Actualités islandaises – Novembre 2016 (par Michel Sallé)

 Ce ne peut être une surprise : un mois après les élections législatives du 29 octobre l’Islande n’a toujours pas de gouvernement. La gestation est traditionnellement longue même lorsque les contours de la majorité sont évidents. Il faut non seulement convenir du nombre et du nom des ministres mais surtout construire un accord de législature entre les partis au pouvoir, d’autant plus important que le Premier Ministre n’a guère d’autorité sur les ministres qui ne sont pas de son parti. Ainsi le gouvernement né des élections du 25 avril 2013 n’a été connu que le 23 mai alors que l’alliance Parti du Progrès/Parti de l’Indépendance ne faisait pas débat.

De g. à d. Benedikt, Bjarni et Óttarr
La tâche est bien plus ardue lorsque sept partis ont des représentants à l’Alþingi et que les deux plus nombreux, Parti de l’Indépendance et Gauche Verte, sont aux extrêmes de l’échiquier politique. Conformément à la constitution, il appartient à Guðni Jóhannesson, Président nouvellement élu, de donner à un Premier Ministre potentiel mandat de composer un gouvernement qui aura la confiance de l’Alþingi. Après avoir reçu les responsables des partis, Guðni pressent logiquement le 11 novembre Bjarni Benediktsson, président du Parti de l’Indépendance. Celui-ci a des entretiens avec ses homologues, puis des entretiens plus approfondis avec Benedikt Jóhannesson (Redressement) et Óttarr Proppé (Avenir Radieux), soit une majorité possible très courte (32 députés sur 63). Sans surprise, deux obstacles apparaissent à la poursuite des négociations : la pêche et le référendum sur la poursuite des

