L'impact de la crise en Islande

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Chris
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L'impact de la crise en Islande

Message par Chris » 21 nov. 2008, 22:04

En parallèle ou plutôt en relais avec le fil de discussion "L'Islande dans la tourmente financière", il nous a semblé utile d'ouvrir ici une autre discussion où pourront être abordées les conséquences concrètes de la crise en Islande.

Premier point abordé dans ce cadre : les restrictions budgétaires pour 2009.

Début octobre, le ministre des Finances, Arni M. Mathiesen (parti Conservateur) avait présenté devant le Parlement son projet de loi de finances pour 2009, ouvrant ainsi le débat budgétaire.
Il apparaît aujourd'hui que ce projet de budget, conçu avant que la crise ne se manifeste en Islande de la manière extrême qu'on connaît, est en réalité obsolète et doit être révisé. Une révision, notamment, sur la base du "plan de redressement de l'économie", reposant sur un effort de rigueur et d'austérité, partie intégrante de l'accord du FMI pour l'aide qu'il apportera à l'Islande sous forme de prêts.

Début octobre, c'est déjà un budget en déficit qui avait été présenté (pour la première fois depuis 2001), mais en toute hypothèse, le déficit sera nettement plus marqué que ce qui était prévu, avec des rentrées fiscales en forte baisse et des dépenses de soutien à l'économie nécessairement en hausse.

Dès à présent, le ministre des Finances vient d'ordonner à tous les ministères de prévoir une baisse de 10 % de leurs dépenses.

Premières inquiétudes aujourd'hui dans le domaine de la santé publique, dont les acteurs craignent qu'avec une baisse de 10 % de leur budget (soit 68 millions d'euros en moins), le niveau des soins ne diminue de manière significative. Ils craignent des licenciements nombreux dans le secteur de la santé et des fermetures d'établissements. La grande réforme des hôpitaux et notamment de l'hôpital national de Reykjavík (Landspitali), engagée par le ministère de la santé, va également être repensée.

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Au premier plan : Landspitali : le centre hospitalo-universitaire de Reykjavík.

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Chris
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Négociations sur les salaires

Message par Chris » 26 nov. 2008, 19:54

L'explosion de la crise en Islande a généré depuis quelques semaines des pratiques quelque peu brutales sur le marché du travail. Sans parler des licenciements purs et simples, des employés, des cadres, ont dû accepter du jour au lendemain des baisses de salaires de 10 à 20 % pour conserver leur emploi.

C'est pour essayer de réguler ces pratiques "sauvages" que s'ouvrent demain des discussions entre les principaux syndicats et les associations patronales, dans un esprit de coopération pour gérer les difficultés présentes.


Gylfi Arinbjörnsson, le president de la Confédération Islandaise du Travail (ASÍ) a déclaré au journal Fréttabladid : "Nous souhaitons trouver une solution qui soit profitable aux salariés et à la nation toute entière"
Thór Sigfússon, le président de la Confédération des Employeurs Islandais (SA) a ajouté : "Cela fait partie de la résistance dont nous devons faire preuve pour que l'activité économique reparte à plein régime dans les deux ans à venir."
Ögmundur Jónasson, parlementaire de la "Gauche-Verte", qui est aussi le président de la Fédération des Fonctionnaires (BSRB) a déclaré : "Nous examinerons les projets du gouvernement en matière de services publics, de fiscalité, de niveau d'emploi et d'asistance sociale comme un tout. Car tous ces facteurs influent sur les revenus."

Demain, donc, les leaders syndicaux envisagent de s'entendre sur une plate-forme commune pour discuter avec les autorités gouvernementales. Parmi les points essentiels, ils envisagent de demander que les contrats salariaux signés cette année soient pleinement honorés.

