Islande 2013 - Traversée Sud Nord

Vous revenez tout juste d'Islande, vous n'avez pas encore défait vos valises que vous voulez nous montrer vos photos et nous faire partager votre enthousiasme ... Faites-nous rêver ...

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fredlafouine
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Islande 2013 - Traversée Sud Nord

Message par fredlafouine » 29 juil. 2013, 19:52

Nourriture

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5000 gr, soit 10 jours d'autonomie. En gros 2250 Cal / jour à raison de 450 gr / jour les 5 premiers jours (ce qui est peu), puis 2750 Cal / jour à raison de 550 gr / jour les 5 jours restants.

Avec 2 litres d'eau et une liste de 3 kilos, je pars donc avec 10 kilos sur dos.

Crème déjeuner (mélange farines pré-cuites, poudre d'amande/noisette, sucre, pépites de chocolat noir), côte d'Or noir noisettes, crunch, cacahuètes, amandes fumées, noix de cajou, noisettes, saucisson, chorizo, snickers, nuts, balisto, nouilles asiatiques, purée bolino, et 360 gr de beurre clarifié (36 gr par jour).
J'ai la possibilité d'effectuer une dépose à Hrauneyjir Guest House à mi-parcours, mais finalement je décide de tout embarquer pour ne pas dévier ma route mais surtout pour le plaisir d'évoluer en toute liberté pendant 10 jours sans point de passage obligatoire.

Depuis quelques mois je fais beaucoup moins de sport, je pars donc avec un sur-plus de 3-4 kg de pure graisse.
J'ai également un petit appétit en ce moment (et ça va être la même chose tout au long de ma balade, je vais manger au maximum de mes possibilités). Je commence à connaître mon corps. Je ne conseille à personne de partir avec si peu de nourriture. Habituellement, je tourne plutôt à 3000 Cal/jour.

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Je vais finalement perdre 4600 gr en 9 jours. Si je n'étais pas parti avec un sur-plus de masse graisseuse et si j'avais dû continuer à marcher encore plusieurs jours, ce manque d'apport calorique serait très vite devenir un gros problème. Je suis parti en connaissance de cause. Je tablais sur une perte de 6 kilos en 10 jours.
A mon retour, j'ai passé 3 jours à Reykjazvik où je nageais 5-6 km à la piscine tous les matins en ingurgitant 4-5 repas très gras par jour. J'ai repris 1 kilo par jour jusqu'à stabiliser naturellement à mon poids de forme.

Encore une fois, je déconseille à quiconque de partir avec si peu de nourriture sans expérience.
Tabler plutôt sur 3000 Cal/jour.

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Préparation

Seulement 2 semaines de congés, donc impossible d'envisager une traversée est-ouest.
J'ai tout-de-même envie d'effectuer une traversée, autre que la classique Myvatn-Skogar (partiellement parcourue l'année dernière). Tout d'abord, je veux davantage de hors sentier. Très envie d'aller voir de près Sveinsgil (la montagne bleue) ainsi que le massif de Kerlyngarfjoll.
Les possibilités de traversée en 10 jours sans marche sur glacier sont assez limitées, et avec ces 2 points de passage le tracé a naturellement pris peu à peu forme. J'ai décidé de partir du Sud, ce qui me laisse la possibilité de sortir à Hveravellir si jamais je suis trop short. Je pense rallier Hveravellir en 8 jours, ce qui me laisse encore 3 jours pour rallier la côte Nord. Va pas falloir traîner.

Voici l'itinéraire a peu près suivi.
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En rouge le tracé 2012
En bleu le tracé 2013


Récit

Avant-propos : je suis parti avec un appareil-photo en fin de vie qui va me lâcher J6, les photos sont de très mauvaise qualité, on dirait des photos scannées des années 70. Ça donne un petit côté old school. ;)


Jour 1 : Laufskalavarda - Storagil

Je descends du bus à 14h30 sous une petite averse, à l'attaque. :)
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Je vais quasiment avoir ce temps mitigé durant toute la traversée : 50 petites averses par jour. Pas le temps de tremper les vêtements, par contre je vais passer mon temps à enlever/remettre mes protections de pluie.