Que faire ? Katrín se confie à Sigurður Ingi, actuel Premier Ministre et Président du Parti du Progrès
négociations d’adhésion à l’UE. Le 15, Bjarni jette l’éponge. Le 16, Katrín Jakobsdóttir (Gauche Verte) prend le relais. Il s’agit cette fois de rassembler cinq partis : la Gauche Verte, les Pirates, l’Alliance Social-démocrate, Redressement et Avenir Radieux, les deux derniers semblant devenus indissociables. Malgré la distance qui sépare son parti de Redressement, Katrín semble y croire. Mais cette fois l’obstacle est d’ordre fiscal : pour financer les ambitions de la Gauche Verte et des Pirates dans le domaine social des augmentations d’impôts sont nécessaires, ce que Redressement, cohérent avec sa logique libérale, n’accepte pas. Et puis quels impôts ? Le 25 novembre, Katrín renonce à son tour.
Guðni décide alors de laisser les partis dialoguer entre eux et ne donne dans l’immédiat aucun mandat. Puis le 2 décembre il donne mandat à Birgitta Jónsdóttir (Pirates).
Guðni décide alors de laisser les partis dialoguer entre eux et ne donne dans l’immédiat aucun mandat. Puis le 2 décembre il donne mandat à Birgitta Jónsdóttir (Pirates).
En marge de ces négociations, trois observations :
  • Le Parti du Progrès est ignoré, voire même écarté, par certains partis. En cause l’ancien Premier Ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson et les « Panama Papers ». Placé en tête de liste lors des primaires de son parti dans la circonscription du nord-est, il a été réélu. Toutefois son nom a été rayé 817 fois, soit 18% des voix obtenues par la liste qu’il conduisait, mais sans effet sur son élection (il faut 20% pour que les rayures affectent l’ordre des élus). Son parti, dans lequel il a beaucoup de fidèles, peut il entrer dans un gouvernement sans lui donner un ministère ?
  • Après avoir annoncé son désintérêt pour toute fonction gouvernementale, Birgitta Jónsdóttir, ainsi que Smári McCarthy cofondateur du mouvement Pirates et nouveau député, sont très actifs dans la négociation, au point de transiger sur des points essentiels de leur programme, tels la législature courte et le non-cumul des fonctions de ministre et de député (il est vrai que la salle des débats de l’Alþingi est trop petite (57 places) pour accueillir des ministres qui ne seraient pas députés…). Elle, chantre de la démocratie directe, se verrait bien présidente de l’Alþingi !
  • Avec ses trois députés, l’Alliance social-démocrate n’est présente dans les négociations qu’en mode mineur. Cela signifie-t-il la disparition de la social-démocratie en Islande ? Ou son absorption par la Gauche Verte ? Ceci expliquerait la volonté de Katrín Jakobsdóttir d’associer l’Alliance aux négociations, alors même que les deux partis s’opposent sur l’adhésion à l’UE.
Actualité économique
Une conjoncture toujours aussi positive…
Selon le Bureau des Statistiques, le PNB progresserait de 4.7% (voir http://www.statice.is/publications/…) en 2016 (4.3% prévus en mai) et 4.4% en 2017 ; elle se stabiliserait entre 2.6 et 3% pour les années suivantes. Cette progression repose surtout sur celles de la consommation privée (7.1%) et de l’investissement (21.7%).
L’activité des entreprises
En cohérence avec ce qui précède, et toujours selon le Bureau des Statistiques (voir http://www.statice.is/publications/…), l’activité des entreprises, hors industrie pharmaceutique, assurances et établissements financiers, a progressé en 2015 de 3.4 milliards d’Ikr (1000 Ikr = 8.34€) à 3.7 milliards, soit environ 7% et les dividendes de 85 à 93 milliards (+8%). C’est bien sur du coté du tourisme que les progrès ont été les plus importants, notamment le transport aérien et l’hébergement.
La pêche
Íslandsbanki vient de publier son étude annuelle sur la pêche. Principales informations :
  • les Islandais ont pêché 1,32 million de tonnes en 2015, soit 22.5% de plus qu’en 2014. Cette progression est principalement due au capelan (0.34 million de tonnes – +218%),
  • en valeur la pêche a été de 151 milliards d’Ikr, soit une progression de 9.2% sur 2014. Le cabillaud compte pour 40% de cette valeur, en progression de 13%,
  • par contre les exportations en volume (0,63 million de tonnes) ont diminué de 3% par rapport à 2014, essentiellement à cause du boycott vers la Russie ; mais, la part du cabillaud ayant augmenté, les exportation en valeur ont progressé de 7% à 265 milliards d’Ikr, et représentent 42% des exportations de produits, et 22% des revenus du commerce extérieur (tourisme inclus),
  • la part du poisson d’élevage est très faible : 8 millions de tonnes en 2015, très loin derrière la Norvège (1336 millions de tonnes, et très très loin derrière la Chine : 46731 millions de tonnes !). Soit 7 milliards d’Ikr à l’exportation, en progrès sensible par rapport à 2014 : +25%,
  • l’industrie de la pêche occupe 7800 personnes soit 4.2% de la population active, en diminution progressive (14200 personnes en 1997),
  • le nombre de bateaux a lui aussi diminué, de 2062 en 2001 à 1603 en 2015,
  • les 10 plus grands détenteurs de quotas en détiennent 50%, dont 10% pour HB Grandi hf.
Actualité sociale
Avec un remarquable sens de l’à propos, le « Kjararáð », commission indépendante (le «Kjararáð » – Comité des rémunérations – est composé de 5 membres et 5 suppléants, désignés pour 4 ans, 3 par l’Alþingi, 1 par la Cour Suprême, 1 par le Ministre des Finances) chargée de fixer les salaires des fonctions les plus élevées (Président, ministres, députés, hauts fonctionnaires, pasteurs, dirigeants des entreprises publiques…) annonce le 29 octobre (jour des élections !) que les salaires de base (auquel viennent s’ajouter de nombreuses indemnités !) des députés seront majorés de 45% à 1 101 194 Ikr par mois (9 160€). Ceux des ministres sont majorés dans les mêmes proportions. Le Président gagnera dorénavant 2 985 000 Ikr (24 919 €). Certains des intéressés trouvent que « c’est beaucoup ». Guðni fait savoir qu’il refuse cette augmentation, mais le peut il ? Le « Kjararáð » ne précise pas son mode de calcul, mais il faut rappeler que ces salaires n’avaient pas été majorés comme ceux des autres catégories au printemps 2015.
Cela n’aide pas à la solution de deux conflits en cours. Pourtant Bryndís Hlöðversdóttir, Médiateur National, y parvient :
  • les marins pêcheurs : un accord est signé 14 novembre après que les marins aient entamé une grève largement suivie ; il porte sur les salaires et les conditions de travail et est valable deux ans. Il est en cours d’approbation par les divers syndicats de pêcheurs,
  • les enseignants du primaire, qui en Islande dépendent des collectivités territoriales et

