Actualités islandaises – Juillet-Août 2016 (par Michel Sallé)

A quand les élections ? Telle a été la question de l’été, à laquelle la réponse n’a été apportée que très tardivement et du bout des lèvres par le gouvernement : ce sera le 29 octobre… Que les responsables des partis au pouvoir, notamment le Parti du Progrès, aient à ce point hésité à respecter un engagement pris lors des manifestations consécutives à la présence du Premier Ministre d’alors, Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, sur les « Panama Papers », illustre leur désarroi. Mais cette hésitation s’explique : avec l’apparition et le succès de nouveaux partis et peut-être la disparition de l’un d’eux ces élections vont très probablement générer une recomposition sans précédent du paysage politique au détriment de leur parti.
Et tout ceci se passe pendant que l’île continue d’enregistrer des résultats économiques si positifs (4.5% de progression du PNB) que certains s’inquiètent d’une surchauffe comparable à celle de 2007. Les touristes n’en ont cure dont le nombre augmente de manière exponentielle ; d’autres ou les mêmes, s’en inquiètent aussi, mais l’actuel gouvernement, comme son prédécesseur de 2007, semble incapable de résister à une manne financière d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la fragilité.
Élections et recomposition du paysage politique
Même si plus de partis présentent des candidats aux élections, la vie politique islandaise a toujours reposé sur quatre partis : les deux anciens, généralement classés à droite (je reprends ici cette qualification, généralement utilisée par les commentateurs islandais, mais qui n’a qu’une signification très relative tant la personnalité des dirigeants est importante), Parti du Progrès (fondé en 1916 comme parti agrarien) et le Parti de l’Indépendance (fondé en 1929 et toujours en position dominante ), et deux partis de gauche dont la ligne de partage a fluctué au gré d’ambitions personnelles et, plus récemment, selon deux thèmes : l’adhésion à l’UE et l’écologie. Souvent est paru à l’Alþingi un cinquième parti mais sa présence n’a duré que le temps d’une législature et n’a pas empêché la constitution d’un gouvernement reposant sur l’alliance de deux partis, majoritaires à eux deux. C’est le cas en 2009 avec le Mouvement des Citoyens (4 élus dont Birgitta Jónsdóttir qui y paraîtra vite mal à l’aise), et peut-être en 2013 avec Avenir Radieux, dont le pronostic vital est engagé.
Mais voici que les Pirates, dont personne n’attendait en 2013 qu’ils franchissent la barre qualificative de 5%, obtiennent avec 5.1% des suffrages 3 sièges puis s’installent autour de 15% des intentions de vote par leur excellent travail à l’Alþingi, avant de bondir à près de 40% grâce au refus du gouvernement d’organiser un référendum sur la négociation d’adhésion à l’UE, puis de refluer au dessous de 25%.

Benedikt
Par ailleurs le publiciste Benedikt Jóhannesson (directeur de Iceland Review) a créé en avril 2014 « Redressement » (traduction approximative pour « Viðreisn » ; voir chronique d’avril 2014). Benedikt est un membre influent du Parti de l’Indépendance (et cousin germain de Bjarni Benediktsson, donc membre de la famille « Viðeyjarættin », considérée comme la plus puissante de l’île) ; son parti s’affiche au départ comme une dissidence pro UE du Parti de l’Indépendance puis est mis en sommeil en attendant la proximité d’élections.
Dernier facteur influent : l’Alliance Social-démocrate au pouvoir de 2009 à 2013 ne s’est pas relevée de sa déconfiture à l’élection de 2013 (de 29.8% des suffrages à 12.9% !) ; le changement récent de président (voir chronique de juin 2016) va-t-il la sauver de la disparition ? Son ancienne alliée Gauche-Verte est en meilleure position grâce à la notoriété de Katrín Jakobsdóttir, et pourrait profiter des difficultés de l’Alliance et peut-être même de celles des Pirates.
C’est donc un paysage nouveau qui est en cours de composition. Malgré l’instabilité de la situation, on peut distinguer quelques tendances significatives :
  • Selon toute vraisemblance les deux « vieux » partis vont subir un échec : Le Parti du Progrès paraît durablement affaibli. Usure du pouvoir, maladresses de son président avant même qu’il n’apparaisse sur les Panama Papers, maladresses depuis en voulant à tout prix se maintenir à la tête du parti… Sigurður Ingi Jóhannsson, nouveau Premier Ministre, a su de l’avis de tous, remettre le gouvernement au travail. Ira-t-il jusqu’à faire partir celui dont il était le meilleur soutien ? C’est évidemment la condition pour que son parti limite les pertes. Avant même la réapparition de « Redressement » le Parti de l’Indépendance ne parvenait pas à rester à son niveau de 2013. Il va se présenter affaibli au scrutin à venir.
  • Mais il est possible que l’on retrouve l’un d’eux dans la future coalition. Sauf grande surprise, toujours possible le tableau ci-dessous montre que celle-ci devra associer au moins trois partis. Le choix est théoriquement large puisque treize partis présentent des listes. Mais en fait, outre les deux partis cités plus haut, le choix se limite ( ?) aux « Pirates », à « Redressement » , à la Gauche Verte et à l’Alliance Social-démocrate. Il est peu probable que « Avenir Radieux » survive à ses crises alors qu’il a aujourd’hui 6 députés :
  1. les « Pirates » ont des postures peu solubles dans la vie politique islandaise ordinaire – c’est même leur raison d’être – ; Birgitta renoncera-t-elle à son idée de législature courte ? De plus, curieusement, Helgi Hrafn Gunnarsson, le véritable artisan de leur succès, ne se représentera pas pour, officiellement, se consacrer à la consolidation du mouvement !
  2. « Redressement » bénéficie de l’arrivée de personnalités transfuges du Parti de l’Indépendance, ou proches de ce dernier dans le passé, qui lui donnent une couleur pro-UE, et une autre très libérale peu compatible avec les projets des autres partis,
  3. L’Alliance Social-démocrate joue sa survie, et sera donc un négociateur opiniâtre,
  4. La Gauche Verte se montre prête à diriger une future alliance, mais avec qui ?
Les derniers sondages (Gallup) sont les suivants,
mais il faut insister plus que de coutume sur leur fébrilité (ainsi le 27 août, MMR n’attribue que 12.4% à la Gauche Verte mais 10.6% au Parti du Progrès). De plus les précédentes élections ont montré que les électeurs valorisent volontiers la nouveauté entre deux scrutins mais préfèrent les « valeurs sures » le moment venu.
Il y aura donc, discrets ou en pleine lumière, d’intenses marchandages. Les Pirates ont mis au cœur de leurs exigences la réforme constitutionnelle (voir chronique de juillet-août 2011) dans la suite des travaux de la Commission Constitutionnelle et l’organisation du référendum sur la poursuite des négociations d’adhésion à l’UE, sujets très importants pour l’avenir mais qui ne sont plus au cœur des préoccupations des électeurs. Ne risque-t-on pas à nouveau de les décevoir ?
La situation économique
Dans un communiqué du 24 août la Banque Centrale annonce sa décision de baisser son taux directeur de 5.75 à 5.25%. Elle l’explique par des prévisions encore meilleures que prévu (Moodys porte sa note de Baa2 à A3), notamment une progression du PNB de 4.9% pour 2016. Pourtant l’annonce surprend à un moment où l’augmentation du pouvoir d’achat (10% en un an) peut générer des effets inflationnistes. La banque constate que celles-ci sont très faibles grâce à l’excellente tenue de la couronne :
Cette dernière handicape nécessairement les exportateurs de biens, comme en témoignent les résultats du premier semestre 2016 :
La chute des exportations de produits industriels est essentiellement due à celle des cours de l’aluminium, alors que les produits de la pêche ont surtout diminué en volume. Aux importations, la baisse des cours du pétrole permet d’équilibrer une forte demande de biens d’investissement et de moyens de transport, conséquence du développement du tourisme. Comme pour les deux années, ce déficit sera largement compensé par l’excédent de la balance des services.