Devant moi l'imposant glacier Myrdalsjokull.
Aujourd'hui peu de hors sentier, donc pas besoin de réfléchir. Juste apprécier les paysages et commencer à se mettre dans l'ambiance.
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Rjupnafell.
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Pont au-dessus de la Leira.
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Bivouac près de Storagil, qui surplombe la vallée de Laekir où coule la Holmsa.
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Jolie vue non? :)
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Première nuit sans nuit, fatigue aidant je n'éprouve aucun problème pour m'endormir.

Jour 2 : Storagil - Strutslaug

Je commence la journée par remonter plein Nord le long de la Holmsa jusque Holmsarfoss.
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Puis bifurcation Nord-Ouest pour monter le col qui mène au plateau [s]glacière[/s] glaciaire du Maelifellsandur.

Cascade en montant au plateau.
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Et le fameux plateau.
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Je longe l'Oldufell et la rivière Blafjallakvisl.
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Puis le célèbre Maelifell apparait, montagne à la forme quasi-parfaite.
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Le vent se lève, et un nuage de sable me rattrape.
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Quelques secondes après la photo elle est déjà sur moi. Sans lunettes de natation et buff sur le visage la progression serait extrêmement pénible. Jusqu'au soir je vais sentir de petits grains de sables grincer entre mes dents.

Face au Maelifell.
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Puis plein Nord dans la vallée du mont Strutur.
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Qui mène au refuge non gardé du même nom.
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Mais pour moi pas question de m'arrêter ici, à quelques kilomètres se trouve une source chaude et j'ai bien l'intention de m'y détendre ce soir. :)

Je monte donc au plateau marécageux de Holmsarbotnar, situé au Nord des 3 lacs Holmsarlon.
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Belle surprise à l'arrivée, un arc-en-ciel.
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J?aperçois des fumerolles au nord du plateau, les sources chaudes de Struslaug.
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Du gazon comme je n'en avais encore jamais vu en Islande.
Je monte l'abri sous la pluie, prépare mon couchage, et cours à poil plonger dans la source chaude me détendre 1 petite heure. :)
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Toujours aussi agréable de m'endormir sous un abri ouvert à profiter du spectacle.
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Demain est un jour que j'attends depuis un an avec impatience. Demain, Sveinsgil.


Jour 3 : Strutslaug - Hrafntinnusker

Aujourd'hui on rentre dans le coeur du Landmannalaugar, beaucoup d'orientation.
Il faut commencer par contourner le glacier Torfajokull en sens anti-horaire, en remontant plein Nord la Sidriofaera.

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Erreur de ma part, je tourne plein Ouest trop tôt le long de la Muggudalir, alors qu'il faut tourner à gauche à la vallée suivante. Rien de grave, mais passage un peu plus "musclé" que prévu..
Ça commence à ressembler à de la montagne. :)
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Arrivé au col regard vers l'Est, j'aurai dû arriver par là.
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Je continue donc plein Ouest pour basculer côté Jokulgilskvisl.
Un peu déboussolé, le terrain est beaucoup plus complexe à déchiffrer que prévu.
J'avance doucement sur de forts dévers, avançant au feeling.
On finit par perdre en altitude, dernier regard sur le col derrière moi.
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En bas les rivières sont encore prises dans la glace. En arrière plan le glacier qui se retrouve maintenant à mon Sud.
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Et enfin la porte d'entrée du Landmannalaugar.
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Pas facile de s'orienter, par où passer?
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Le hors sentier est un peu déroutant au début... Mais c'est super agréable, sensation de liberté garantie. Il faut sans cesse lire le terrain. Je suis totalement concentré et envoûté par les paysages, et me projette littéralement sur les prochaines pentes : je m'imagine passer là, descendre ce névé en ramasse, passer de l'autre côté, ah non là je serai bloqué, hop on change de plan : par là peut-être? Je marche au maximum sur les crêtes, et aperçois enfin une tâche bleue droit devant. Héhé, on arrive on arrive. :)