accord conclu ! au centre Bryndís Hlöðversdóttir, Médiateur National
sont rémunérés par elles : un accord est conclu le 30 novembre entre le l’Association des Enseignants du primaire et le Comité de Négociation des collectivités territoriales : leurs salaires sont majorés de 7.3% au 1er décembre et le seront à nouveau le 1er mars 2017 (+3.5%). De plus ces enseignants reçoivent une prime de 204000 Ikr au 1er janvier proratée selon leur temps de travail.
Relations internationales

Lilja et Aurelia Frick, Ministre des AE du Lichtenstein
La principale préoccupation de l’Islande est le Brexit : l’Islande a trois voies possibles, non exclusives l’une de l’autre : négociation d’un accord bilatéral avec le Royaume-Uni, négociation d’un accord entre l’Aele (Islande, Lichtenstein, Norvège et Suisse) et le Royaume-Uni, participation aux négociations conduites par l’UE. Ce sujet a été largement abordé lors d’une réunion de l’AELE, dont l’Islande assure actuellement la présidence, le 21 novembre à Genève. D’autres réunions sur ce sujet devraient avoir lieu en décembre, alors que la Norvège aurait déjà engagé des négociations avec le Royaume Uni (voir http://www.reuters.com/article/us-b…).
Saisie par deux des principaux fonds détenteurs de « Glacier Funds », l’Autorité de Surveillance de l’AELE a jugé le 23 novembre que l’Islande était en droit de prendre toutes mesures nécessaires au maintien de son équilibre économique et a donc approuvé les modalités décidées par la Banque Centrale pour vendre (voir chronique de mai 2016) aux enchères, préalablement à la levée totale du contrôle des changes, les « Glaciers Funds » qu’elle détient (voir https://www.mfa.is/news-and-publica…) encore ou les bloquer dans un fond spécial.
Et il y a cet étonnant litige avec la chaîne britannique de magasins Iceland Food, qui reproche à l’Islande d’utiliser la marque « Iceland » pour promouvoir le tourisme (voir https://www.mfa.is/news-and-publica…), en particulier l’excellente campagne « Inspired by Iceland » (je recommande les vidéos proposées sur http://inspired.visiticeland.com/ac…) ! Le Ministère des Affaires Etrangères a donc décidé de saisir l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle afin de contester l’exclusivité accordée à Iceland Foods.
Actualité culturelle
  • Malgré la réputation internationale qu’elle a su acquérir, la musique islandaise ne représente que 5% des achats des Islandais sur Spotify. Un frémissement toutefois : il y a eu cet été deux disques de rap islandais dans le top 50,
  • Arnar Már Arngrímsson a obtenu le Prix du Conseil Nordique dans la catégorie « Livres pour enfants » avec « Sölvasaga unglings » (saga de Sölvi l’adolescent).
Et pendant ce temps la vie continue…
08/11 : le temps moyen de trajet des habitants de la capitale pour se rendre au travail a augmenté de 10.30 minutes en 2007 à 14 minutes aujourd’hui,
09/11 : c’est peut-être parce qu’ils ne veulent pas augmenter ce temps de trajet que 59% des habitants de Reykjavík souhaitent garder l’aéroport domestique dans le centre ville, alors que 27% seulement voudraient une autre solution,
21/11 : pour cause de barbarie dans sa fabrication, aucun restaurant islandais ne proposera de foie gras,

Le sapin de Reykjavík à Þórshöfn
29/11 : la Ville de Reykjavík envoie un sapin de Noël à Nuuk (Groenland) et Þórshöfn (Féroé) : question : d’où viennent-ils ? Comme chaque année, Reykjavík recevra un sapin d’Oslo,
29/11 : sur les 1901 automobilistes pris pour excès de vitesse dans le sud pendant les 10 derniers mois il y avait 659 Islandais et 1242 étrangers. Mais seuls 45% de ces derniers paient leur amende,
30/11 : il y a eu en un an 634 vols sanitaires depuis Akureyri, dont 400 vers l’hôpital de Reykjavík,
30/11 : Iceland Airwaves 2017 aura lieu aussi à Akureyri…