Rappelons à cet égard qu'en février 2008, des accords salariaux qualifiés "d'historiques" avaient mis en place des augmentations trés significatives de salaires et des réductions d'impôts. Le gouvernement avait indiqué alors avoir mis 203 millions d'euros (au cours du moment) dans la corbeille, pour partie en augmentations de salaires et pour partie en réductions d'impôts et taxes sur les revenus du travail et du capital.
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bruno
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Message par bruno » 26 nov. 2008, 20:25

Les mécanismes économiques, je trouve cela très compliqué :? , mais peut-être est-ce un bien de revenir à plus de mesure après un enrichissement trop facile et ne reposant pas sur des bases saines, sans doute est-ce un bien de revenir à plus de sobriété :) après une phase de consommation éffrénée. Tout en protégeant les plus démunis, et en fixant des règles pour que les gens cessent de vivre au-dessus de leurs moyens (je ne peux pas m'empêcher d'ajouter: et de faire vivre la planète au-dessus de ses moyens :wink: ), afin d'éviter des retours de bâton aussi brutaux :( .
Voyage à la voile en Islande et roman "Jón l'Islandais" : www.lavolta.fr

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Chris
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Explosion du chomage en Islande

Message par Chris » 27 nov. 2008, 21:35

En quelques jours, c'est une vague majeure de licenciements qui déferle sur le marché du travail en Islande.

D'après les experts islandais, entre 2000 et 4000 licenciements vont être prononcés dans les prochaines mois, d'ici l'été prochain. Tous les syndicats disent savoir que les entreprises préparent d'intenses mesures de rationalisation, lorsqu'elles ne les ont pas déjà mises en oeuvre.

Le secteur le plus massivement touché est le bâtiment. La société BYGG construction vient de licencier 160 employés, le grand grossiste en matériaux Húsasmidjan vient d'en licencier cette semaine une première tranche de 100 (sur 800 employés au total) et une seconde tranche de 100 à 200 licenciements supplémentaires est envisagée dans les 4 mois.

Plusieurs agences de voyage viennent aussi d'annoncer le licenciement d'une forte proportion de leur personnel. Même chose pour l'association des imprimeurs, ainsi que la chaîne de magasins d'alimentation Nóatún.

Dans les media, la société de production "365" a licencié la majeure partie de ses collaborateurs et la chaine privée de télévision Skjár 1 a licencié la totalité de son personnel.

D'autres sociétés, dans divers secteurs économiques, ont limité les volumes horaires de travail et, pour certaines, baissé sensiblement les salaires des employés dont l'emploi a pu être préservé.
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Effondrement du trafic aérien à Keflavík

Message par Chris » 04 déc. 2008, 21:38

Effondrement du trafic aérien à Keflavík.

Le nombre global de voyageurs empruntant l'aéroport de Keflavík a chuté de 36 % en novembre en comparaison du même mois de l'an dernier (92 000 passagers en novembre 2008 contre 143 000 en novembre 2007). Dans ce trafic, la part des Islandais a chuté de 50 %.

Fridthór Eydal, chargé de communication pour l'autorité gestionnaire de l'aéroport, a fait part au journal Morgunbladid de son inquiétude devant la perte de revenus et de taxes aéroportuaires qui résulte de cette chute du trafic aérien. Ici aussi, un plan de licenciements est en préparation.
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jujux
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Message par jujux » 05 déc. 2008, 08:49

L'effondrement est dû au fait que les banquiers ne font plus de trajets dans les branches internationales de Landsbanki, Kaupþing, Glitnir ...

CMJN
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Message par CMJN » 05 déc. 2008, 09:18

Eh ben c'est gai. :(
Espérons qu'IcelandAir et IcelandExpress ne déposeront pas le bilan. :?

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Pierre
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Message par Pierre » 05 déc. 2008, 12:54

CMJN a écrit :Eh ben c'est gai. :(
Espérons qu'IcelandAir et IcelandExpress ne déposeront pas le bilan. :?
IcelandAir, c'est la compagnie nationale, je ne pense pas que le gouvernement islandais puisse se permettre.
Par contre Iceland Express, je ne voudrais pas te porter la poisse, mais quand on voit ce qui vient d'arriver à Sterling, j'aurais une confiance très mitigée?
(http://www.usinenouvelle.com/article/la ... ite.150360)
@+
Pierre

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Message par CMJN » 05 déc. 2008, 13:51

Gloups, en effet.

Bonne nouvelle ils ont des clients :
http://www.ttglive.com/c/portal/layout? ... Id=1567988

Maintenant l'inconnue se situe au niveau de leurs coûts.