Une descente à flan entre sable volcanique noir et névé, en se laissant plus ou moins glisser, c'est impressionnant mais on prend vite le pli. Une pente plus abrupte qu'une autre, je fais un saut qui fait bien 2 mètres de haut pour passer une paroi de roche verticale et atterris dans du sable très pentu, sensation garantie.
Traverser la rivière, remonter sur la crête opposée.
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Au Sud, ma porte de sortie.
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Au Nord, Sveinsgil, enfin. Je ne m'approche pas d'avantage, et observe cet endroit magique plusieurs minutes. Pas question d'aller souiller ce formidable site de mes empreintes.
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Puis je fais route plein Sud sur la crête pour quitter la zone.
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Quand je pense que je vais marcher là en-bas dans la flotte d'en moins d'une heure...
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Je trouve facilement la crête qui me permet d'accéder au lit de la rivière. Il ne faut pas hésiter à marcher longtemps sur les hauteurs, jusqu'à dépasser ces gorges noires.
(photo tirée du blog de Bigfoot)
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Il faut prendre la crête suivante, ça descend tout seul.
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Vue en arrière arrivé en bas, les gorges noires à éviter finissent par une cascade.
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Je passe mes chaussons thermiques, range sur le haut de mon sac mes poches de ceinture ventrale contenant mon matériel électronique, c'est parti pour 1 heure de marche plein ouest dans le lit de la Jokulgilskvisl. Finalement ça passe tout seul, j'ai déjà passé quelques rivières et je suis plutôt à l'aise. Je traverse donc rive gauche sous Hattur, mais tombe sur une paroi verticale d'orgue basaltique qui m'oblige à retraverser à nouveau la rivière pour progresser, et encore une dernière fois pour me mettre au sec sur le massif situé entre les 2 rivières qui donnent naissance à la Jokulgilskvisl : la Kaldaklof et la Litla-Hamragil.
J'ai prévu de remonter jusque la zone géothermique de Hrafntinnusker en remontant la Litla-Hamragil, mais finalement maintenant que j'y suis, je suis tenté de tirer droit dans le lard. Je commence donc à crapahuter sur la veine principale du volcan.

Vue en arrière, je viens du glacier au fond de l'image. On voit très bien les 2 petites rivières fusionner en une seule plus imposante.
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Devant moi, comment dire... C'est le bordel. :)
Et le temps tourne au mauvais. Le vent se lève, je monte vers les nuages noirs.
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Je poursuis ma route sur la crête sans encombre. Je prends de la hauteur, commence à avoir un peu de gaz sur certains passages mais vraiment rien de difficile. Suffit de continuer tout droit, la crête est large et en sable plus ou moins dur donc la progression est aisée.
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Je déboule en plein sur une zone géothermique (il y en a une bonne dizaine côté Est du volcan).
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L'horizon est encore dégagé, comme prévu je pars donc effectuer le tour dans le sens horaire du volcan, sautillant d'une zone géothermique à une autre.
Sur la droite de cette image, à l'ouest, on devine le mauvais temps qui arrive.
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30 minutes plus tard je décide de bifurquer Nord-Ouest sur les pentes du volcan pour rejoindre le refuge Hrafntinnusker. 1 heure avant mon départ de France j'ai fait un petit check-point météo avec un membre du forum (moniteur de voile aux Glénans) : "fais gaffe samedi-dimanche ça va peut-être tourner mauvais. Si tu peux faire un point météo samedi ça serait cool". Très bien! On est samedi, le temps tourne clairement au vinaigre, et je suis à 2 heures de marche d'un refuge.
Les pentes du volcan sont très enneigées, le vent souffle de plus en plus fort et bien sûr la pluie est au rendez-vous. Brrrr
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2 km avant le refuge je tombe sur le laugavegur, sentier de randonnée pratiqué par 99% des randonneurs en Islande. Un bâton jaune tous les 20 m, des centaines de trace de pas... Après toute cette journée seul au monde, c'est un poil déprimant.
Arrivé au refuge, le jeune gardien commence par me demander si j'ai réservé. Wow p'tain, c'est à ce point là? On discute un peu, il me dit que depuis quelques années tous les refuges sur le Laugavegur se tapent +50% d'affluence tous les ans. Ça tourne au business touristique de masse, je le sens un poil fataliste le bonhomme. Quoi qu'il en soit, interdiction de planter une tente en dehors du refuge cette nuit. Il est 20h00, le refuge est gavé de monde, je me sens... Fébrile. Tiraillé entre l'envie de repartir dehors planter mon abri un peu plus loin et l'envie de rester là au chaud, surtout que le courant passe bien entre lui, moi, et un Hawaien (un Hawaien!) qui s'est invité dans la discussion en arrivant avec 3 bières à la main. L'Hawaien me [s]convint[/s] convainc de rester, et finalement je passe un bon début de soirée en sa compagnie (le gars est super frais) + 2 nanas suisses.
Quelle journée de folie! Ça a passé tellement vite... :)