Rencontre avec Birgitta Jónsdóttir à Paris

Rencontre animée par Martin Untersinger du journal Le Monde

Samedi 17 septembre de 15 à 16 h à l’auditorium du Monde

 80 Boulevard Auguste-Blanqui – 75013 Paris M° 6 Stations Corvisart ou Glacière

M° 5, 6 et 7 Station Place d’Italie Bus 21, arrêt Glacière Parking : Place d’Italie

 

Birgitta Jónsdóttir, la « poéticienne », est une femme politique et militante pour la liberté de la presse islandaise. Elle est membre de l’Alþing depuis avril 2009, représentant à l’origine le parti politique Mouvement des citoyens, un mouvement visant la réforme démocratique au-delà des partis politiques de gauche et de droite, puis le parti Le Mouvement et représentant actuellement le Parti pirate islandais qu’elle a fondé en 2012.

Elle est pressentie pour devenir la prochaine première ministre de l’Islande, et veut en finir avec la politique du court-terme.

 

Actualités islandaises – Juillet-Août 2016 (par Michel Sallé)

A quand les élections ? Telle a été la question de l’été, à laquelle la réponse n’a été apportée que très tardivement et du bout des lèvres par le gouvernement : ce sera le 29 octobre… Que les responsables des partis au pouvoir, notamment le Parti du Progrès, aient à ce point hésité à respecter un engagement pris lors des manifestations consécutives à la présence du Premier Ministre d’alors, Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, sur les « Panama Papers », illustre leur désarroi. Mais cette hésitation s’explique : avec l’apparition et le succès de nouveaux partis et peut-être la disparition de l’un d’eux ces élections vont très probablement générer une recomposition sans précédent du paysage politique au détriment de leur parti.
Et tout ceci se passe pendant que l’île continue d’enregistrer des résultats économiques si positifs (4.5% de progression du PNB) que certains s’inquiètent d’une surchauffe comparable à celle de 2007. Les touristes n’en ont cure dont le nombre augmente de manière exponentielle ; d’autres ou les mêmes, s’en inquiètent aussi, mais l’actuel gouvernement, comme son prédécesseur de 2007, semble incapable de résister à une manne financière d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la fragilité.
Élections et recomposition du paysage politique
Même si plus de partis présentent des candidats aux élections, la vie politique islandaise a toujours reposé sur quatre partis : les deux anciens, généralement classés à droite (je reprends ici cette qualification, généralement utilisée par les commentateurs islandais, mais qui n’a qu’une signification très relative tant la personnalité des dirigeants est importante), Parti du Progrès (fondé en 1916 comme parti agrarien) et le Parti de l’Indépendance (fondé en 1929 et toujours en position dominante ), et deux partis de gauche dont la ligne de partage a fluctué au gré d’ambitions personnelles et, plus récemment, selon deux thèmes : l’adhésion à l’UE et l’écologie. Souvent est paru à l’Alþingi un cinquième parti mais sa présence n’a duré que le temps d’une législature et n’a pas empêché la constitution d’un gouvernement reposant sur l’alliance de deux partis, majoritaires à eux deux. C’est le cas en 2009 avec le Mouvement des Citoyens (4 élus dont Birgitta Jónsdóttir qui y paraîtra vite mal à l’aise), et peut-être en 2013 avec Avenir Radieux, dont le pronostic vital est engagé.
Mais voici que les Pirates, dont personne n’attendait en 2013 qu’ils franchissent la barre qualificative de 5%, obtiennent avec 5.1% des suffrages 3 sièges puis s’installent autour de 15% des intentions de vote par leur excellent travail à l’Alþingi, avant de bondir à près de 40% grâce au refus du gouvernement d’organiser un référendum sur la négociation d’adhésion à l’UE, puis de refluer au dessous de 25%.