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Chris
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La dette au niveau des contribuables islandais

Message par Chris » 12 déc. 2008, 13:06

Les contribuables islandais vont devoir assumer la charge du remboursement des déposants étrangers chez Icesave.

On apprend cette semaine par le Fréttabladid que les contribuables islandais vont devoir rembourser environ 680 millions d'euros aux déposants étrangers spoliés par la faillite d'Icesave, filale "on line" de la Landsbanki. Et celà, même si les avoirs de la banque au Royaume Uni et aux Pays-Bas parviennent à couvrir une partie de la dette au titre du montant garanti par les textes internationaux.

En fait, d'après le Fréttabladid, ces 680 millions d'euros résulteront des intérêts dûs au titre du prêt de 4,1 milliards d'euros accordé à l'Islande pour qu'elle puisse couvrir les montants garantis. Et il n'est pas envisagé que les avoirs de la Landsbanki puissent être vendus avant trois ans.

Le Fréttabladid explique que le gouvernement islandais, en dépit de ses dénégations, savait bien, dès l'effondrement du système bancaire, que l'Etat islandais serait effectivement tenu pour responsable de la perte des placements des déposants étrangers.
Le 11 octobre, quelques jours à peine après la mise en oeuvre des mesures d'exception pour le système bancaire et les mouvements de capitaux, le gouvernement avait évoqué un accord avec les autorités néerlandaises par rapport aux dépôts chez Icesave.
Et dans une lettre du 3 novembre adressée au FMI, le gouvernement islandais convenait qu'il devrait prendre ses responsabilités par rapport à la disparition de ces placements.

Lorsque le FMI a subordonné son accord pour son aide à l'Islande, à la mise en place d'une solution au conflit Icesave avec les autorités britanniques et néerlandaises, le Premier Ministre Geir Haarde avait déclaré que l'Islande n'accepterait pas d'être soumise à de telles clauses.
Néanmoins, de la manière dont les évènements ont tourné, il n'a pas eu d'autre choix que de passer ces accords d'indemnisation avec le Royaume Uni et les Pays-Bas.

D'après certains experts internationaux, la dette par habitant serait plus élevée en Islande que ne l'était celle de l'Allemagne en 1945, au titre des réparations de guerre.

Chris.

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Re: L'impact de la crise en Islande

Message par Chris » 16 déc. 2008, 13:02

Chris a écrit : ... / ... inquiétudes aujourd'hui dans le domaine de la santé publique, dont les acteurs craignent qu'avec une baisse globale de 10 % de leur budget (soit 68 millions d'euros en moins), le niveau des soins ne diminue de manière significative. Ils craignent des licenciements nombreux dans le secteur de la santé et des fermetures d'établissements. La grande réforme des hôpitaux et notamment de l'hôpital national de Reykjavík (Landspitali), engagée par le ministère de la santé, va également être repensée.
Confirmation hier par Gudlaugur Thór Thórdarson, la ministre de la santé, que l'Etat contribuerait pour 11 millions d'euros de moins en 2009 au fonctionnement du centre hospitalier de Reykjavk (Landspítali).

Pour gérer cette baisse de ressources, la directrice de l'hôpital, Hulda Gunnarsdóttir, envisage de demander au ministère d'autoriser la facturation aux patients de certains services actuellement gratuits (équivalent du "forfait hospitalier" chez nous).
Par ailleurs, des licenciements sont programmés pour 2009 parmi le personnel ainsi qu'un abaissement des salaires pour ceux qui resteront.
Parallèlement, la direction du centre hospitalier va orienter ses efforts dans le sens d'une rationalisation des charges administratives ainsi que vers des mesures de simplification et de réorganisation interne.

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Hausse rapide du chomage et émigration

Message par Chris » 17 déc. 2008, 21:32

Envolée du chômage en Islande et émigration.

Les fermetures d'entreprises et les licenciements s'accèlèrent en Islande ces dernières semaines. D'après les chifres publiés hier par la Direction du Travail, le taux de chômage s'élève à la mi-décembre à 5,4 % (contre 3,3 % en novembre).

Il y a un an, en décembre 2007, il n'était que de 0,8 %.

Le chômage s'est accru de 75 % entre octobre et novembre de cette année, ce qui représente 2340 pertes d'emploi.

