DeCode Genetics : de quoi allez-vous mourir ?
Posté : 04 mars 2008, 00:11
Que ce soit pour avoir lu "La Cité des Jarres" d'Arnaldur Indridason, ou pour s'être intéressé un jour à l'actualité scientifique islandaise, tout le monde ou presque a entendu parler de DeCode Genetics, cette société basée en Islande, filiale du puissant groupe pharmaceutique suisse Hoffmann-La Roche.
On sait que l'Islande est vite apparue comme un laboratoire idéal pour la recherche génétique et les maladies héréditaires, en raison de la trés forte homogénéité de sa population depuis mille ans et de l'excellente connaissance généalogique de ses habitants.
On sait aussi que la Sté DeCode Genetics a obtenu en 1998 que le gouvernement islandais lui vende l'accès aux données génétiques de toute la population du pays (moyennant 200 millions de dollars et pour douze ans), pour conduire des recherches sur les maladies génétiques héréditaires. Ce contrat insolite a suscité en son temps (et encore aujourd'hui) des débats éthiques passionnés en Islande et dans le monde entier.
Depuis, DeCode Genetics a travaillé avec les plus grands spécialistes mondiaux. Entre temps, d'autres scientifiques sont parvenus à décrypter la totalité du génome humain, ouvrant la porte à des recherches de plus en plus pointues sur la "cartographie" des trois milliards de variations des paires de base pouvant être présentes dans l?ADN humain.
A partir de 2004, DeCode Genetics a commencé à publier des études mettant en relation certaines variations génétiques avec des maladies connues. A partir de la gigantesque base de données ainsi constituée, l'idée est de tirer parti de l'information génétique sur une personne en la comparant à l'ensemble des connaissances et des statistiques issues de la recherche médicale. Autrement dit, de mesurer tout simplement le potentiel de la personne à développer telle ou telle maladie.
Cette (longue) introduction pour vous dire que DeCode Genetics propose désormais sur son site internet un décryptage individuel des principaux caractères du code génétique de tout un chacun. Pour un peu moins de 1000 US$, chacun peut commander en ligne un test simple à faire chez soi et que l'on renvoie par la poste à Reykjavík. Le résultat est fourni sous trois semaines, avec la liste des maladies auxquelles le sujet est particulièrement exposé (parmi lesquelles le diabète, l'infarctus du myocarde, les AVC, certains cancers, l'asthme, le glaucome, la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson ...).
Cette "offre" étonnante (appelée "DeCodeMe" = "décode-moi"), faite au monde entier depuis l'Islande via internet, fait repartir les débats, les espoirs mais aussi les craintes.
Pour un individu, connaître les probabilités de développer un diabète, un cancer du sein ou de la prostate, de faire un infarctus ou d'avoir la maladie d'Alzheimer, peut être fondamental. Les retombées médicales sont vite mises en avant : avoir cette information, c'est pouvoir l'utiliser pour adopter le plus tôt possible des comportements réducteurs de risques, faire plus tôt ou plus souvent des examens de prévention, voire même prendre des traitements préventifs s'il en existe.
Mais parallèlement aux médecins, ce sont les économistes, les sociologues, les anthropologues, les psychologues et les philosophes qui s'interrogent ...
Conséquences économiques majeures, si ces données venaient un jour à être prises en compte par des systèmes d'assurance-santé, des employeurs potentiels, ou des organismes de crédit ...
Conséquences socio-politiques, si ces informations venaient un jour à être utilisées par des Etats ou des régimes tentés par l'eugénisme.
Conséquences infiniment complexes, insondables sans doute, sur le plan psycho-affectif ...
Notre présent se résumant à un spectacle collectif de plus en plus ennuyeux, nous le fuyons dans la projection sur nos avenirs individuels. Après la fin des idéologies, après l'hypothèque de Dieu, voilà l?Occident riche et savant qui renoue avec la Pythie de Delphes et investit son énergie culturelle dans la prévision vitale pour refuser l'injustice génétique fondamentale et la grande loterie de la vie. Quel usage ferons-nous des progrès de la visibilité sur nos futurs ?
Le docteur Kari Stefansson, à la tête de DeCode Genetics, ne serait pas content s'il lisait mon post. Il n'apprécie pas toutes ces interrogations et les critiques sur son entreprise qui affiche des profits financiers excellents.
Son leitmotiv se résume à « l'ignorance est plus dangereuse que la connaissance ! »
Autre débat, anthropologique celui-là : en 2005, DeCode Genetics a annoncé la découverte d'une variation de gène conférant une vulnérabilité aux attaques cardiaques que l'on pourrait qualifier de "racial" : ce signal génétique affecte en effet particulièrement les Noirs, chez qui il augmente de plus de 250 % le risque d'infarctus, contre 16 % seulement lorsqu'il est présent dans la population blanche européenne. On s'achemine vers la démonstration que certains groupes ethniques sont plus souvent touchés par certaines maladies héréditaires. Durant les dernières décennies, les chercheurs n'ont cessé de déclarer et de prouver que le concept de race n'était qu'une construction sociale sans aucun fondement scientifique. Et voilà que la génétique médicale associée à la généalogie multiplie les références aux groupes ethniques ... Faut-il craindre un retour des théories raciales d'un autre temps sous les habits neufs de la science post-moderne ?