Bjarni
Mais en diminuant son taux de base la Banque Centrale veut aussi endiguer la spéculation sur la couronne qui a laissé de très mauvais souvenirs en 2008. Ainsi les opérateurs étrangers ont acheté en 2015 des bons d’Etat pour 50 milliards d’Ikr (400 millions d’€) ; c’est la crainte de cette rechute qui va conduire Bjarni Benediktsson, Ministre des Finances, à admettre dans une interview pour Bloomberg (voir http://www.bloomberg.com/news/artic…) que la monnaie islandaise ne pourra plus flotter aussi librement qu’avant la crise de 2008. Ce qui signifie que le démantèlement du contrôle des changes tant attendu et entamé depuis quelques mois ne pourra être total. Voici qui pourrait relancer les réflexions sur l’avenir de la couronne !
Actualité sociale
Désindexation des prêts immobiliers ?
Aux confins du social et de l’économique, mais en fait très politique, il y a le projet promu par Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, ancien Premier Ministre, de supprimer l’indexation des prêts immobiliers. Il s’agit pour lui d’un projet emblématique au même titre que la « correction des dettes immobilières » (« skuldaniðurfelling » ; voir chronique de novembre 2013). Peut-être compte-t-il sur sa mise en œuvre pour redresser son image dans l’opinion ?
Jusqu’à la fin des années 80 du siècle dernier l’inflation faisait partie du quotidien des ménages islandais, dont l’indexation des prix et des salaires était à la fois cause et conséquence. Aujourd’hui encore l’indexation du capital restant à rembourser pour les prêts immobiliers est une pratique courante ; en période de stabilité des prix elle peut en certains cas donner l’impression décourageante que le capital à rembourser augmente malgré les remboursements. La désindexation voulue par Sigmundur Davíð suscite cependant des oppositions, et c’est une réforme très modeste qui en son absence va être soumise à l’Alþingi. Elle limite la durée des emprunts à 25 ans au lieu de 40 antérieurement, et surtout, par diverses exonérations fiscales, allège le financement du premier achat immobilier.
L’aménagement du territoire et migrations internes
S’il est un sujet essentiel pour l’avenir socio-économique de l’île c’est celui de son aménagement démographique, sujet que l’on ne rencontre guère dans les projets politiques !
Le très intéressant rapport « Stöðugreining Byggðastofnunar » (« Byggðastofnun » Institut de Développement Régional ; voir http://www.byggdastofnun.is/en/home) et très bien documenté (115 pages de tableaux et de préconisations) montre l’ampleur du problème, car les disparités portent aussi sur les âges, la répartition hommes/femmes (104 femmes pour 100 hommes à Reykjavík, 90 dans l’ « Austurland ») l’éducation…

mouvements de population entre 2006 et 2016 sur cette même période la population totale augmente de 11%
Diplomatie
Madame Berglind Àsgeirsdóttir dont nous avons tous apprécié l’ambassade en France nous a quittés pour Moscou ! Et aussi Nina Björk Jónsdóttir ! Elles sont respectivement remplacées par Kristján Andri Stefánsson et Jónas Haraldsson.
Culture
La Nuit de la Culture (voir http://culturenight.is/about) est cette nuit d’août (cette année le 20 août) où la Ville de Reykjavík fête son anniversaire : une centaine de milliers de personnes circulent à travers les rues pour visiter les ateliers d’artistes ou autres manifestations artistiques qui leur sont proposés. La veille a eu lieu le Marathon de Reykjavík.
A Grímsey, donc très loin de Reykjavík, un concours a été organisé pour l’œuvre symbolisant le mieux cette île, qui recèle la seule portion arctique de l’Islande. Fabriqué à Akureyri le globe de 8 tonnes a pu être transporté jusqu’à l’île, mais il est vite apparu qu’on ne pourrait lui faire parcourir les quelques hectomètres séparant le port du Cercle Polaire sans endommager gravement le passage ; le globe restera donc non loin du port. N’est ce pas ce que voulaient les auteurs de l’œuvre ; déplacer le Cercle Polaire ?
Et si des lecteurs de cette chronique souhaitent améliorer leur connaissance de l’islandais, je ne puis que conseiller la lecture de « Parlons islandais » (l’Harmattan) dont Solveig Bjarnason propose une deuxième édition.
Car pendant ce temps la vie continue…
15/07 – afin que cessent les fréquentes détériorations de ses conduites d’eau froide, Birgir, paysan à Ríp (Skagafjörður), a du passer un accord avec les elfes vivant sur ses terres,