On s'attend en 2009 à une poursuite de cette spirale du chômage, de nombreuses entreprises allant inévitablement vers d'importantes difficultés. Celles qui disparaîtront entraîneront à leur tour la perte d'emplois induits dans d'autres entreprises liées et bien entendu dans le secteur du commerce et des services.

Comme on peut l'imaginer, les secteurs les plus touchés sont ceux des banques et de la finance, mais aussi le secteur de la construction, où des centaines d'ingénieurs, techniciens, contremaîtres et ouvriers ont perdu leur emploi ces dernières semaines. De nombreux chantiers à travers tout le pays se sont brutalement arrêtés, dont celui, hautement symbolique, du grand palais des congrès en construction devant le port de Reykjavík.

L'évolution des chiffres du chômage est cependant tempérée par le fait que des courants d'émigration se mettent en place et vont aller en s'amplifiant dans les prochains mois. Emigration qui se tourne en priorité vers les pays nordiques (Norvège notamment) et le Canada, dont les bureaux d'embauche (antennes locales et sur le web) sont très fréquentés.

Jóhanna Harpa Árnadóttir, la présidente de l'association des ingénieurs islandais (VFÍ), a rendu compte cette semaine de cette tendance, ajoutant que le haut niveau de formation et de compétence, le sérieux et le professionnalisme des ingénieurs et techniciens islandais, était reconnu dans le monde entier, et que cela avait pour conséquence que de nombreuses compagnies étrangères et cabinets internationaux de recrutement "font actuellement leur marché" en Islande, démarchant à tour de bras les cadres et travailleurs qualifiés pour leur proposer des emplois à l'étranger.

Des tendances lourdes, assurément, et qui font réfléchir sur le plan socio-économique ...

Quand le haut niveau de formation, le dynamisme, la capacité à affronter et vaincre les difficultés (esprit viking ?) deviennent des facteurs d'émigration, ce sont assurément les meilleurs éléments d'une société qui s'en vont ...
Certains reviendront peut-être, dans quelques années, dans un avenir meilleur et apaisé... mais pas tous, ni leur descendance.
Autant de forces vives qui feront défaut à leur pays à l'heure de la reconstruction, ou tout simplement à l'heure du retour à un nouvel équilibre, sans doute bien en dessous de ce que l'Islande a connu dans sa bulle artificielle gonflée au gaz toxique de la finance et du crédit.
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Infos souriantes

Message par Myriaðe » 20 déc. 2008, 10:58

Sur le site France-Islande aujourd'hui pour ceux qui ne consultent pas

Création d?une Banque du Plaisir :
Le 10 décembre, une Banque du Plaisir (Gleðibanki) a été créée à Skagaströnd (650 habitants au nord de l?Islande). Le capital de la banque est constitué de 70000 sourires et la banque ne peut pas être en faillite (mais comme a remarqué l?un des fondateurs, c?était vrai aussi des anciennes banques !). Pour le lancement de la banque, chaque actionnaire reçoit 1000 sourires qu?il paie avec un seul ! La banque calcule un indice du plaisir, définit un cours par rapport aux autres monnaies, émet des cartes de réduction chez les commerçants, etc.

A la fin de la réunion, les fondateurs ont choisi des mots à proscrire, tels que : « crise », « banques », « dettes », « milliards », « chômage », « inflation ». Ces mots ont ensuite été détruits avec le canon anti-avalanches.

**********************************************************
Et parce qu?il faut être exemplaires :
Les autorités nationales et locales annoncent les unes après les autres que les salaires de leurs dirigeants vont être diminués de 5 à 15%.

Parce qu'il faut bien sourire :lol: :lol: :lol: :lol: :lol: :lol:

Myriaðe

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Chris
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Re: Infos souriantes

Message par Chris » 20 déc. 2008, 13:36

Myriaðe a écrit : [Parce qu'il faut bien sourire :lol: :lol: :lol:

Myriaðe
Oui ... parce qu'il faut bien sourire ...

Un éditeur islandais vient de publier un "Bankish-Islensk Kreppu Orðabók" ( "Dictionnaire de la crise Langage-de-banquier / Islandais" ) !

