Une plongée dans le cinéma islandais (par DVDrama)

Vous avez été éblouis par "Nói Albínói" de Dagur Kári, vous admirez les films de Fridrik Þor Fridriksson ? Vous venez de découvrir une nouveauté ? Venez en parler ici.

Modérateurs : Myriaðe, Souricette

Répondre
Avatar du membre
Chris
Messages : 1158
Enregistré le : 10 nov. 2005, 00:39
Localisation : Nice (France)
Contact :

Une plongée dans le cinéma islandais (par DVDrama)

Message par Chris » 08 sept. 2008, 22:18

A l'occasion de la sortie en France cette semaine de "Jar city" de Baltasar Kormakur, d'après le best-seller de Arnaldur Indridason "La Cité des Jarres", le site DVDrama vient de publier un intéressant dossier signé Florent Kretz, sur le cinéma islandais des origines à nos jours. Le voici :

A l'occasion de la sortie du polar Jar City, nous avons tenté de nous plonger dans l'univers cinématographique de l'Islande, pays scandinave ayant la particularité de posséder à la fois un septième art peu étoffé et pourtant le plus riche contenu du nombre de films produits par le nombre d'habitants ! Enquête sur la production d'une île qui se dévoile enfin grâce au métrage de Baltasar Kormakur.

Pour beaucoup, la culture islandaise contemporaine ne doit se résumer qu'aux prestations musicales ou scéniques de la chanteuse polyvalente Björk ou du groupe expérimental Sigur Ros. Et ce pour la raison très simple et relativement légitime que très peu d'oeuvres ne parviennent à traverser l'océan Atlantique. Cependant, si le très réussi Jar City semble mettre en lumière une nouvelle alternative culturelle au cinéma, celui-ci se sera pourtant énormément développé durant le siècle dernier. Une évolution certes modeste compte tenu de la production mondiale mais plutôt impressionnante pour cette Terre des Glaces, pays totalement isolé et ayant eu son indépendance il y a à peine plus de soixante années. Car si le Danemark cèdera aux demandes du peuple islandais en 1944 - ce dernier étant frappé par l'abandon, les épidémies, la famine et les conditions climatiques épouvantables - on relate que le cinéma était déjà présent depuis quelques temps et ce malgré le coût excessif du matériel pour un pays comme celui-ci.

En effet, malgré toutes les épreuves, il semblerait que la population islandaise se soit toujours passionnée pour les cultures et l'art. Alors que le pays souffre de la misère, on voit apparaître dès le 2 novembre 1906 le tout premier théâtre cinématographique. S'il est étonnant de voir cette installation si tôt elle n'a pourtant rien de surprenant puisque le pays recèle de mythologies et d'histoires fabuleuses dont se nourrit la nation toujours affamée de nouvelles aventures. Tandis que le petit cinéma situé dans la capitale de Reykjavik projette les courts métrages qu'ils importent, la toute première production du pays sera un documentaire de trois minutes réalisé par le tout juste arrivé August Lind. Celui-ci d'origine danoise offrira donc au pays son tout premier film qui ne sera pas considéré comme une oeuvre véritablement nationale, tout comme les deux suivants The Story of the Borg Family en 1919 ou encore Hadda Padda qui suivra en 1923. Toujours produits par le Danemark grâce à la boîte de production Nordisk, il faudra attendre seulement quelques mois pour que le cinéma islandais naisse véritablement.

En cette année 1923, Loftur Gudmundsson tournera un métrage nommé The Story of Jon and Gvendur. Court et muet, le travail du réalisateur ne sera pourtant découvert que plusieurs années plus tard, en 1948. Les danois viendront beaucoup tourner entre temps, essentiellement des documentaires dont la plus grosse production de l'époque sera Island I Lifandi Myndum financée par Moving Pictures. Lorsque le court métrage de Gudmundsson est découvert, il est en fait proposé avec le premier long en couleur : Between Mountain and Shore qui marquera un vrai tournant dans l'histoire culturelle du pays. En dépit du succès national du film, seules deux autres créations seront exploitées durant les trente années suivantes : Girl Gogo par Erik Balling et The Red Mantle par Gabriel Axel, tous deux traditionnellement danois !