Benedikt
Par ailleurs le publiciste Benedikt Jóhannesson (directeur de Iceland Review) a créé en avril 2014 « Redressement » (traduction approximative pour « Viðreisn » ; voir chronique d’avril 2014). Benedikt est un membre influent du Parti de l’Indépendance (et cousin germain de Bjarni Benediktsson, donc membre de la famille « Viðeyjarættin », considérée comme la plus puissante de l’île) ; son parti s’affiche au départ comme une dissidence pro UE du Parti de l’Indépendance puis est mis en sommeil en attendant la proximité d’élections.
Dernier facteur influent : l’Alliance Social-démocrate au pouvoir de 2009 à 2013 ne s’est pas relevée de sa déconfiture à l’élection de 2013 (de 29.8% des suffrages à 12.9% !) ; le changement récent de président (voir chronique de juin 2016) va-t-il la sauver de la disparition ? Son ancienne alliée Gauche-Verte est en meilleure position grâce à la notoriété de Katrín Jakobsdóttir, et pourrait profiter des difficultés de l’Alliance et peut-être même de celles des Pirates.
C’est donc un paysage nouveau qui est en cours de composition. Malgré l’instabilité de la situation, on peut distinguer quelques tendances significatives :
  • Selon toute vraisemblance les deux « vieux » partis vont subir un échec : Le Parti du Progrès paraît durablement affaibli. Usure du pouvoir, maladresses de son président avant même qu’il n’apparaisse sur les Panama Papers, maladresses depuis en voulant à tout prix se maintenir à la tête du parti… Sigurður Ingi Jóhannsson, nouveau Premier Ministre, a su de l’avis de tous, remettre le gouvernement au travail. Ira-t-il jusqu’à faire partir celui dont il était le meilleur soutien ? C’est évidemment la condition pour que son parti limite les pertes. Avant même la réapparition de « Redressement » le Parti de l’Indépendance ne parvenait pas à rester à son niveau de 2013. Il va se présenter affaibli au scrutin à venir.
  • Mais il est possible que l’on retrouve l’un d’eux dans la future coalition. Sauf grande surprise, toujours possible le tableau ci-dessous montre que celle-ci devra associer au moins trois partis. Le choix est théoriquement large puisque treize partis présentent des listes. Mais en fait, outre les deux partis cités plus haut, le choix se limite ( ?) aux « Pirates », à « Redressement » , à la Gauche Verte et à l’Alliance Social-démocrate. Il est peu probable que « Avenir Radieux » survive à ses crises alors qu’il a aujourd’hui 6 députés :
  1. les « Pirates » ont des postures peu solubles dans la vie politique islandaise ordinaire – c’est même leur raison d’être – ; Birgitta renoncera-t-elle à son idée de législature courte ? De plus, curieusement, Helgi Hrafn Gunnarsson, le véritable artisan de leur succès, ne se représentera pas pour, officiellement, se consacrer à la consolidation du mouvement !
  2. « Redressement » bénéficie de l’arrivée de personnalités transfuges du Parti de l’Indépendance, ou proches de ce dernier dans le passé, qui lui donnent une couleur pro-UE, et une autre très libérale peu compatible avec les projets des autres partis,
  3. L’Alliance Social-démocrate joue sa survie, et sera donc un négociateur opiniâtre,
  4. La Gauche Verte se montre prête à diriger une future alliance, mais avec qui ?
Les derniers sondages (Gallup) sont les suivants,
mais il faut insister plus que de coutume sur leur fébrilité (ainsi le 27 août, MMR n’attribue que 12.4% à la Gauche Verte mais 10.6% au Parti du Progrès). De plus les précédentes élections ont montré que les électeurs valorisent volontiers la nouveauté entre deux scrutins mais préfèrent les « valeurs sures » le moment venu.
Il y aura donc, discrets ou en pleine lumière, d’intenses marchandages. Les Pirates ont mis au cœur de leurs exigences la réforme constitutionnelle (voir chronique de juillet-août 2011) dans la suite des travaux de la Commission Constitutionnelle et l’organisation du référendum sur la poursuite des négociations d’adhésion à l’UE, sujets très importants pour l’avenir mais qui ne sont plus au cœur des préoccupations des électeurs. Ne risque-t-on pas à nouveau de les décevoir ?
La situation économique
Dans un communiqué du 24 août la Banque Centrale annonce sa décision de baisser son taux directeur de 5.75 à 5.25%. Elle l’explique par des prévisions encore meilleures que prévu (Moodys porte sa note de Baa2 à A3), notamment une progression du PNB de 4.9% pour 2016. Pourtant l’annonce surprend à un moment où l’augmentation du pouvoir d’achat (10% en un an) peut générer des effets inflationnistes. La banque constate que celles-ci sont très faibles grâce à l’excellente tenue de la couronne :
Cette dernière handicape nécessairement les exportateurs de biens, comme en témoignent les résultats du premier semestre 2016 :
La chute des exportations de produits industriels est essentiellement due à celle des cours de l’aluminium, alors que les produits de la pêche ont surtout diminué en volume. Aux importations, la baisse des cours du pétrole permet d’équilibrer une forte demande de biens d’investissement et de moyens de transport, conséquence du développement du tourisme. Comme pour les deux années, ce déficit sera largement compensé par l’excédent de la balance des services.