prisonniers à l’entraînement
19/08 – parmi les milliers de concurrents au Marathon de Reykjavík Guðni, le nouveau Président (1h 24’ 32’’ au demi-marathon) et des pensionnaires de la prison Kvíabryggja (connue pour recevoir les « banquiers félons »),
27/08 – on a trouvé un rocket de bazooka à proximité de la N1, apparemment abandonné par l’armée britannique ; premier effet du tourisme ?
29/08 – la terre tremble sous le Mýrdalsjökull et autour de Katla,
31/08 –Voici l’enveloppe de la lettre qu’a reçue Rebecca, paysanne à Hólar… Heureusement que les postiers islandais lisent l’anglais !!!

 

Chronique islandaise – mars 2016 – 2

Chronique islandaise – mars 2016 – 2

Ces lignes sont le résultat de lectures, de suggestions et d’informations que je peux obtenir autour de moi, mais elles n’engagent que ma seule responsabilité.

Michel Sallé

« Wintris » – saison 2

Je rappelle la saison 1 :

Mi mars Anna Sigurlaug Pálsdóttir, épouse de Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, Premier Ministre , reconnaît être propriétaire de Wintris, un fond de 1.2 milliards d’Ikr (8.35 millions d’euros) domicilié dans l’une des Îles Vierges. Que l’épouse du Premier Ministre soit une riche héritière, fille de l’ancien propriétaire de la concession Toyota en Islande, est bien connu. Personne n’y trouve à redire ; en Islande il n’est pas malséant d’être riche…

Pourtant deux questions sont posées :

– pourquoi Sigmundur Davíð n’a-t-il pas fait état de ce fond dans la déclaration de ressources qu’il devait faire lorsqu’il a été élu à l’Alþingi en 2009 ?

– comment ce pourfendeur de l’euro a-t-il pu laisser son épouse déposer ses économies dans un fond en euros ?

Pendant un temps, Sigmundur Davíð reste impavide face à des attaques de plus en plus violentes. Puis le couple fait feu de tous bois, ensemble ou séparément :

– rien n’obligeait Sigmundur Davíð à déclarer une ressource qui n’est pas la sienne, d’autant qu’en 2009 Anna Sigurlaug et lui étaient concubins,

– les gains de Anna Sigurlaug sont régulièrement imposés en Islande,

– l’euro ? « Anna Sigurlaug et moi avons pensé qu’il n’était pas heureux que la femme du Premier Ministre fasse des investissements en Islande ou profite du dispositif mis en place par la Banque Centrale pour le rapatriement de fonds investis à l’étranger ».

Rien d’illégal apparemment, mais une grosse faute politique. L’opposition évoque l’idée d’un vote de défiance à l’égard du Premier Ministre, voire une dissolution du parlement. Les dirigeants de la majorité sont partagés, même au sein du Parti du Progrès que Sigmundur Davíð préside. Fin mars aucune décision n’a été prise. Il y a deux freins :

– à qui profiterait une crise politique ? Hormis les Pirates, les partis de l’opposition sont au plus bas comme l’est le Parti du Progrès,

– plusieurs dirigeants du Parti de l’Indépendance et de l’Alliance Social-démocrate sont mal à l’aise car la liste HSBC des comptes en Suisse que détient l’administration fiscale1 commencerait à « fuiter ». Bjarni Benediktsson et Ólöf Nordal, respectivement Président et Vice-Présidente du Parti de l’Indépendance et les plus importants ministres du gouvernement, doivent reconnaître qu’ils sont eux aussi titulaires de comptes off shore.

La saison 2 éclate alors que la première n’est pas achevée : Sigmundur Davíð se trouve en bonne place sur les « Panama papers »2, seul chef d’état ou de gouvernement d’Europe occidentale aux cotés de personnages aussi recommandables que tels dictateurs d’Afrique, du Moyen Orient ou d’Amérique du Sud

L’indignation est générale :

– Sigmundur Davíð a menti : il possédait 50% de Wintris jusqu’à ce qu’il vende ses parts à son épouse pour 1 $ symbolique en janvier 2009,

– Pire : les Islandais n’apprécient pas du tout de faire l’actualité mondiale sur un tel sujet !

Le Premier Ministre se défend mal, est agressif avec les journalistes islandais et étrangers. Pourtant la réponse politique mise en oeuvre, certainement oeuvre du Président Ólafur Ragnar Grímsson, l’épargne largement :

– Il ne démissionne pas mais choisit de « se mettre à l’écart » en tant que Premier Ministre, et reste président du Parti du Progrès,

– Il est remplacé par Sigurður Ingi Jóhannsson, auparavant Ministre de la Pêche et de l’Agriculture, fidèle d’entre les fidèles, mais dont le parcours ministériel n’a pas soulevé l’enthousiasme,

– Sigurður Ingi est lui-même remplacé par Gunnar Bragi Sveinsson, auparavant Ministre des Affaires Etrangères. Ce départ est il le prix exigé par le Parti de l’Indépendance pour accepter ces changements ? Les armateurs qui soutiennent le parti ne pardonnent pas à Gunnar Bragi sa décision d’associer l’Islande au boycott des produits russes décidé par l’UE,

SI  Sigurður Ingi

– Lilja Dögg Alfreðsdóttir, conseillère très proche de l’ancien Premier Ministre, mais non élue, devient Ministre des Affaires Etrangères,

– enfin et surtout, des élections législatives auront lieu en septembre, mais à une date non encore fixée.

Les partis d’opposition et les très nombreux manifestants de la Place Austurvöllur n’acceptent pas ce ravaudage dans lequel ils ne voient que les habituels arrangements entre amis. Ils exigent une dissolution immédiate de l’Alþingi.