L'offre de DeCode Genetics "DeCodeMe"
Chris.
On sait que l'Islande est vite apparue comme un laboratoire idéal pour la recherche génétique et les maladies héréditaires, en raison de la trés forte homogénéité de sa population depuis mille ans et de l'excellente connaissance généalogique de ses habitants.
On sait aussi que la Sté DeCode Genetics a obtenu en 1998 que le gouvernement islandais lui vende l'accès aux données génétiques de toute la population du pays (moyennant 200 millions de dollars et pour douze ans), pour conduire des recherches sur les maladies génétiques héréditaires. Ce contrat insolite a suscité en son temps (et encore aujourd'hui) des débats éthiques passionnés en Islande et dans le monde entier.
Depuis, DeCode Genetics a travaillé avec les plus grands spécialistes mondiaux. Entre temps, d'autres scientifiques sont parvenus à décrypter la totalité du génome humain, ouvrant la porte à des recherches de plus en plus pointues sur la "cartographie" des trois milliards de variations des paires de base pouvant être présentes dans l?ADN humain.
A partir de 2004, DeCode Genetics a commencé à publier des études mettant en relation certaines variations génétiques avec des maladies connues. A partir de la gigantesque base de données ainsi constituée, l'idée est de tirer parti de l'information génétique sur une personne en la comparant à l'ensemble des connaissances et des statistiques issues de la recherche médicale. Autrement dit, de mesurer tout simplement le potentiel de la personne à développer telle ou telle maladie.
Cette (longue) introduction pour vous dire que DeCode Genetics propose désormais sur son site internet un décryptage individuel des principaux caractères du code génétique de tout un chacun. Pour un peu moins de 1000 US$, chacun peut commander en ligne un test simple à faire chez soi et que l'on renvoie par la poste à Reykjavík. Le résultat est fourni sous trois semaines, avec la liste des maladies auxquelles le sujet est particulièrement exposé (parmi lesquelles le diabète, l'infarctus du myocarde, les AVC, certains cancers, l'asthme, le glaucome, la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson ...).
Cette "offre" étonnante (appelée "DeCodeMe" = "décode-moi"), faite au monde entier depuis l'Islande via internet, fait repartir les débats, les espoirs mais aussi les craintes.
Pour un individu, connaître les probabilités de développer un diabète, un cancer du sein ou de la prostate, de faire un infarctus ou d'avoir la maladie d'Alzheimer, peut être fondamental. Les retombées médicales sont vite mises en avant : avoir cette information, c'est pouvoir l'utiliser pour adopter le plus tôt possible des comportements réducteurs de risques, faire plus tôt ou plus souvent des examens de prévention, voire même prendre des traitements préventifs s'il en existe.
Mais parallèlement aux médecins, ce sont les économistes, les sociologues, les anthropologues, les psychologues et les philosophes qui s'interrogent ...
Conséquences économiques majeures, si ces données venaient un jour à être prises en compte par des systèmes d'assurance-santé, des employeurs potentiels, ou des organismes de crédit ...
Conséquences socio-politiques, si ces informations venaient un jour à être utilisées par des Etats ou des régimes tentés par l'eugénisme.
Conséquences infiniment complexes, insondables sans doute, sur le plan psycho-affectif ...
Notre présent se résumant à un spectacle collectif de plus en plus ennuyeux, nous le fuyons dans la projection sur nos avenirs individuels. Après la fin des idéologies, après l'hypothèque de Dieu, voilà l?Occident riche et savant qui renoue avec la Pythie de Delphes et investit son énergie culturelle dans la prévision vitale pour refuser l'injustice génétique fondamentale et la grande loterie de la vie. Quel usage ferons-nous des progrès de la visibilité sur nos futurs ?
Le docteur Kari Stefansson, à la tête de DeCode Genetics, ne serait pas content s'il lisait mon post. Il n'apprécie pas toutes ces interrogations et les critiques sur son entreprise qui affiche des profits financiers excellents.
Son leitmotiv se résume à « l'ignorance est plus dangereuse que la connaissance ! »
Autre débat, anthropologique celui-là : en 2005, DeCode Genetics a annoncé la découverte d'une variation de gène conférant une vulnérabilité aux attaques cardiaques que l'on pourrait qualifier de "racial" : ce signal génétique affecte en effet particulièrement les Noirs, chez qui il augmente de plus de 250 % le risque d'infarctus, contre 16 % seulement lorsqu'il est présent dans la population blanche européenne. On s'achemine vers la démonstration que certains groupes ethniques sont plus souvent touchés par certaines maladies héréditaires. Durant les dernières décennies, les chercheurs n'ont cessé de déclarer et de prouver que le concept de race n'était qu'une construction sociale sans aucun fondement scientifique. Et voilà que la génétique médicale associée à la généalogie multiplie les références aux groupes ethniques ... Faut-il craindre un retour des théories raciales d'un autre temps sous les habits neufs de la science post-moderne ?
L'offre de DeCode Genetics "DeCodeMe"
Chris.