Marchant sur les pas du pionnier Gudmundsson, d'autres tentent leurs chances mais sans succès à l'instar de Oskar Gislason qui malgré ses expérimentations ne parviendra pas à obtenir la reconnaissance que lui doit aujourd'hui le pays. Car il faudra donc attendre 1977 et Murder Story pour que les choses démarrent. Réalisé par Reynir Oddsson, le métrage se place dans la veine d'un film à la Chabrol, cinéaste qu'il a découvert en voyageant et en étudiant à l'étranger. C'est du reste grâce à ce film que le pays, se remettant tout juste en route d'une longue occupation qui aura duré plusieurs siècles, ouvrira les portes de l'Icelandic Film Center qui fera office à la fois d'école mais aussi de maison de production. Dès l'année suivante, il finance le nouveau film de Gudmudsson nommé Land and Sons et dont la première nationale restera comme une date importante dans l'histoire du cinéma islandais puisque marquant vraiment la naissance du medium. L'événement du 25 janvier 1980 déclenche les passions puisque se faisant par la même occasion connaître des autres pays scandinaves qui habituellement ne faisaient que leur envoyer des copies de leurs films danois, allemands ou norvégiens, ils commanderont à leur tour le film islandais.

La télévision nationale se développant et connaissant un véritable engouement chez les quelques 260 000 habitants, des partenariats se mettent en place pour développer l'univers visuel du pays. N'hésitant pas à financer les voyages d'études des futurs cinéastes qui partent faire leurs premières armes à Prague, Paris, Berlin ou même Tokyo, le cinéma islandais se dévoile comme riche d'une culture polymorphe et stylisée. S'aventurant généralement dans le cinéma de genre, telles que les reconstitutions d'épopées vikings ou de thrillers froids et urbains, les pays du nord découvrent un intérêt incroyable dans les films de leurs voisins insulaires. Les coproductions se font de plus en plus courantes et tentent de s'affirmer comme originales tout en exploitant le meilleur des modèles étrangers. Dès les années 80, une recrudescence se laisse connaître et on voit de plus en plus d'oeuvres de cinéastes tels que Fridrik Thor Fridriksson, véritable chef de file du renouveau islandais. Ayant d'abord officié comme principal importateur culturel - à la tête du cinéclub universitaire, il présentait des films qui n'avaient pu traverser l'océan -, il se présentera comme l'un des fleurons de la jeune première génération en obtenant divers prix internationaux dont 23 pour son Children of Nature en 92. C'est entre autres grâce à sa nomination aux oscars que l'Islande commencera à se faire remarquer. Leurs métrages, quoique restant dans le domaine de la fiction, prenant de plus en plus une tournure réaliste et sociale, la population se rue dans les quelques salles obscures et on estime que plus d'un tiers du pays découvre le film lors de la sortie en salle !

Tandis que Hrafn Gunnlaugsson devient le représentant de l'aventure made in Islande avec des films tels que Father's Estate en 80, When the Ravens Flies en 84 ou encore The Sacred Mound en 93, la liste des cinéastes augmente considérablement entre ceux ayant suivi un cursus officiel et les autodidactes se faisant remarquer. Que ce soit le fantastique qui prenne le dessus au milieu des années 80 avec The Islandic Shock Station de Thorleifsdottir ou The Beast de Oddsson ou d'autres genres auxquels contribuent Thoroddsen et son Ingalo en 92, Dream Hunters en 95, Oskarsson et Rust en 90 et tant d'autres, il semble que le cinéma islandais se montre l'un des plus prolifiques puisque l'on constate la sortie de pas moins de dix longs métrages en salles par an, ce qui sur l'indice mondial est énorme, la population locale étant relativement menue.
Avec pas moins de quelques quarante réalisateurs s'activant soit en télévision soit en longs métrages, il semblerait que la production islandaise n'attende qu'une chose : être découverte ! Espérons juste que celle-ci se montre aussi percutante que son dernier bébé Jar City, adaptation du roman mondialement célébré Myrin par Arnaldur Indridason, et surtout que le film, en faisant un joli score au box-office international, nous permette de découvrir les quelques centaines de métrages qui n'ont pas encore connu une carrière mondiale.


Florent Kretz

Image Jar city

Répondre