22000 22000 !!!

En pratique il est malaisé d’organiser des élections législatives avant l’été car en Islande la composition des listes de candidats de chaque parti fait traditionnellement l’objet de « primaires » dans chaque circonscription. De plus l’élection du Président de la République est prévue pour le 25 juin.

Et surtout ce délai permet à chacun, quoiqu’il dise, de se préparer :

– panser les plaies des deux partis au pouvoir. Sigmundur Davið est-il à cet égard le mieux placé pour remettre en selle le Parti du Progrès ?

– permettre aux deux partis Gauche Verte et Alliance Social-démocrate de proposer une offre renouvelée,

– permettre aux Pirates de se transformer en parti de gouvernement, c’est à dire construire à partir des idées qu’ils défendent un programme original mais acceptable par un allié certainement nécessaire, et trouver au moins 25 personnes capables de siéger valablement à l’Alþingi.

Les sondeurs eux-mêmes sont désemparés :

– selon MMR3, ma source habituelle, le Parti du Progrès est à 8.7% d’intentions de vote (12.8%) et le Parti de l’Indépendance à 22.5% (23.4%). La situation profite à la Gauche Verte : 12.8% (7.8%) et à l’Alliance Social démocrate : 9.9% (7.8%). Les Pirates restent stables à 36.7% (37%),

– selon Fréttablaðið4, le Parti du Progrès est à 7.9% d’intentions de vote (12.8%) et le Parti de l’Indépendance à 21.6% (27.6%). La situation profite encore à la Gauche Verte : 11.2% (8.4%) et à l’Alliance Social démocrate : 10.2% (8.2%). Mais cette fois les Pirates progressent de 38.1% à 43%.

D’autres indications confirment que la Gauche Verte profite de la situation au moins autant que les Pirates. Mais si Katrín, sa présidente, est très populaire, il n’en va pas de même des « dinosaures » qui l’entourent.

Le gouvernement de Sigurður Ingi débute avec 26% d’opinions favorables…

semaine

quelle semaine !

 

Actualités du mois de novembre

Actualités islandaises – Novembre 2015 (par Michel Sallé)


En Islande comme partout dans le monde les réactions sont très nombreuses aux horribles assassinats perpétrés le 13 novembre à Paris, et multiples les manifestations de solidarité officielles. Mais aussi personnelles : beaucoup d’Islandais sont venus à Paris pour étudier ou y célébrer un moment heureux de leur vie, certains y sont restés ; tous s’identifient à ces Parisiens de toutes origines aveuglements tués ou blessés alors qu’ils écoutaient de la musique ou étaient assis à une terrasse de café.

L’actualité politique

Très vite, à Reykjavík comme ailleurs, le discours opportuniste réapparaît car ces attentats donnent raison à tous, ceux qui croient à la coopération internationale malgré ses bugs, ceux qui préfèrent fermer portes et fenêtres… celui enfin qui y voit une opportunité pour préparer sa candidature à un sixième mandat de Président !

Dans le gouvernement, tant Ólöf Nordal, Ministre de l’Intérieur et Vice Présidente et du Parti de l’Indépendance que Gunnar Bragi Sveinsson , Ministre des Affaires Étrangères et Vice-Président du Parti du Progrès, croient qu’il n’y a pas lieu de modifier la politique suivie depuis le début de la législature : coopération dans le cadre de la Convention de Schengen, dont l’Islande est signataire, et accueil généreux des migrants. Pour ce dernier « nous ne pouvons prétendre que cela n’arrivera pas ici […]. Mais nous ne devons pas tomber dans le piège de qualifier tous les réfugiés de terroristes. » De son coté Ólöf rappelle que « l’Islande fait partie du monde et nous devons prendre nos décisions en conséquence ; nous Islandais avons toujours voulu agir en coopération étroite avec d’autres pays, et ceci est spécialement important quand une menace est imminente ». Ce qui n’empêche pas de prendre un certains nombre de précautions. Les partis de l’opposition sont eux aussi sur cette ligne.

Mais le Président Ólafur Ragnar Grímsson s’inquiète : « la menace a des racines nouvelles, et elle emploie des méthodes que nous n’appréhendons pas toutes. Si l’on croit qu’il suffira d’être positifs à l’égard des sociétés multiculturelles et des immigrants, et que la menace disparaitra toute seule, il s’agit d’une très grave erreur » ; il ne verrait pas d‘un mauvais oeil une remise de question de l’adhésion de son pays à l’Espace Schengen. Posture présidentielle qui laisse présager une candidature à l’élection de juin 2016. Quelques jours plus tard il fait savoir qu’il est opposé à la proposition de l’Arabie Saoudite, portée par son ambassadeur, de participer au financement d’une mosquée à Reykjavík… mais doit convenir qu’il n’a aucun pouvoir sur ces sujets.

Le Premier Ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson lui emboite le pas, pour qui les attentats de Paris ont montré l’inefficacité du dispositif Schengen. Retour du sommet de La Valette sur les migrants, il rapporte à la presse que les dirigeants européens sont en privé inquiets de l’arrivée de terroristes dans le flot des réfugiés mais n’osent pas en parler publiquement. Comme toujours l’exemple à suivre est pour lui celui du Royaume Uni de David Cameron, mais il n’est pas sur qu’il puisse vaincre les réticences des ministres cités plus haut.

Les migrants islandais

Les événements de Paris viennent occulter une autre information tout à la fois politique, économique et sociale. Même s’il est redevenu positif depuis 2013, le solde migratoire masque une situation qui pose question : le solde migratoire des citoyens islandais reste négatif alors que le pays semble sorti de la crise. Ainsi en 2014 3400 sont partis, surtout des jeunes, alors que 2640 sont revenus. Si le solde migratoire total reste positif, c’est que 4348 étrangers se sont installés en Islande, quand 2475 l’ont quittée.