Bjarni
Mais en diminuant son taux de base la Banque Centrale veut aussi endiguer la spéculation sur la couronne qui a laissé de très mauvais souvenirs en 2008. Ainsi les opérateurs étrangers ont acheté en 2015 des bons d’Etat pour 50 milliards d’Ikr (400 millions d’€) ; c’est la crainte de cette rechute qui va conduire Bjarni Benediktsson, Ministre des Finances, à admettre dans une interview pour Bloomberg (voir http://www.bloomberg.com/news/artic…) que la monnaie islandaise ne pourra plus flotter aussi librement qu’avant la crise de 2008. Ce qui signifie que le démantèlement du contrôle des changes tant attendu et entamé depuis quelques mois ne pourra être total. Voici qui pourrait relancer les réflexions sur l’avenir de la couronne !
Actualité sociale
Désindexation des prêts immobiliers ?
Aux confins du social et de l’économique, mais en fait très politique, il y a le projet promu par Sigmundur Davíð Gunnlaugsson, ancien Premier Ministre, de supprimer l’indexation des prêts immobiliers. Il s’agit pour lui d’un projet emblématique au même titre que la « correction des dettes immobilières » (« skuldaniðurfelling » ; voir chronique de novembre 2013). Peut-être compte-t-il sur sa mise en œuvre pour redresser son image dans l’opinion ?
Jusqu’à la fin des années 80 du siècle dernier l’inflation faisait partie du quotidien des ménages islandais, dont l’indexation des prix et des salaires était à la fois cause et conséquence. Aujourd’hui encore l’indexation du capital restant à rembourser pour les prêts immobiliers est une pratique courante ; en période de stabilité des prix elle peut en certains cas donner l’impression décourageante que le capital à rembourser augmente malgré les remboursements. La désindexation voulue par Sigmundur Davíð suscite cependant des oppositions, et c’est une réforme très modeste qui en son absence va être soumise à l’Alþingi. Elle limite la durée des emprunts à 25 ans au lieu de 40 antérieurement, et surtout, par diverses exonérations fiscales, allège le financement du premier achat immobilier.
L’aménagement du territoire et migrations internes
S’il est un sujet essentiel pour l’avenir socio-économique de l’île c’est celui de son aménagement démographique, sujet que l’on ne rencontre guère dans les projets politiques !
Le très intéressant rapport « Stöðugreining Byggðastofnunar » (« Byggðastofnun » Institut de Développement Régional ; voir http://www.byggdastofnun.is/en/home) et très bien documenté (115 pages de tableaux et de préconisations) montre l’ampleur du problème, car les disparités portent aussi sur les âges, la répartition hommes/femmes (104 femmes pour 100 hommes à Reykjavík, 90 dans l’ « Austurland ») l’éducation…