Jour 4 : Hrafntinnusker - Pont de la Pjorsa
7h00, ça commence à bouger dans le refuge. Nuit de merde : trop de bruit, trop de monde, trop chaud, trop sec. 7h15 ok ok j'emmerge, 20 personnes s'affolent autour de moi. Je reste allongé, prends mon petit dèj. Ils déballent toutes leurs affaires, rangent leurs tenue de nuit, essayent de mettre la main sur leur habit du jour, reste encore à organiser le petit déjeuner (total en stress compter une bonne demi-heure), refaire tout le sac (avec tout ce bordel compter encore une bonne demi-heure). Pourtant je les ai écouté papoté hier soir entre eux. Beaucoup connaissent randonner-leger.org, et vas-y que "moi j'ai tout acheté chez Arklight hein! Ca coûte une fortune de s'équiper léger". C'est impressionnant, presque tous les français présents (1 randonneur sur 2 sur le laugavegur est français) connaissent RL, ils ont tous la dernière tente mega-ultra-light à 350?, et pourtant il leur faut 1 bonne heure pour décoller le matin et empacter leurs 8-10 kilos de bordel. L'étape n°1 (épurer son matos) est totalement squizzée par 100% des gens que j'ai rencontré dans ce refuge, je m'en rendrai encore plus compte au camping de Reykjavik à la fin de ma balade.

Bref, 7h30. Réveillé depuis 15 minutes. Ça piaille dans tous les sens. J'ai bouffé comme un goret, je me lève, range mes affaires vite-fait et me casse au plus vite. Autant hier soir ça allait, autant ce matin je me sens en complet déphasage et pas du tout à ma place (sauf avec l'Hawaien, vraiment à la fraîche ce mec... Il a tout-de-suite compris le déphasage, en rigole avec moi et nous nous souhaitons simplement bonne route "Aloha small dude").

La tempête n'a pas eu lieu. Toute la nuit un bon vent et beaucoup de pluie, mais rien de plus. Je quitte le refuge dans le brouillard, les rayons du soleil percent à travers les nuages et pendant la premières heure de marche sur les pentes du volcan je sors pour la première (et dernière) fois mes lunettes de soleil. Noir et blanc.
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Je quitte le nuage, enfin un peu de visibilité. J'ai même droit à un peu de ciel bleu!
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Et je tombe sur les zones géothermiques de l'ouest du volcan, à la limite des derniers névés. Splendide.
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Cette cheminée fait dans les 10 mètres de diamètre, le terrain est instable et je n'ose m'approcher plus près.
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Dernier gros névé de la journée, il faut faire un peu attention il y a de belles crevasses et l'épaisseur de neige est importante (beaucoup de névés finissent par une paroi verticale de 3-4 mètres).
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Je quitte la zone, derrière moi le volcan encore pris dans la couche nuageuse.
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Puis je passe quelques rivières.
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Finalement encore pas mal de neige par ici.
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Même une pente suffisamment pentue sur le bas pour descendre en ramasse.
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Je déboule sur les flancs Est d'un massif, tombe sur un beau ruisseau (Dalakvisl) et décide de le suivre jusque débouler dans la vallée.
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Je traverse le ruisseau, et d'un coup ça fait tilt. Merde, depuis mon départ pas une seule fois je n'ai posé mon cul 2 secondes! Il fait bon, pas de vent, pas de pluie. Je m'étale au sol, engloutis 1 snickers et 2 balistos. Je ferme les yeux quelques minutes.
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Depuis le départ je m'applique à marcher plus doucement que d'habitude, et je m'arrête tôt le soir (vers 19h30). Je ne suis pas du tout fatigué, c'est même l'inverse.