Le phénomène n’est pas nouveau, comme le montre le graphique ci-contre du Bureau des Statistiques. Il suit les mêmes cycles que la conjoncture économique, mais n’est jamais positif même lorsque celle-ci redevient favorable comme en 2004 ou aujourd’hui.

Posons une loupe sur les dernières années :

En 2009 et 2010, ce ne sont pas seulement les Islandais qui migrent. Les activités qui emploient beaucoup d’étrangers, telles le bâtiment, sont durement touchées par la crise. 2013, et peut-être la fin de 2012, marquent un fort retournement, au point que le solde islandais est proche de 0. Celui de 2014 est il un accident ? On sait que le départ des médecins a contraint le gouvernement à un réajustement des salaires de l’ordre de 25%, qui a lui même entraîné un incendie social qui n’est pas complètement éteint !

Katrín Jakobsdóttir, Présidente de la Gauche Verte est la première (Visír – tribune du 22 novembre) à tirer la sonnette d’alarme. Certes étudier et travailler à l’étranger fait traditionnellement partie de la vie des Islandais, qui ainsi acquièrent ailleurs des compétences dont devrait profiter l’ensemble de leur communauté ; et il était normal que beaucoup, notamment des jeunes, ne reviennent pas au pays pendant la crise. Mais les mesures que le gouvernement de gauche (dont était Katrín…) avaient décidé pour faciliter leur réinstallation ont pour l’essentiel été annulées par son successeur. Or l’Islande a besoin des ces jeunes pour construire une société de connaissance, de liberté et de justice !

Le débat est lancé : pourquoi leurs études terminées un grand nombre de ces jeunes ne reviennent ils pas au pays alors qu’ils reconnaissent que la vie y est plus facile ? Les salaires peut-être, les conditions de vie (les deux derniers hivers ont été particulièrement durs et longs) aussi, mais surtout l’impossibilité de trouver sur place un emploi correspondant aux compétences et aux ambitions des intéressés. La spectaculaire résorption du chômage depuis la crise a surtout reposé sur la création d’emplois dans le tourisme, soit des emplois peu qualifiés, et les orientations économiques actuelles auront pour effet d’y joindre des emplois industriels.

A l’Alþingi Ásta Guðrún Helgadóttir, députée Pirate, se joint à Katrín pour souhaiter une réflexion à ce propos. Mais le Premier Ministre Sigmundur Davíð ne voit pas où est le problème : on ne peut pas empêcher les jeunes de vouloir parcourir le monde (le 27 novembre le Bureau des Statistiques (service rattaché au Premier Ministre) publie comme un démenti : « il n’y a pas de changement dans le solde migratoire pour 2015 », sans la moindre statistique ! La voici : pour les 9 premiers mois de 2015, 3120 Islandais ont quitté l’île ; 1990 y sont revenus…). Ce que lisant, certains membres de la diaspora se déchainent sur Facebook. La question est évidemment ailleurs ; comment ne pas la rapprocher des intentions de vote en faveur des Pirates (près de 50% chez les jeunes) et des conflits sociaux du printemps ?

La situation économique

A voir le graphique ci-contre, qui montre un pouvoir d’achat en progression de 7.9 % en un an, on comprend l’incompréhension de Sigmundur Davíð : pourquoi vouloir quitter ce pays pour des voisins européens dont les résultats économiques sont si mauvais comparés à ceux obtenus grâce à la politique suivie par son gouvernement ? Car, contrairement à toute attente après les concessions salariales faites depuis le printemps, la Banque Centrale parvient à contenir l’inflation en dessous de son objectif de 2.5%, …tout en laissant entendre que cela ne va pas durer, ce qui la conduit à majorer encore son taux de base à 5.75%.

Le chômage paraît stabilisé entre 3 et 4%. Pour ce qui concerne le commerce extérieur la balance des échanges de produits pour les 9 premiers mois de 2015 (voir http://www.statice.is/publications/news-archive/external-trade/external-trade-in-goods-january-september-2015/) connaît le même léger déficit qu’en 2014 pour la même période soit 14725 millions d’Ikr (1€ = 141.4 Ikr ou 100 Ikr = 7.07 €) (1.8% des exportations) et ce déficit est le produit d’une très forte progression tant des exportations (11.8% à 480121 millions d’Ikr) que des importations (11.3% à 494846 millions d’Ikr), ce qui montre à la fois le fort niveau d’activité et le bon maintien des exportations malgré une progression de 10% de l’Ikr par rapport à l’Euro au cours des 12 derniers mois. Les produits industriels représentent 53% des exportations, malgré la chute des cours de l’aluminium, et les produits de la pêche 42%. Grâce au tourisme, il est certain que la balance des services viendra plus que compenser le déficit cité plus haut. A noter toutefois qu’une étude de spécialistes hollandais montre que l’impact économique réel de cette activité est sensiblement surestimé (40% ?). Il est en effet très difficile d’évaluer la durée et les dépenses des touristes étrangers.

Actualité sociale

La chute des cours mondiaux de l’aluminium offre une transition vers le social. Alors que l’accord signé en octobre (voir chronique d’octobre) pour les employés du secteur public, notamment les infirmières, qui avaient rejeté les accords signés par leurs syndicats au printemps, est cette fois approuvé, voici que les salariés de l’usine de Straumsvík menacent de faire grève à leur tour. L’enjeu est d’importance : Straumsvík, à Hafnarfjörður près de Reykjavík, est la première fonderie d’aluminium construite en Islande. Filiale de Rio Tinto, elle produit aujourd’hui environ 190000 tonnes d’aluminium et emploie 450 salariés. Sa directrice générale, Rannveig Rist, est inflexible. Compte tenu de la chute des cours de l’aluminium (la tonne d’aluminium est tombée cette année de 2100 à 1480$), l’entreprise produit à perte ; si la fonderie est arrêtée, il n’est pas sur que Rio Tinto, qui vient de fermer quatre usines dans le monde, accepte son redémarrage ! Ce serait évidemment catastrophique pour l’économie islandaise et particulièrement Hafnarfjörður et ses environs. La grève est prévue pour le 2 décembre, les négociations paraissent très difficiles : qui cèdera ?