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L'idée est de décoder le langage hermétique des banquiers et de la finance, afin que le commun des mortels puisse comprendre un minimum d'explications sur la crise ("kreppa") islandaise !
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Re: L'impact de la crise en Islande

Message par Domi84 » 22 déc. 2008, 09:11

Dans "La Croix" de ce jour, un long article sur la crise islandaise.

Islande, voyage au pays de la crise

Les Islandais ont vu en deux mois l?économie de leur pays s?écrouler. Les habitants d?une des plus riches nations du monde s?interrogent sur les marchands de rêve qui les ont conduits au bord de la faillite.

Depuis Reykjavik, au bout de trois heures d?une route gelée, entre une mer grise et une montagne blanche, sous un ciel de crépuscule en plein midi, on atteint Stykkisholmur. Ici, dans ce port de 1 000 habitants, certains font le procès du monde moderne qui a conduit les 320 000 Islandais vers la faillite.

Dans une maison donnant sur l?océan Arctique, aux fenêtres multiples pour capter la moindre parcelle de lumière, Daniel Bergmann estime que « le monde a sans doute besoin de s?écrouler, comme en Islande, pour que les gens commencent à réaliser que ce système ne marche pas, qu?il n?est guidé que par l?avidité. » Ce dernier mot revient souvent dans les propos des Islandais qui voient depuis deux mois leur île s?écrouler.

Comme la majorité de ses compatriotes, Daniel Bergmann est un homme mesuré, peu expansif et loin des dogmes. À 37 ans, il est connu à l?étranger pour ses photographies de nature. Il a choisi, il y a trois ans, de quitter Reykjavik pour s?installer avec sa famille à Stykkisholmur. Sa femme continue ses études par Internet. Lui apprend à des étrangers fortunés, notamment des Russes, à photographier la nature.
La couronne islandaise s?effondre, les taux d?inflation montent à plus de 20 %

Assis à ses côtés, Gudmundur Pall Olafsson, qui écrit des livres sur la flore et la faune. « Je ressens la force de la nature, pas son hostilité. J?aime sentir le froid et le vent, être effrayé ou devenir heureux par cette nature. Nos parents étaient encore pauvres et nous avons oublié d?où nous venons. J?aime aussi les temps modernes, mais pas la politique de l?avidité que nous connaissons depuis quinze ans et qui ne respecte pas l?environnement. On a appris aux Islandais à n?être que des consommateurs. Aujourd?hui, ils sont furieux. »

Retour à Reykjavik, où vivent près des trois quarts des Islandais. Depuis deux mois, dans ce pays qui était encore l?an dernier au premier rang du classement mondial de développement humain, tout le monde est touché par la crise. Beaucoup se sont endettés pour acheter une télévision, une voiture ou un appartement. Les crédits étaient souvent souscrits en monnaie étrangère et avec des taux variables liés à l?inflation. Or, du fait de la cessation de paiements des trois banques du pays, emportées par la crise financière internationale, la couronne islandaise s?effondre, les taux d?inflation montent à plus de 20 % avec le renchérissement des importations, et la valeur des maisons s?écroule.

Les épargnants, eux, détenaient des actions d?une des trois banques islandaises, des établissements qui ne valent plus rien. Les personnes âgées, enfin, touchaient leurs retraites de fonds de pension dont le capital est en chute libre. Torfin Tulinius, professeur à l?université, explique : « J?ai souscrit un crédit à taux variable sur un tiers de la valeur de notre maison. Le taux de notre crédit a augmenté de 20 %. La moitié de ce crédit a été prise auprès de notre caisse de retraite. Si nous ne remboursons plus, nous mettons en difficulté l?organisme censé nous verser bientôt notre retraite. »
Les Islandais voient s?évanouir leur patrimoine et leurs revenus

Au bout du monde, en Islande, des propriétaires de voitures et d?appartements se retrouvent soudain avec des remboursements qui doublent ou triplent. On leur a fait miroiter des prêts mirifiques. Ils sont propriétaires de biens invendables. Sonia ne peut plus payer le prêt de sa voiture. Elle l?a annoncé à sa banque qui lui a dit de garder la voiture pour les fêtes, « après on verra ». On rapporte une augmentation du nombre des incendies de voitures, pour pouvoir toucher un remboursement des assurances. Une solution consiste à se déclarer en faillite personnelle. Beaucoup commencent à en arriver à cette extrémité, sans vraiment savoir ce qu?en sera la conséquence. Le gouvernement s?est fixé comme priorité de permettre aux gens de conserver leurs maisons, quitte à nationaliser les habitations menacées.

