ce sont bien entendu les techniques de pêche qui sont en cause. La pêche au chalut pélagique, c'est la pêche en aveugle, celle qui ramasse tout sans distinction, en ne gardant ce qui peut être le mieux valorisé et en rejettant le reste à la mer.

Dans le contexte de crise économique dramatique que connaît l'Islande, le fait de rejeter à la mer plus de 3000 tonnes de poissons nobles fait hurler les milieux de la pêche. Ils estiment ainsi que les poissons sous-taille rejetés à la mer au cours de cette année auraient représenté 2,8 millions d'euros de valeur (1,7 million d'euros de cabillaud et 1,1 million d'euros d'églefin).
La pêche au chalut pélagique, pour prendre une comparaison, c'est un peu comme si on abattait une forêt pour ne valoriser que les plus grands arbres, en brûlant tout le reste.

Pour illustrer ces propos, vous pouvez voir ici une petite video filmée par les garde-côtes Norvégiens et montrant un chalutier (britannique) en Mer du Nord, en train de rejeter à la mer des tonnes de poisson. Estimation dans ce cas : 80 % de ses prises ...

Les quotas européens limitent en effet strictement les quantités *débarquées*, mais ne s'intéressent guère aux quantités prises !

Voir la video.

On estime ainsi que les flottes de pêche modernes des pays développés rejetent à la mer, en moyenne, entre 40 et 60 % de leurs prises. Des poissons morts, bien sûr ...
Un gigantesque et stupide gâchis, masqué par la politique officielle des quotas. Un gâchis à la fois économique et écologique, une aberration qui hypothèque la ressource et déséquilibre gravement toute la chaîne alimentaire marine.

Chris.