COP 21 : l’Islande et son environnement

Le Président Ólafur Ragnar, le Premier Ministre Sigmundur Davíð et plusieurs membres de son gouvernement seront présents à Paris à l’occasion de la COP 21. Ils ne viendront pas les mains vides. Le gouvernement islandais s’est en effet engagé à s’associer à l’objectif de 40% de réduction des gaz à effet de serre (rappelons qu’il s’agit d’un objectif à horizon 2030 sur la base du niveau constaté en 1990) de l’Union Européenne. Seize axes d’action sont identifiés groupés en cinq catégories :
– développement de la sylviculture et retour à la nature des terres non cultivées,
– développement de la voiture électrique,
– aides à l’agriculture et à la pêche pour réduire la pollution générée par ces activités,
– développement et valorisation de l’expertise islandaise sur la géothermie,
– adaptation aux changements climatiques.

Ce plan est présenté le 27 novembre lors d’une grande conférence de presse (malheureusement, pas de communiqué en anglais).

Peut il contrer l’impact de l’intervention de Björk (voir http://grapevine.is/news/2015/11/06/state-of-emergency-for-the-highlands-iceland-has-a-deadline-says-bjork/), associée à Andri Snær Magnússon, auteur du brûlot « Dreamland » et animateur de Protect the Park (voir http://heartoficeland.org/) ?. Tous deux dénoncent les projets du gouvernement de construire plusieurs barrages dans le centre de l’Islande et border la fameuse piste Sprengisandur d’un réseau à haute tension. Ils proposent que toute cette région devienne un parc national et en appellent au monde entier !

Actualité culturelle

Du 2 au 6 novembre a eu lieu la 16ème édition du Festival Airwaves, toujours plus grand, plus international et plus fou.

Le film « Hrútar » de Grímur Hákonarson continue sa moisson de prix, à Minsk, Thessalonique et en Hollande. Il porte ainsi à 18 le nombre de distinctions reçues depuis le Prix « Un certain Regard » du dernier Festival de Cannes ; quand donc sera-t-il diffusé en France ?

Autre prix, obtenu cette fois en France, celui du meilleur roman étranger pour « D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds » (Fiskarnir hafa enga fætur (2013)), de Jón Kalman Stefánsson, traduit par Eric Boury, (Gallimard). Pas une surprise tant Jón Kalman est maintenant un écrivain mondialement reconnu…

Mais pendant ce temps la vie continue

– 09-11 – l’inondation de Skaftá coûtera plusieurs centaines de millions d’Ikr selon Sandra Brá Jóhannsdòttir, maire de ce territoire. Les terres d’une dizaine de fermes ont été endommagées, et la route qui longeait la vallée a complètement disparu,

– 12-11 – 15662 voitures ont été immatriculées depuis le 1er janvier dont 40% destinées à la location,

– 18-11 – voici à quoi pourrait ressembler la mosquée de Reykjavík dessinée par Gunnlaugur Stefán Pálsson og Pia Bickmann,

– 21-11 – Björk encore, qualifiée par ma source (Ásgeir Tómasson – RÚV 21 novembre) de un des Islandais les plus célèbres de tous les temps : elle a eu 50 ans,

– 28-11 – les « Anonymes » prennent le contrôle des sites web d’information du gouvernement pour protester contre la chasse à la baleine (voir vidéo en bas cette page web : http://www.mbl.is/frettir/innlent/2015/11/28/sidur_stjornarradsins_enn_nidri/). Le chroniqueur a heureusement d’autres sources !

– 29-11 – au concours de l’homme le plus fort d’Europe, en Suède, Hafþór Júlíus Björnsson (Games of Thrones) expédie un tonneau de bière de 15 kg au dessus de 7 mètres ; entraînement pour le concours mondial dit-il !

Actualités : juin -août 2015

Actualités : juin -août 2015

Les pages ci-dessous doivent beaucoup à d’autres que je remercie ici. Mais, évidemment, elles n’engagent que ma seule responsabilité. Ce texte a été terminé le 4 septembre 2015. Pour les événements intervenus depuis, certainement nombreux, je vous renvoie au site de notre association France-Islande et à celui de l’Ambassade d’Islande en France.

 Vous pouvez aussi sur simple demande (michel@sg-ms.net) vous abonner à mes « Chroniques » mensuelles). MS

Les mois passés ont été décrits ici comme des mois de bouillonnements : montée des Pirates, passage en force du gouvernement à propos de la négociation d’adhésion à l’UE, et, plus récemment, grèves pour des revendications apparemment irréalistes, hésitations autour de la levée du contrôle des changes… Et voici que le mois de juin paraît celui des solutions. Sur le « front social » : les nombreux accords dans le privé comme dans le public permettent d’écarter la menace d’une grève générale. Pour ce qui concerne la levée du contrôle des changes, le gouvernement annonce un plan qui est salué de toutes parts pour sa qualité. Mais pour calmer de justesse la fronde sociale, il doit accepter des concessions politiquement douloureuses, coûteuses et évidemment non inscrites au budget. Pourra-t-il les financer avec la taxe qu’il veut imposer pour lever le contrôle des capitaux ? Beaucoup de voix s’élèvent, notamment la Banque Centrale, pour crier au risque de relance de l’inflation… D’ailleurs, l’incendie est-il vraiment éteint ?

La levée du contrôle des changes :

Et d’abord pourquoi a-t-on instauré ce contrôle ? Dans les années précédant la crise de 2008, un certain nombre de fonds – fonds souverains notamment – spéculent sur la monnaie islandaise sans que les autorités islandaises s’en émeuvent, heureuses de voir la couronne objet de tant de sollicitude. Ce sont ainsi, au moment de la crise, environ 600 milliards d’Ikr (soit 4.2 milliards d’euros – 42% du PNB islandais d’alors) de Glacier bonds libellés en Ikr que détiennent des opérateurs étrangers et dont il faut à tout prix éviter la sortie sous peine de voir la couronne chuter plus encore. Un contrôle des changes drastique est décidé avec l’approbation du FMI. La situation devient plus difficile encore à mesure que les liquidateurs des trois banques en faillite parviennent avec un réel succès à réaliser leurs actifs. Ce sont 900 milliards d’Ikr, détenues tant par des résidents islandais que par des non-résidents, qui viennent s’ajouter aux avoirs évoqués précédemment mais réduits entre temps de moitié à l’occasion de négociations avec la Banque Centrale, soit au total 1200 milliards d’Ikr, plus de 8 milliards € au cours actuel.