Les Islandais voient s?évanouir leur patrimoine et leurs revenus. « Beaucoup de monde se rendait compte que ce soudain enrichissement était anormal. Pour ceux-là, la crise est une libération et va permettre de revenir à la réalité. Pour les autres, le monde s?est écroulé », explique le philosophe Pall Skulason. « On a encouragé les gens à s?endetter. Les banques ont fait des folies et le pouvoir politique a failli. L?unique message envoyé aux jeunes était de s?enrichir. Les médias ont été manipulés par les gens d?argent et la publicité. »

Passé la stupeur de la crise, les Islandais expriment leur hostilité devant la collusion entre les politiques et une vingtaine de chefs d?entreprise. Certains se réunissent chaque samedi devant la petite maison de pierres qui sert de Parlement pour demander des comptes au gouvernement. Un groupe de femmes y a tricoté mardi dernier, dans le froid et la nuit, « pour les générations futures ». Le matin, quelques jeunes, croisant un des banquiers toujours en place, l?ont poursuivi jusqu?à son bureau. « En France, tout le monde serait dans la rue », souligne un Français de Reykjavik.
Les Islandais redoutent une brusque montée du chômage

Ici, face au désastre, le pouvoir politique est en place jusqu?en 2011, et les financiers travaillent toujours dans les petits bâtiments du centre de la ville. « Nous n?avons pas l?habitude de jeter des tas de choses lors de grandes manifestations. Même si, après deux mois de choc, nous sommes en colère », analyse le consultant Magnus Arni Skulason. Des réunions sont organisées chaque semaine par un collectif de gens de la culture. Mercredi dernier, une centaine de personnes débattait de la collusion, voire de la corruption, qui pouvait régner entre le pouvoir politique et le pouvoir économique.

Chacun s?écoute et respecte son temps de parole. « Dans notre petite société, tout le monde connaît tout le monde. C?est ingérable. Les politiques ont fait des lois auxquels personne ne comprenait rien pour faire plaisir à quelques personnes. On a abusé le peuple. Aujourd?hui, la commission mise en place pour évaluer le problème comporte des membres liés au pouvoir économique. Il nous faut des contrôles extérieurs », explique une participante.

En attendant ce diagnostic sur les errements passés, les Islandais sont durablement traumatisés. Ils redoutent une brusque montée du chômage. « Nous sommes déjà passés de 2 % à 7 % en deux mois. Avoir un emploi faisait partie du contrat de notre société », souligne Arni Finnson, un militant écologiste. Depuis un demi-siècle, le chômage n?existait pas en Islande. « L?idée que tout y était meilleur est cassée. L?image d?une Islande, paradis et centre du monde, est brisée pour toujours, surtout chez les jeunes », estime le professeur de psychologie Jakob Smari. La cohésion de l?île est mise à rude épreuve entre ceux qui ont perdu leurs économies et ceux qui veulent que l?on efface leurs dettes. « Les gens qui n?ont pas pris de risques vont devoir payer pour ceux qui en ont pris », prévoit l?économiste Gunnar Haraldson.

Avec la crise, les Islandais se sont rendu compte qu?ils étaient seuls. Pendant la guerre froide entre Américains et Soviétiques, l?Islande, base de l?Otan, était une île stratégique. Dans les années 70, l?Islande pouvait faire plier la Grande-Bretagne, dans la « guerre des morues », en brandissant l?appui de l?allié américain. En 1973, Georges Pompidou rencontrait Richard Nixon à Reykjavik. En 1986, c?était le tour de Ronald Reagan et Mikaël Gorbatchev. Depuis, les enjeux géostratégiques ont changé de continents et l?Islande n?intéresse plus. Au début de la crise, l?Islande a bien demandé l?aide de ses voisins du Nord.

Pierre COCHEZ


Certes, on a déjà beaucoup lu sur le sujet...mais tous les éclairages sont à prendre.

Bonnes fêtes à tous. :lol:
Domi

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