Je repars aussi sec, le ruisseau devient vite une rivière.
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Et puis c'est le plat, jusque tomber sur l'autoroute d'accès au parc national Fjallabak (F225 je crois).
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C'est parti pour environ 2 heures de marche le long de la piste, que je quitte au plus vite en suivant d'énormes cairns avec un petit sentier marqué d'empreintes de chevaux, certainement l'ancienne piste historique. Au loin, Valafell.
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Je finis par quitter le sentier pour couper à travers le massif Valafell (au sud de l'Afangagil).
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Derrière moi, les crêtes.
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Arrivé au bord du massif, devant une belle falaise à descendre. Je finis par trouver une voie de sortie qui promet une belle glissade, et effectivement : 10 secondes chrono pour arriver en bas. :)
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15 minutes de marche plus tard, je me retourne et on aperçoit mieux le tobbogan emprunté (coulée noire de gauche).
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Le pont de la Pjorsa est en vue, c'est parti pour 2 petites heures de marche à travers le désert.
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Je passe le couloir d'évacuation du barrage à 50 mètres de la route bitumée.
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Et m'arrête à l'entrée d'un tunnel qui a certainement servi lors de la construction du pont.
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Jour 5 : Pont de la Pjorsa - Floamanna og Skeidamannaafrettur

La journée commence par une petite heure de piste après avoir traversé la Pjorsa sur un pont bitumé. Je ne m'attendais pas du tout à ce type de terrain : du vrai champs à moutons comme on peut en trouver sur la côte, très vert.
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Je quitte le sentier droit dans la verte. Au début ça va, puis au bout d'une petite heure la progression devient de plus en plus difficile. Je suis obligé de regarder en continu le sol 1 mètre devant moi pour sautiller de champignons de mousse en champignons de mousse. On est loin du beau sentier, ici pour avancer à un rythme raisonnable il faut rester concentré, le nez baissé.
Sur le coup je peste, pas moyen d'enquiller les bornes. "terrain de merde, plus jamais ça!"... Si je savais ce qui m'attends dans quelques jours...
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Quelques rivières qui cassent le rythme de progression, le temps de déguster un balisto, de m'hydrater avant de ré-enquiller, et de rafraîchir mes pieds qui chauffent sévèrement dans ces chaussures certes basses mais beaucoup plus rigides que mes baskets habituelles.
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Avec ce terrain plein de bosses, je ressens le besoin de libérer mes chevilles pour marcher comme d'habitude, c'est beaucoup moins fatiguant. Je vire les lacets de mes chaussures. Rha mais c'est beaucoup mieux! Je retrouve un peu de mes sensations habituelles, le pied, la cheville et tout mon corps se placent de façon plus naturelle. Les bons muscles travaillent, j'évolue plus vite, fluide, et sautille de bosses en bosses. :)
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Ça tourne au marécage, je finis par enfiler mes chaussons néoprènes.
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Puis je retrouve du terrain islandais plus classique en abordant la zone sauvage du Floamanna og Skeidamannaafrettur. Le ciel est très sombre.
En quelques minutes je suis dans un nuage de moucherons. En me retournant je comprends pourquoi. Un énorme nuage noir me rattrape à grands pas, et tous les moucherons du secteur le fuient.
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Je tombe sur une petite piste au niveau d'un large gué.
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Et dépasse une petite cabane privée sur l'autre rive.
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Et c'est parti pour plusieurs heures de marche et d'orientation, le décor envoûtant et la luminosité très sombre créent une ambiance particulière de "bout du monde".
Je tire un cap nord-est, droit vers le massif Kerlingarfjoll.
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De plus en plus aride, et le ciel se découvre un peu.
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Un point blanc attire mon regard. Il s'agit d'un objet de la taille d'une grosse boîte d'allumette, relié par une ficelle (qu'on devine sur la droite de la photo) d'une dizaine de mètres de long à une autre boîte du même acabit. Quelqu'un a une idée?
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Quelques petits lacs sans nom sur la carte.
D'ailleurs, il faudrait peut-être les baptiser? Je me demande quelle la procédure... Je pourrais peut-être leur donner mon nom. :D
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Je n'ai pas tiré assez vers l'Est, et tombe sur la Storalaxa, rivière qui devait normalement rester en parallèle à quelques kilomètres de mon itinéraire.
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Il y a une vieille piste le long de la rivière, je l'emprunte pour quelques kilomètres.
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Après toute cette journée hors sentier à m'orienter en continu et choisir ma trace, je m'ennuie un peu à marcher sur cette piste. Pas besoin de réfléchir, juste mettre un pied devant l'autre. Il se met à sérieusement pleuvoir.
Je marche encore un peu pour m'avancer, demain je vais encore devoir suivre cette petite piste pendant quelques temps avant de bifurquer dans le désert.