mouvements de population entre 2006 et 2016 sur cette même période la population totale augmente de 11%
Diplomatie
Madame Berglind Àsgeirsdóttir dont nous avons tous apprécié l’ambassade en France nous a quittés pour Moscou ! Et aussi Nina Björk Jónsdóttir ! Elles sont respectivement remplacées par Kristján Andri Stefánsson et Jónas Haraldsson.
Culture
La Nuit de la Culture (voir http://culturenight.is/about) est cette nuit d’août (cette année le 20 août) où la Ville de Reykjavík fête son anniversaire : une centaine de milliers de personnes circulent à travers les rues pour visiter les ateliers d’artistes ou autres manifestations artistiques qui leur sont proposés. La veille a eu lieu le Marathon de Reykjavík.
A Grímsey, donc très loin de Reykjavík, un concours a été organisé pour l’œuvre symbolisant le mieux cette île, qui recèle la seule portion arctique de l’Islande. Fabriqué à Akureyri le globe de 8 tonnes a pu être transporté jusqu’à l’île, mais il est vite apparu qu’on ne pourrait lui faire parcourir les quelques hectomètres séparant le port du Cercle Polaire sans endommager gravement le passage ; le globe restera donc non loin du port. N’est ce pas ce que voulaient les auteurs de l’œuvre ; déplacer le Cercle Polaire ?
Et si des lecteurs de cette chronique souhaitent améliorer leur connaissance de l’islandais, je ne puis que conseiller la lecture de « Parlons islandais » (l’Harmattan) dont Solveig Bjarnason propose une deuxième édition.
Car pendant ce temps la vie continue…
15/07 – afin que cessent les fréquentes détériorations de ses conduites d’eau froide, Birgir, paysan à Ríp (Skagafjörður), a du passer un accord avec les elfes vivant sur ses terres,

prisonniers à l’entraînement
19/08 – parmi les milliers de concurrents au Marathon de Reykjavík Guðni, le nouveau Président (1h 24’ 32’’ au demi-marathon) et des pensionnaires de la prison Kvíabryggja (connue pour recevoir les « banquiers félons »),
27/08 – on a trouvé un rocket de bazooka à proximité de la N1, apparemment abandonné par l’armée britannique ; premier effet du tourisme ?
29/08 – la terre tremble sous le Mýrdalsjökull et autour de Katla,
31/08 –Voici l’enveloppe de la lettre qu’a reçue Rebecca, paysanne à Hólar… Heureusement que les postiers islandais lisent l’anglais !!!

 

Birgitta Jónsdóttir à Lyon le 4 mai 2016

Birgitta Jónsdóttir, du Parti Pirate au forum European Lab de Lyon le 4 mai 2016

Birgitta Jónsdóttir est une poète et auteur, membre du parlement islandais représentante du Parti Pirate. Elle entre au parlement en avril 2009, sous les couleurs du Civic Movement qu’elle a co-fondé.
Birgitta a été activiste et porte-parole pour de nombreux groupes comme WikiLeaks, Saving Iceland et Friends of Tibet in Iceland. Elle a également fait partie de nombreux comités gouvernementaux : affaires étrangères, environnement, Union européenne et du comité parlementaire en charge du rapport spécial à propos de la crise financière en Islande.
Le Civic Movement cherche à provoquer une réforme démocratique en Islande via la démocratie directe, la transparence et la responsabilité, elle co-fonde ensuite le parti Pirate en 2012. Elle a milité pour l’Icelandic Modern Media Initiative, loi visant à créer une juridiction pour faire de l’Islande un refuge pour la liberté de la presse et de l’information. Elle est maintenant présidente de l’International Modern Media Institute.
Birgitta a été activiste et porte-parole pour de nombreux groupes comme WikiLeaks, Saving Iceland et Friends of Tibet in Iceland. Elle a également fait partie de nombreux comités gouvernementaux : affaires étrangères, environnement, Union européenne et du comité parlementaire en charge du rapport spécial à propos de la crise financière en Islande.
« L’Islande va devenir l’inverse d’un paradis fiscal ; en offrant aux journalistes et aux éditeurs une des protections les plus importantes au monde en faveur de la liberté d’expression et du journalisme d’investigation. L’objectif du paradis fiscal est de rendre tout opaque. Notre objectif consiste à tout rendre transparent. »

Birgitta Jónsdóttir interviendra sur la conférence :
La société civile au secours de la politique et de l’Europe
Mercredi 04 mai 2016 – 17:00 – 18:30
European Lab forum – Musée des Confluence – Lyon
Plus d’informations :
www.europeanlab.com