Ólafur Elíasson exposera à Versailles à partir du 5 juin


L’artiste dano-islandais a annoncé une cascade immense, un bosquet de brume et un champ de moraines glaciaires pour les jardins royaux. À l’intérieur du Château, les secrets sont bien gardés.

Une certaine tension régnait autour d’Ólafur Elíasson, juste avant la conférence de presse, ce lundi 2 mai après-midi au Plazza Athénée, où la star dano-islandaise de l’art contemporain devait dévoiler son projet pour Versailles http://presse.chateauversailles.fr/expositions/expositions-au-chateau/olafur-eliasson-au-chateau-de-versailles-en-2016/. L’événement, toujours délicat, doit se tenir au Château à partir du 5 juin prochain.

Dévoiler sans tout dire, l’exercice est ardu. Surtout si l’on a en mémoire la violente polémique née, l’an dernier, d’une petite phrase autour de son prédécesseur, l’artiste britannique Anish Kapoor, dont l’œuvre Dirty Corner a été vandalisé trois fois avant son retrait subreptice. Son nom ne sera d’ailleurs jamais prononcé en une heure de présentation et quelques questions. Avec beaucoup de tact, de modestie et d’humour, Ólafur Elíasson, chemise noire et veste noire, a présenté son projet qu’il a délibérément ancré dans l’esprit des lieux.

Acte I, le respect. «Tout au long de ma formation d’artiste, j’ai eu la chance d’avoir été invité par nombre d’institutions, le Musée d’art moderne de Paris le premier, puis la Tate Modern avec The Weather Project (en 2003). Mais Versailles, qui est à la fois un monument de l’histoire de France et un espace public, est une invitation particulière. J’ai toujours été intéressé par la théâtralité du baroque, plus comme un style qui permet d’amplifier la présence d’une idée, de dire le tout par un détail, d’approfondir une capacité sensorielle et critique, que comme une échappée mélancolique vers le passé».

Et de souligner le rapport toujours existant du château avec l’actualité. «Je venais de réaliser Ice Watch (son cadran polaire composé en douze morceaux de glacier du Groenland, sur la Place du Panthéon à Paris, pendant la Cop21, NDLR), juste après les attentats du 13 novembre, quand j’ai rencontré Catherine Pégard (présidente de l’établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, depuis le 2 octobre 2011, NDLR), Alfred Pacquement (ancien directeur du Musée national d’art moderne et déjà commissaire des deux précédentes expositions, Lee Ufan Versailles et Anish Kapoor Versailles, NDLR) et les équipes de Versailles.

J’ai appris au même moment que se tenait au château une réunion au sommet pour l’instauration de l’État d’urgence. Cela a fait écho à mon désir de faire de Versailles, cet extraordinaire espace, un lieu toujours vivant en correspondance avec le monde d’aujourd’hui».

Acte II, la curiosité. «J’ai été heureux d’explorer Versailles, j’ai eu la chance de pouvoir le faire de nuit, sans personne ni aucune lumière (autre que son Little Sun, lampe solaire et son projet humanitaire né en Afrique subsaharienne qui lui tient très à cœur, lui qui a adopté ses deux enfants en Éthiopie, NDLR). Pour cela, il faut bien connaître Catherine! (Premiers rires dans la salle un peu figée). J’ai pu ouvrir des portes dérobées, passer dans certains escaliers, emprunter les couloirs réservés jadis aux domestiques et rencontrer ainsi un monde fourmillant de secrets.

Je me suis senti comme un explorateur, comme quelqu’un qui a voyagé pour venir à la rencontre de Versailles, ce lieu qui a voyagé de Louis XIV jusqu’à nos jours et jusqu’à moi. Même dans les jardins à la française, dont on dit qu’ils sont si organisés et construits, j’ai découvert l’autre sens du mot «folie», ces pavillons qui ont inspiré les Anglais. Le jardin à la française est là pour guider l’explorateur. Mon travail est souvent éphémère et appelle ainsi à la curiosité. Le visiteur s’y engage, le finalise et le prolonge par son expérience».

Acte III, l’action adroitement ciblée. «Je ferai trois installations dans les Jardins. La première sera une très très grande cascade artificielle (sur le tapis vert, NDLR) avec de l’eau puisée dans le Grand Canal. Sa hauteur est déterminée par la vision que l’on en aura depuis la terrasse du Château. Lorsque l’on descendra à la Fontaine d’Apollon, elle paraîtra incroyablement haute. je ne donnerai pas de hauteur. Je mise sur la confiance des visiteurs qui se poseront la question et se demanderont: «Qu’est-ce que haut veut dire?».

Dans Le Bosquet de l’étoile, l’œuvre fera encore référence à l’eau mais sous forme de bruine, de rosée, de brume. J’ai travaillé avec une architecture circulaire pour induire un élément de jeu. On pourra disparaître dans le brouillard, le traverser et gagner le centre du Bosquet. J’espère qu’il y aura un jour de pluie et que nous y verrons un arc-en-ciel. Dans le Bosquet de la colonnade, j’utiliserai la glace du Groenland, comme dans mon projet IceWatch, et les moraines glaciaires, ces débris laissés par les glaciers qui se retirent. Ils sont riches en minéraux et fertiliseront symboliquement cette terre. Eau, bruine, glace, ces trois états seront déclinés à Versailles».

Épilogue, les secrets bien gardés. «Pour l’heure, le budget n’est pas encore annoncé. je ne sais pas s’il le sera. Nous travaillons dur pour joindre les deux bouts. Sur les 100 personnes qui travaillent dans mon studio à Berlin, une petite quarantaine est mobilisée par le projet de Versailles. Nous ferons de notre mieux pour monter les installations après les heures d’ouverture au public et la nuit pour gêner le moins possible les visiteurs. A l’intérieur du Château, j’ai poursuivi mon exploration. et renversé le point de vue, faisant du Château le sujet même. Je vais essayer de faire que Versailles vous regarde, plutôt que vous ne regardiez Versailles. Certaines de mes installations seront là, au vu et au su de tous.

Et pourtant, elles seront si intégrées dans l’architecture que, j’en suis sûr, parmi les millions de visiteurs de Versailles, certains ne les dénoteront pas. Si on ne veut pas les voir, on peut les ignorer. Il y en aura une si petite que beaucoup risquent de passer outre. Mon travail joue sur les phénomènes naturels, la lumière, l’immatériel, le caractère éphémère des choses, et même parfois sur la psychologie. Le visiteur ou le spectateur est celui qui le révèle en le vivant. Quand j’ai réalisé The Weather project à la Tate Modern, j’ai voulu créer un forum où les gens se rencontrent, se parlent, s’évitent, s’aiment, s’opposent. L’art, à mon sens, doit servir à coproduire de la citoyenneté».

http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2016/05/02/03015-20160502ARTFIG00281-apres-anish-kapoor-olafur-eliasson-signe-la-paix-a-versailles.php

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