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Jour 6 : Floamanna og Skeidamannaafrettur - Kerlingarfjoll
Comme convenu,la journée commence par 2 petites heures de marche sur piste. Noire, la piste.
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Arrivé devant le Vestra-Rjupnafell, je quitte la piste pour partir en ligne droite en léchant son flan Est.
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Le sol devient meuble, quand je pose le pied sur une pierre elle s'enfonce de plusieurs centimètres.
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Puis un grand pierrier bien casse-pattes.
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Ensuite c'est simple, il suffit de viser le volcan Klakkur, porte d'entrée du Kerlingarfjoll.
Trop trop hâte de voir de près ce célèbre massif montagneux et ses zones géothermiques.
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Exemple typique de truc qui arrive cinquante fois par jour. On croit être arrivé, oh oui il y a bien cette petite ligne blanche là mais rien de grave, ça doit être un petit névé au bord d'un ruisseau...
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Bin en fait le ruisseau est une rivière, je galère un peu à trouver un passage sur le pont de neige qui est fissuré de partout. Finalement je trouve un beau passage presque plat où les fissures sont toutes petites et faciles à enjamber. Plus bas, la rivière libre.
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Le ciel se lève un peu et me laisse apprécier pleinement l'entrée dans le massif.
Il n'y a pas de sentier à proprement parler, mais des piquets plantés tous les 20 mètres le long d'un joli ruisseau.
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On ne le voit pas sur mes photos, mais le sud du massif présente un mélange de couleurs que je n'avais encore jamais vu : marron foncé, marron or et gris cendre. Sublime.
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Il faut passer un joli canyon, où coule une rivière.
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Et c'est la dernière photo de ma balade. Mon APN va décéder dans 2 heures, mais bien sûr je ne le sais pas encore.

Le tracé me mène maintenant droit dans le massif pris dans les nuages. Je tombe sur un groupe en train de planter les abris, il est 15h30. J'entame la discussion, "pourquoi vous arrêtez-vous si tôt?". Ils sont une dizaine, mais deux d'entre eux n'ont pas de piolet, en plus de ça ils ont déjà marché depuis 8 heures... Ils préfèrent passer demain. Le gars regarde vers les sommets "ça doit pas être funky funky là-haut".

Bin c'est ce qu'on va voir. :)
J'attaque donc la première véritable pente, et entre dans le nuage. Froid, pluie horizontale, vent, brouillard. J'avance de piquets en piquets, mais très vite les névés font plus de 50 mètres de long et avec le brouillard il devient très difficile de s'orienter. Un gars est passé là aujourd'hui, donc après chaque pierrier je passe quelques minutes à retrouver ses traces dans la neige pour traverser le névé suivant. La pente devient de plus en plus importante. La neige est bonne et je suis plutôt à l'aise, franchement pas de problème (s'il faut je peux courir droit dans la pente où monter droit vers le sommet sans hésiter, la neige est bonne et porte très bien). A part 4-5 névés en glace qui m'obligent à revenir en arrière et effectuer de gros contournements, la neige est vraiment bonne et je contrôle parfaitement la situation. Techniquement, c'est plutôt les passages sur caillasse détrempée qui demandent un minimum d'expérience et de "pied sûr".
Le temps tourne à la petite tempête. Je pensais redescendre, mais les piquets continuent à me faire avancer à flanc. Je suis très vite complètement détrempé, le vent siffle et la pluie frappe maintenant très fort. Je suis hyper concentré sur ma progression.
Vous savez, le genre de truc où après coup on aurait tendance à dire "faites ce que je dis pas ce que je fais". :P