L’essentiel du plan annoncé et voté le 7 juin consiste à encadrer très étroitement la sortie de ces sommes gigantesques par des accords avec les liquidateurs des anciennes banques, ou à défaut les soumettre à une « taxe de stabilité » fixée à 39% de leurs actifs.

La taxe de stabilité devrait apporter au Trésor islandais 640 milliards d’Ikr (4.3 milliards d’€). Quels que soient les choix des opérateurs, ces mesures devraient selon leurs promoteurs suffisamment alléger la charge sur les marchés pour que le cours de la monnaie soit maîtrisé.

Il y a bien sur débat autour de l’utilisation de ces milliards d’Ikr (1/3 du PNB !). Construction du nouvel hôpital, souhaitent les cigales ; résorption de la dette publique rétorquent les fourmis, dont évidemment le Président de la Banque Centrale, très inquiet pour le niveau des prix…

Et certains se distinguent en faisant remarquer que ce plan n’apporte aucune solution à la fragilité de la monnaie, qui reste exposée à un retour au contrôle des changes en cas de turbulences.

Actualité sociale

Ces derniers mois, pendant lesquels devaient être renégociés une majorité d’accords salariaux, étaient lourds de menaces sociales tant les organisations de salariés paraissaient prêtes à aller jusqu’au bout de revendications jugées irréalistes par leurs interlocuteurs. Toutes ces revendications devaient confluer en une grève générale en juin. Il était clair que l’objectif était de faire plier un gouvernement jugé sourd et aveugle. Celui-ci finit par céder et prend fin mai des mesures susceptibles de faciliter les négociations,  telles qu’une réforme de l’impôt sur le revenu pour alléger la charge sur les bas revenus, ou, pour ce qui concerne le logement, des actions pour réduire les coûts de construction, et des aides à la location pour les revenus les plus modestes.

Le signal permet un lent dégel de la situation. Le 29 mai, la fédération des salariés du commerce et d’autres fédérations qui se sont jointes à elle signent un accord qui concerne 70000 salariés et sera approuvé ultérieurement par environ 70% d’entre eux. Les augmentations sont significatives notamment pour les bas salaires puisque le minimum sera porté à 300000 Ikr (2000€) au 1er mai 2018 (aujourd’hui 230000 Ikr, soit +30%), alors que des salaires de 550000 Ikr n’augmenteront « que » de 90000 IKr (+16.4%).

Cet accord fait école… Les plus réticents sont dans le privé les techniciens et ouvriers de l’industrie électrique et les salariés de la restauration, dans le public les infirmières issues de l’Université. Les premiers signent après de longues négociations un accord proche des précédents. La situation est beaucoup plus dure du côté des infirmières de l’Hôpital National. Dans un secteur en sous-effectif à la suite des économies décidées par le gouvernement, la grève se fait immédiatement sentir. Mais les infirmières restent sourdes aux appels. S’agissant du secteur public le gouvernement peut faire voter une loi de réquisition, ce qu’il se décide à faire après beaucoup d’hésitations le 12 juin : la grève est interdite et les parties ont jusqu’au 1er juillet pour trouver un accord, sinon il appartiendra à un tribunal arbitral de trancher. Pendant que 250 infirmières, soit 1/4 d’entre elles, démissionnent, la négociation reprend et se conclut par un accord signé le 23 juin, jugé préférable par les négociateurs à l’arbitrage du tribunal. Les infirmières recevront une augmentation de 18.6% sur les quatre années à venir. Mais l’accord ne semble pas satisfaire les intéressées. Le contentieux est en cours de jugement.

Actualité politique

Malgré le gros effort de communication autour du projet de lever du contrôle des changes, qualifié par un Premier Ministre toujours prêt à l’autopromotion comme le plus ambitieux de toute l’histoire économique de l’île, les sondages vibrent peu. Le gouvernement progresse de 31.4% (mai 2015) à 33.2% (4 août 2015) au profit du Parti de l’Indépendance, 23.1% (21.2 en mai), comme du Parti du Progrès : 12.2% (11.3% en mai). Dans l’opposition le Parti Pirate se stabilise autour de 35% et continue de représenter à lui tout seul la même audience que le gouvernement. Les autres partis bougent peu : Alliance social démocrate : 12.2% (11.8 en mai), la Gauche Verte : 10.2% (11.1en mai). Seul Avenir Radieux poursuit sa descente aux enfers (4.4%) et n’aurait donc plus de député alors qu’il en a 6 aujourd’hui, ce qui devrait entraîner le départ de l’un de ses fondateurs Guðmundur Steingrímsson.

Le 17 juin, jour de fête nationale, Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, Premier Ministre, est conspué pendant son traditionnel discours prononcé au pied de la statue de Jón Sigurðsson, héros national dont le 17 juin est l’anniversaire de naissance. Personne n’entend que « nous célébrons aujourd’hui et nous réjouissons d’être membres d’une grande famille avec ses diversités. Ce jour nous appelle à l’unité, il nous rappelle que nous sommes une communauté avec une histoire et une culture communes, une communauté dont l’unité est source d’engagement et de réussite ».

Actualité internationale

L’été est marqué par trois événements :

Relations franco-islandaises : la visite de Ségolène Royal

Depuis quelques années les relations entre France et Islande, jusqu’ici distantes, s’intensifient et prennent un tour concret avec notamment l’organisation de colloques par la Chambre de Commerce Franco-islandaise. Le dernier a eu lieu à Paris le 16 avril 2015 en présence du Président Ólafur Ragnar Grímsson, de Laurent Fabius et de Ragnheiður Elín Árnadóttir, Ministre de l’Industrie. Le thème choisi – la géothermie – fournit l’occasion d’approfondir avec la signature d’accords entre les Universités d’Islande et de Strasbourg une coopération déjà engagée.

En venant en Islande les 29 et 30 juillet la ministre française répondait à une invitation de son homologue islandaise. Cette visite a été l’occasion de la signature sous l’égide de la Chambre de Commerce Franco-islandaise d’accords entre les clusters français et islandais de la géothermie, jetant les bases d’une véritable coopération industrielle.

ORG Royal Ségolène au Blue Lagoon crédit IceNews

Et ce n’est pas fini puisque le président Hollande se rendra en Islande en octobre à l’occasion de la conférence « Arctic Circle » dans le cadre de la préparation de la Cop 21.

Les Russes

Ils emplissent l’actualité du mois d’août quand on apprend que, mettant à exécution une menace brandie voici plusieurs mois, ils ont décidé de se passer de produits islandais, notamment le maquereau. Ils veulent ainsi punir l’Islande, avec l’Albanie, le Liechtenstein, le Montenegro et l’Ukraine, de leur participation au boycott décidé par l’Union européenne et l’OTAN. Les estimations des conséquences varient, allant du dramatique au rassurant mais il est certain que les grands armateurs ainsi que certaines villes vivant de la pêche seront affectés.

Au-delà des conséquences économiques, l’irruption intempestive des Russes est un énorme pavé dans la mare. Elle jette une lumière crue sur la politique extérieure de l’Islande, et ce à plusieurs niveaux :

* celui de la prise de décisions et de la place qu’y occupent certains lobbies,

* celui de l’absence d’une vision claire et partagée sur la place de l’Islande dans le monde,

*celui d’institutions dont la vie repose essentiellement sur le compromis, alors qu’une politique extérieure est faite de choix

Les migrants

Les migrants fournissent une autre illustration de l’attitude des Islandais vis-à-vis du monde extérieur. Après les Russes, ils font irruption dans la presse des derniers jours d’août. Le Premier Ministre Sigmundur Davíð (Parti du Progrès)

Sigmundur davið gunnlaugsson Sigmundur Davíð

avait décidé fin juillet que son pays recevrait 50 d’entre eux en deux années. Levers de boucliers : ce n’est pas assez ! Les diverses municipalités se disent prêtes à faire des propositions. Sur la page Facebook «Kæra Eygló Harðar – Sýrland kallar » (« Chère Eygló Harðar – Ministre des Affaires Sociales – la Syrie appelle ») ce sont 5000 Syriens que l’on se dit prêts à accueillir… La Croix-Rouge reçoit la candidature de 700 bénévoles prêts à favoriser cet accueil, et une multitude de fournitures ! Tous les « saumaklúbbar » (clubs de couture) sont engagés dans la confection de vêtements chauds ! Rappel : les Islandais sont 330000, soit 1 pour 200 Français et pour 1000 Européens…

Actualité économique

Qu‘il s’agisse de la levée du contrôle des changes, ou des augmentations de salaire, Már Guðmundsson, Président de la Banque Centrale (BCI), est inquiet. Il est le gardien du niveau des prix et a pour mission de les maintenir en dessous de 2.5%. Dès le 10 juin, le taux de base bancaire est porté à 5% (+ 0.5%) puis à 5.5%, et ce n’est pas la dernière augmentation.

Pourtant le 29 juin la banque centrale se félicite de la progression de la note de Moody’s, de Baa2 à Baa3 ; de la même manière qu’elle peut être satisfaite du commentaire positif du FMI.

Il est vrai que les prévisions confortent la satisfaction qu’expriment en toutes occasions les membres de la majorité, notamment les présidents des deux partis : progression du PNB de 4.1% en 2015, portée par l’investissement (+18.2%) et la demande intérieure (+6.1%), et malgré cela une balance commerciale à l’équilibre. Pourtant des nuages sont apparus pendant l’été, inattendus comme le boycott russe ou la fermeture du marché nigérian, attendus comme la reprise de l’inflation après les accords salariaux signés au printemps ; auxquels il faut ajouter des alertes comme la chute de certains cours mondiaux du poisson et ceux de l’aluminium. Certains projets industriels devraient être revus.

Autres :

Grande journaliste, francophile et francophone, Elín Pálmadóttir est connue pour ses travaux sur ces pêcheurs partis de côtes françaises pour pêcher autour de l’Islande, et dont 4000 ne seraient pas revenus. C’était une belle idée de l’Ambassade de France de la décorer de la Légion d’Honneur sur la goélette « l’Etoile », mais la météo en a décidé autrement. C’est donc le Musée Maritime de Reykjavík qui a été choisi.

Elin

Pendant ce temps la vie continue :

* 04/06 : la police de la région sud de l’Islande a en un an distribué 800 contraventions pour non respect du code de la route, dont environ la moitié à des conducteurs étrangers ; faudrait-il traduire les panneaux ?

* 12/06 : en football, l’Islande a raison de la Tchécoslovaquie 2-1. Sûr que la présence de Sigmundur Davíð et Bjarni alors qu’ils étaient attendus à l’Alþingi y a contribué !

* 25/06 : Páll Valur Björnsson, député d’ »Avenir Radieux » veut que chaque session de l’Alþingi débute par une chanson ; nul doute que son parti va ainsi enfin bousculer les sondages !

* 26/06 : Ragnhildur Jónsdóttir, seule Islandaise à croire aux Elfes, est mécontente du projet de construction de l’aéroport domestique sur le Hvassahraun, car on y dérangerait « ses » Elfes. Elle propose de le construire ailleurs ; mais ne dit-elle pas que les Elfes et leurs compagnons hantent toute l’île ?

* 25.08 le jour le plus chaud de l’été : 18° à Reykjavík, dont les piscines et la plage ont été prises d’assaut,

Températures crédit vedur.is

* 28.08pour la « Menningarnótt » (Nuit de la culture) 120000 personnes défilent sous la pluie…

Menningarnótt crédit Grapevine