Bref. 3 heures. Intenses. Mortel. :)

Pour ceux qui ne connaissent pas, voilà à quoi ressemble Kerlingarfjoll (photos trouvées sur le net).
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Sur cette photo, une bonne idée de névés sur lesquels je suis passé (pente raisonnable, mais gros toboggan impressionnant en contre-bas et zones fissurées ou glacées à contourner).
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Je finis par sortir et file droit vers la source chaude, l'arrivée est absolument magique. Un immense canyon, très impressionnant. Sur le coup je me dis "merde je vais devoir contourner ce truc!" et puis finalement une option se dessine, par là je pourrais bien descendre... 50 mètres d'éboulis plus bas, je tombe en plein sur la source. Il y a un petit bungalow à côté dans lequel je vais passer la nuit. Je me déshabille et plonge dans l'eau chaude, ivre de fatigue. :)


Jour 7 : Kerlingarfjoll - Hveravellir
Le petit désert Kjalrhaun est vraiment sympa, avec le glacier Langjokull en arrière plan, la visi est excellente et laisse imaginer l'immensité de glace.
J'ai l'impression de marcher dans un désert de l'Arizona avec un gros iceberg à côté. Les couleurs tournent au jaune/orange/ocre, le sol est très sec.
Je m'attends à tout moment à voir surgir des indiens au galop. :)
Arrivée tardive à Hveravellir, la source chaude est brûlante de chez brûlante.


Jour 8 et 9: Hveravellir - Hvammstangi
Brouillard, pluie.
Mon plan initial est de passer par les flancs du glacier pour éviter la grosse zone marécageuse située au nord-est. Mais on y voit rien. Pas de piquets à suivre, pas de visibilité, pas de tracking gps... Je passe au plan B.

Contournement de la zone marécageuse en marchant 15 km sur la piste principale Nord, puis nord-ouest jusqu'à la petite piste qui devrait me ramener à la civilisation. Voilà le plan B. Droit dans le lard. J'aime ça.

Depuis 7 jours, pour la première fois de toutes mes randos, je m'oblige à ne pas marcher trop vite. Raisonnable. Pas de blessures.
Tous les feux sont au vert, je pète la forme, plus aucune raison de me retenir. Je marche, vite.

Je vais vivre un condensé de tous les types de terrain qu'on peut croiser en Islande, avec une forte proportion de champs bosselés de mousse et marécageux. Dès que le terrain s'y prête, je marche exclusivement en chaussons néoprènes. Mes pieds sont libres de ces foutues semelles rigides, j'enquille les bornes. Sable, pierre, herbe, marécages, droit dedans. Rien ne peut m'arrêter. J'avance vite, j'accélère encore.

J'ai un souvenir assez flou de ces 2 journées, je n'ai pas bivouaqué. Plusieurs petites siestes dans ma doudoune, enveloppé dans la toile de mon abri. De la pluie quasi-continue, je mange beaucoup, et je marche. Je marche. Libre. Seul au monde. Je ne pense à rien, absolument rien. Paysages infinis, nature absolue.

J9 fin d'après-midi, j'arrive à la piste qui va me ramener à la civilisation. Tout mon corps se détend, je tombe littéralement à genoux et pleure. De joie, de fatigue, de folie. Mon coeur bat très fort. Je crie de toutes mes forces.

J'ai traversé l'Islande. Je viens d'accomplir un rêve. :)

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Message par Souricette » 29 juil. 2013, 21:01

Déjà pour la première photo on se croirait dans un magasin animalier au rayon de la nourriture pour hamsters ;)

Je vais lire la suite, les paysages sont bien évidement fabuleux ! Merci de nous faire partager tout ça.
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domi
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Message par domi » 30 juil. 2013, 09:19

Ouaouh, moi aussi je viens de traverser l'Islande , en passager clandestin !

Sublimes les paysages magnifiés par tes descriptions concises.. Personnellement, je préfère l'absence de soleil..Formidable le dépassement de soi , j'en ai même ressenti l'endorphine !!
Il me faudrait une autre vie pour t'imiter alors, merci pour ce partage ..
Un ch'ti coucou

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Myriaðe
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Message par Myriaðe » 30 juil. 2013, 11:08

Fred, as-tu demandé l'autorisation de publier les photos à leur auteurs ?
Celles qui n'ont pas de copyrigth doivent être crédités.
Myriaðe (Mýgrútur)

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steph
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Message par steph » 30 juil. 2013, 11:08

La dernière photo est magnifique...
Et sinon, combien de personnes croisées (à part sur le Laugavegur...)?

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fredlafouine
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Message par fredlafouine » 03 août 2013, 21:58

Salut Myriaðe :), vire-les sans scrupule si ça pose problème hein, no problemo.

Je pense que les photos avec signature copyright doivent être publiées sans tronquer le copyright. Les photos sans rien du tout sont libres d'être diffusées. Surtout de belles photos comme ça non? Mais encore une fois, vire-les sans scrupule si ça te pose problème.

Merci pour vos messages, et vivement l'été prochain! ;)

boya64
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Message par boya64 » 03 août 2013, 23:24

Chapeau, Monsieur.

J'admire ces fous furieux qui traversent l'Islande seuls ou à 2, en vélo ou à pied(s), avec comme seul compagnon, leur cerveau et leur volonté.

Je comprends (un peu) ton "relâchement" en fin de trip(es), quand le corps et le c?ur, arrivés à bout, abandonnent toute pudeur.

Bravo. Et merci pour le partage.
Le plus beau voyage est le prochain

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fredlafouine
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Message par fredlafouine » 04 août 2013, 21:56

steph a écrit :Et sinon, combien de personnes croisées (à part sur le Laugavegur...)?
J4 croisé une dizaine de véhicules sur la piste, et 4 mecs à vélo.
J7 un mec est sorti du refuge Hveravellir fumer une clope, on s'est salué sans parler.
J8 croisé 4-5 véhicules sur la piste.

Vraiment pas grand monde quoi. :)

Choupette
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Message par Choupette » 11 août 2013, 19:08

Superbe ...
Bravo pour cet exploit.
Si si pour moi c'en est un ! :)
Mâme Choupette du Nord.

Choupette
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Message par Choupette » 11 août 2013, 19:17

5000 gr, soit 10 jours d'autonomie
On en connait des, pour qui c'est 1 journée d'autonomie ...
Non je ne dirai pas qui.
Mâme Choupette du Nord.

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cyclophoto
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Message par cyclophoto » 13 août 2013, 01:14

Tu peux nous donner les dates de début et fin de ton périple ?
A voir les quantités de neige encore présentes tardivement cette année, je pense que c'était début juillet sans doute.
Je suis passé à Strutlaug le 13/07 et il restait encore beaucoup de neige par rapport aux années précédentes mais un peu moins que sur tes photos.
Pour moi c'était un mix vélo-rando encore cette année avec un gros tronçon sans ravitaillement-épicerie de 18 jours mais une dépose par bus d'un carton de nourriture récupéré au bout de 6 jours . Beaucoup plus de Kcal/jour que toi du moins pour les jours pédalés mais le vélo est beaucoup plus énergivore que la marche .... pour le poids c'est moins grave vu que c'est le vélo qui porte!!! :lol:

François
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NicolasM
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Message par NicolasM » 26 oct. 2013, 11:57

Superbes, vraiment superbes photos !!! :D Ca fait vraiment envie ! Merci de les avoir partagées avec nous ! :)
Mon blog sur la Scandinavie : http://iskandinavien.info

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